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Texte Libre

      Ce blog est lié au site www.pourlecommunisme.com, rédigé par un militant du PCF, dans le but de publier plus rapidement des positions et informations liées aux sujets du site. Il est également devenu un blog de suivi (discontinu) de l'actualité du PCF, de réactions à divers sujets n'ayant pas leur place sur le site.

     www.pourlecommunisme.com est un site qui s'attaque directement aux critiques faites contre le communisme (millions de morts imputés à l'idéal communiste, faillite économique, etc...). Il ne fait la promotion d'aucun régime existant ou ayant existé par le passé, s'efforce de comprendre les faits et de proposer des pistes pour l'avenir.

     Vous êtes anticommuniste et voulez débarasser le monde d'un jeune fou qui, selon vous, risque de faucher à nouveau des millions de vies?

Vous êtes stalino-maoïste (pardon : marxiste-léniniste-pensée-Mao-Zedong) et voulez écraser la vermine révisionniste que je suis?

Vous voulez simplement parler du communisme?

Alors ce blog est pour vous.

 

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26 décembre 2011 1 26 /12 /décembre /2011 21:30

Cette compilation sera également présentée sur le site de l'ARSIN (http://www.arsin.fr).

 

                 Voici la compilation de mon blog, tant attendue par la foule en délire. Ou « les compilations » devrais-je dire, puisque cela fait deux tomes.

 

                Les versions papier (payantes, mais à marge nulle) sont disponibles sur TheBookEdition (le premier et le second tome), ainsi qu’un PDF téléchargeable complet.

 

 

                Mais tout est lisible sur Calameo.

 

                Ici le tome 1 de la compilation.               

 

                Ici le tome 2 de la compilation. 

               

                Neuf passages des plus notables sont également consultables :

 

Issus du tome 1 :

 

                Introduction – pourquoi être communiste, pourquoi ce blog 

               

                Constats sur la crise (Octobre 2008) 

               

                Voyage à Cuba (Août 2009) 

 

Issus du tome  2 :

 

                Contre les privatisations (Octobre 2009) 

   

    Sur les retraites (Avril 2010) 

               

                La dette publique (Juillet 2010) 

               

                Les dépenses publiques (Février 2011) 

 

                Etat, Nation, Identité, Racisme (Octobre 2009) 

 

                A propos des discriminations ethniques (Juillet 2010)               

 

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3 décembre 2011 6 03 /12 /décembre /2011 11:35

Ce blog étant maintenant suspendu, je vous invite à suivre l'actualité d'un site ouvert et participatif, plus proche de mes convictions: le site de l'Association Républicaine pour le Socialisme et l'Indépendance Nationale (www.arsin.fr) :

 

 

 
 
 
Ce site reproduit nombre d'articles de blogueurs de gauche souverainistes et/ou socialistes, et même d'autres horizons, tant que les contributeurs sont ouverts au débat.
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31 octobre 2011 1 31 /10 /octobre /2011 21:01

Article rédigé par DiadoreCronos, ancien militant du PCF.

 

Après un nouveau mois d’absence, l’article que je rédige ici sera le dernier. J’ai décidé de suspendre le blog, mais pas de le fermer, et ce sans doute définitivement. Ce qui ne signifie pas que des mises à jour ou annonces ne seront effectuées, des fois que cela intéresserait les 5 à 10 passants quotidiens.

Cette clôture coïncide avec mon départ du PCF et du MJCF. Enfin pas tout à fait : j’ai annoncé mon départ aux camarades courant Juin.

L’une des premières raisons de la fin du blog est d’abord, comme dit plus haut, sa très faible fréquentation. En cinq ans, le total des visites uniques (ce qui ne signifie pas autant de personnes différentes) a tout juste dépassé les 15.000. Soit le nombre de visites qu’un blog honorable fait en un mois, et que certains font en un jour. Le fait est que je ne me destine pas à la tenue quotidienne d’un blog alimenté par une seule personne.

L’autre grande raison est ma rupture avec le Parti. Or, puisque ce blog n’a jamais vraiment été le blog auxiliaire de www.pourlecommunisme.com (qui lui, n’est pas davantage remis à jour, mais pourrait l’être), mais plutôt celui où je donnais mon opinion strictement personnelle de militant PCF-JC, il doit donc prendre fin maintenant.

Je ne commente plus l’actualité du Parti depuis belle lurette, depuis le printemps 2010 au moins. Je n’ai pas changé d’avis, loin de là, sur mon refus total de soutien à la candidature de Mélenchon. Déjà, en prenant ma carte en Septembre 2005, j’avais au mieux 50% d’accords avec les idées du PCF, telles qu’elles étaient exprimées par sa programmatique. C’était le parti dont j’étais le moins éloigné. Aujourd’hui, ce chiffre est beaucoup plus bas.

Parmi les lignes de clivages, les lecteurs de ce blog auront pu remarquer la question de l’austérité et de la dette publique. J’ai déjà pointé dans deux articles récents l’incohérence du discours de la « gauche de la gauche » qui dit à la fois « non à l’austérité », et « augmentons les impôts pour combler le déficit » (ce qui est encore de l’austérité). En 2007, quand Marie-Georges Buffet parlait d’accroître la pression fiscale pour réduire les déficits, j’étais plutôt d’accord, même si ça n’empêchait pas revoir les dépenses publiques, de réduire les gaspillages (et sur ce point, je n’ai jamais changé de ligne, je me rappelle déjà quand, en 2003, à l’époque sympathisant LCR, je faisais part à de jeunes « camarades » de la nécessité de ne pas laisser à la droite le monopole de la critique des gaspillages publics). Et, en 2007, ledit déficit public était inférieur à 3% du PIB, pas à 6% comme aujourd’hui. Contrairement aux camarades du PCF, je ne crois pas à la pertinence de grandes relances par le déficit (si elles fonctionnaient, elles devraient déjà produire leurs effets positifs sur la croissance, en Europe et aux USA, après trois ans de trous béants dans les budgets publics, et de plans d’austérité faiblards et tout juste au stade de l’annonce). Je ne crois pas non plus que l’on puisse annuler des dettes publiques sans conséquences graves, ni même que cela règle le vrai problème à savoir celui des déficits publics.

Je pense que les causes de notre crise sont nettement plus vastes, résidant en partie dans la faiblesse de la croissance économique et dans une nette surdépense de nos administrations publiques, dépenses qui ne pourront pas croitre indéfiniment en proportion du PIB (nous sommes déjà à 56%, trois points de plus qu’il y a trois ans). Etre communiste ou socialiste ne se reconnait pas au fait que l’on veuille toujours plus de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires. Ces problèmes de croissance et de dépenses publiques tiennent à un « modèle » social français qu’il faudrait sérieusement réinventer. Pas pour le copier sur un « modèle » allemand, scandinave ou anglosaxon. Mais sur un autre, proprement original. Parmi les autres causes de nos soucis, l’euro, et sa génitrice jalouse l’Union Européenne. L’euro est une monnaie ne convenant à aucun des états membres, et qui en plus de cela repose sur un contrat moral assez contestable, les états enregistrant des déficits commerciaux ayant compté sur la force exportatrice de l’Allemagne pour ne pas voir leur monnaie baisser, et continuer à emprunter. Avant que cela ne leur retombe dessus.

Je n’ai pas envie de rêver d’une « Europe des Peuples », attendue depuis des décennies, ni d’une « Europe de gauche », où un état sur vingt-sept, représentant un sixième de la population de l’Union, la France, pourrait convaincre tous les autres de « faire l’Europe » autrement. Comme si les autres pays n’avaient pas consciemment élu leurs dirigeants (même si cette élection a de moins en moins d’intérêt pour des pays de moins en moins souverains comme la Grèce ou le Portugal). Je n’ai pas du tout envie « d’Eurobonds », d’une dette européenne qui impliquerait un gouvernement économique européen, qui ne serait qu’une étape de plus dans la destruction de notre souveraineté (après la perte de notre monnaie, de nos frontières, de notre budget, il nous resterait vaguement notre armée, et encore, celle-ci étant intégrée à l’OTAN). Je ne crois pas non plus à une politique de « désobéissance civique », de « politique de la chaise vide », où au nom d’un pragmatisme douteux, on refuserait de quitter l’UE, pour continuer à l’influencer par le blocage de ses institutions. C’est à la fois vain (sur quel domaine l’appartenance à l’UE est-elle vraiment intéressante ? Nous n’avons besoin d’être membre de l’UE ni pour garantir la paix, ni la démocratie, ni la liberté des échanges ou de la circulation des personnes, ni pour les coopérations culturelles, scientifiques, militaires ou administratives), et d’une moralité bancale. Lorsque l’on intègre un système reposant sur des accords avec d’autres personnes (ou Etats), alors on en respecte les règles et le fonctionnement de base. Sinon, on en sort, ou alors on abuse de la confiance d’autrui, de son temps et de ses moyens.

Et, pour les sectaires qui me liraient, oui, je dis bien « notre » armée, souveraineté, monnaie, pays, « nos » frontières, budgets, lois…Oui, il existe des classes sociales, aux intérêts divergents et souvent antagonistes au sein de la société capitaliste française. Il n’y en a pas moins des intérêts convergents, et même plus pressants encore pour les prolétaires que les autres, qui sont la conservation de la sécurité du pays.

Je ne crois pas à une « fédération socialiste mondiale » qui fait rêver les trotskystes. Rien ne serait pire qu’un Etat mondial, pouvant écraser toute révolte sans aucun concurrent pour lui en tenir rigueur. Les nations et les Etats existeront tant qu’existera la liberté humaine, et pour se faire respecter, ils doivent disposer de la force. Lorsqu’un pays est soumis par un autre, ceux qui possèdent des capitaux peuvent s’arranger pour fuir, ou pour négocier avec l’occupant. Celui qui n’a que sa force de travail pour vivre subit de plein fouet le joug de l’envahisseur. C’est pour cela que, malgré l’incompréhension des gauchistes, les classes ouvrières sont souvent les plus patriotes, instinctivement et non symboliquement. Je ne crains donc absolument pas les accusations de « nationalisme » (terme fourre-tout) que pourra m’envoyer la « gauche » eurofédéraliste.

Pour en revenir à des questions de modèle économique global, j’ai pu constater en six ans que le PCF ne sortirait pas – qu’il s’agisse de sa direction ou de son opposition marxiste – d’une vision « étatiste » au sens le plus classique qui soit, et notamment du culte du « service public à la française ». C'est-à-dire une administration dont l’évaluation rigoureuse est toujours remise aux calendes grecques,  ou alors non entendue, quand la Cour des Comptes la fait. Une administration où le gaspillage n’existerait pas, où chaque poste serait utile et devrait donc être défendu corps et âmes. Une administration où toute défaillance est à mettre sur le compte du « manque de moyens » - sans jamais faire de comparaison avec ce qu’il en est réellement dans d’autres pays. Il m’était pourtant arrivé de dire, au cours d’un atelier du 33ème Congrès, que tout gaspillage public signifie un budget en moins pour financer d’autres progrès sociaux. Mais si vous le dites, vous servez la droite et les libéraux. On ne parle même pas des notions de concurrence et de marché, amalgamées depuis toujours à celle de privatisation.

C’est pour cela que j’épouse volontiers le qualificatif dont un autre auteur avait fait le titre de sa thèse : je suis «communiste libéral ». Libéral, et pas libertaire : je n’ai jamais été hostile à l’armée, la police ou la nation. L’existence de hiérarchies fonctionnelles dans de nombreuses activités humaines me semble indispensable. Mon idéal, c’est un Etat séparé en plusieurs niveaux : un état central purement régalien, disposant non pas du monopole de la force (je suis partisan du droit au port d’armes, je reconnais le droit à la l’autodéfense pour les particuliers), mais de la plus grande force ; des structures élues, distinctes de l’Assemblée Nationale, chargées de gérer les grands domaines de l’action sociale (financement des retraites, de la santé, de l’éducation et de l’aide aux familles et invalides) ; et les entreprises entre les mains de leurs salariés, ou d’associations de travailleurs plus larges, voire de tous les citoyens du pays pour les très grandes. Et ces entreprises évoluant de façon autonome, non planifiée, en concurrence. Voilà mon communisme libéral (et patriote).

Je termine cette vue générale du PCF en constatant que la réflexion sur le bilan des anciens régimes dits « communistes » ne mobilise pas grand-monde. Des camarades qui se battent contre la criminalisation de notre histoire, j’en ai rencontré. Mais c’était presque toujours pour réhabiliter la version stalinienne, c’est-à-dire l’histoire soviétique dans ses bons aspects (il y en a) et les mauvais, qui n'existeraient pas, ou seraient tellement à relativiser pour ces camarades. Les autres militants, la majorité, ne se préoccupent pas du tout de ces questions historiques.

 

Il y a aussi le bilan militant. Si ma période niortaise (Automne 2005-Début 2008) fut assez pauvre (33ème congrès et discussions autour du rassemblement antilibéral exceptés), mes six années au Parti furent riches d’apprentissage. Il valait sans doute mieux que je fasse mes essais au sein d’un mouvement sans avenir – car le PCF n’en a pas, non pas parce qu’il ne peut pas, mais parce qu’il ne veut pas en avoir : sa direction a organisé la « mélenchonisation », et l’opposition marxiste fut divisée dès le départ, et a continué à le faire en 2009, entre autres autour de l’opposition entre le patriotisme d’André Gérin, sa campagne contre la burka, et d’autres sections membres du réseau « Faire Vivre et Renforcer le PCF » qui rejettent ces positions.

J’ai vu, aussi bien au sein du PCF que du MJCF, des camarades sincèrement dévoués, qui  passaient leurs jours, soirées et parfois nuits dans l’action militante, dans la communication auprès des autres citoyens ou dans des tâches purement administratives et roboratives. Certaines sections arrivent à avoir des permanents, mais ce serait très insuffisant pour supporter l’ensemble de l'activité militante. Comme dans toutes les organisations durables (et le PCF est quand même le parti le plus vieux de France), de véritables talents de diplomates, d’organisateurs et, excusez du mot, de managers s’y rencontrent.

Au Parti, j’ai aussi vu les limites de la solidarité, lorsque des camarades doivent apprendre aux jeunes comme moi qu’on ne peut pas toujours suivre son sentiment et intervenir pour aider ceux qui semblent en avoir urgemment besoin, car on n’en a pas les moyens, ou parce que les pouvoirs publics se déchargeraient alors totalement sur nous. Et qu’on ne peut pas non plus éviter de donner le coup de poing de temps à autres, même au cours d’une fête comme celle de l’Humanité, car sans limites claires, une organisation s’enraye très vite.

J’ai aussi connu les petits chefs, parfois jeunes, les coups bas lors de débats « fraternels », les gens qui maitrisent les ficelles de la démagogie avant d’avoir atteint vingt-cinq ans. Mais rien de bien méchant. Je ne dis pas cela pour me plaindre, plutôt pour plaindre ceux qui ont remplacé le combat des idées par le combat des mots, voire dans certains cas par le combat aux poings. Lorsque l’on a acquis cette façon de faire de la politique si jeune, le risque est d’y rester définitivement.

 

Pour tout dire, j’étais entré au PCF dans l’idée de le faire changer de l’intérieur. J’ai donc toujours été un « entriste », et ça n’a rien de honteux si cela est sincère. Or, changer un parti de l’intérieur, surtout s’il a une histoire conséquente derrière lui, m’apparait de fait impossible. Ca l’est peut-être pour un groupe de gens décidés serait peut-être possible, mais pas pour une personne dont les idées sont si différentes de celles de la majorité. Et les calculs arithmétiques que je me faisais, évaluant le nombre de gens que j’aurais à convaincre pour en convaincre d’autres, et arriver jusqu’à faire basculer la majorité au sein du Parti, restent des vues de l’esprit : dans un parti, une personne n’en vaut souvent pas une autre en termes d'influence.

 

Alors maintenant ?

Je ne suis pas tout à fait seul. J’ai rencontré sur le web d’autres personnes qui ont eu, soit des parcours, soit des idées proches des miennes, soit les deux. Je pourrais citer le blogueur Descartes, qui a eu des responsabilités dans le PCF avant de devenir blogueur indépendant, peu amène vis-à-vis de Mélenchon, et qui corrige certaines absurdités proférées par la « gauche radicale », au point de passer parfois pour « réac ». Ou encore Joe Liqueur, le troisième « communiste libéral » que je connaisse, puisque c’est le titre de son blog. Sauf que lui ne doit jamais avoir été membre du PCF. Il est en revanche membre de l’UPR, le parti de François Asselineau, ralliement de tous ceux, à gauche comme à droite, veulent que la France quitte l’Union Européenne, l’euro et l’OTAN. Le discours d’Asselineau est loin d’être parfait sur le plan économique, mais c’est la dénonciation la plus aboutie de l’eurofédéralisme qui ait couru sur le Net.

Sont également adhérents de l’UPR les membres de l’ARSIN. Cette petite association succède à Socialisme & Souveraineté, « parti » anticapitaliste et antifédéraliste, qui avait repris mes propositions pour le modèle économique qu’ils prônent. Leur site existe toujours, mais ils sont passés à l’ARSIN (Association Républicaine pour le Socialisme et l’Indépendance Nationale). Il ne s’agit pas que d’un site qui rassemble des articles de plusieurs blogueurs amis (parmi lesquels on retrouve Edgar, de La Lettre Volée, déjà cité sur ce blog). Ils proposent directement une autre façon de faire de la politique, centrée autour de l’action individuelle, que le groupe veut stimuler sans en supprimer l’originalité, et de la réflexion critique sur ses propres idées. Mais je vous laisse lire leur propre présentation.

Voilà, ainsi s’achève cette œuvre de cinq ans. Je compile déjà mes textes, et en ferai une version en deux tomes pour ceux – on ne sait jamais- que cela intéresserait. J’aurai également d’autres ouvrages à présenter. Mais plus d’articles.

 

A bientôt sur d'autres horizons.

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30 septembre 2011 5 30 /09 /septembre /2011 20:00

Avant de publier mon texte, j'invite d'abord les lecteurs à prendre connaissance d'une autre note de lecture sur le même ouvrage, faite par Les Alternatifs (dont je ne suis pas) : http://www.alternatifs.org/spip/pour-un-communisme-liberal-notes

 

 

 

 

Dominique P. (1947-2003) était un universitaire à formation multiple, notamment en philosophie politique et en économie. Initialement anticommuniste, sa recherche d’un libéralisme social et réellement démocratique l’aurait mené, à la lecture de Karl Marx, sur lequel il a rédigé un DEA (sur les théories de l’exploitation de l’Homme par l’Homme et de la nature par l’Homme), à se rendre compte que ses objectifs étaient compatibles avec ceux du communisme.

Il décida de proposer, dans une thèse déposée à l’Ecole Normale Supérieure, un modèle économique, reposant, comme nous allons le voir, sur un nombre restreint de lois simples, qui, ajoutées à l’économie de marché telle que nous la connaissons, modifieraient profondément celle-ci vers ce que P. a désigné comme le « communisme libéral ».

 

Deux visions du communisme libéral

 

Au passage, cette appellation n’est pas du tout pour me déplaire. Et on parle bien de communisme « libéral », pas « libertaire ». Il ne s’agit nullement d’abolir l’Etat, l’armée, la police, de proclamer une anarchie « ordonnée » (l’anarchie, c’est « L’ordre moins le pouvoir » selon Normand Baillargeon). L’économie reste marchande – même si P. entend démontrer que le ressort concurrentiel et chaotique du marché reculera au profit d’une planification spontanément organisée par les agents économiques, sans que l’Etat ait besoin d’en imposer aucune – et la propriété privée n’est pas abolie dans les textes – même si là encore, les règles fondamentales proposées par P. changent profondément son sens.

Ceux qui auront vu mes vidéos de l’Automne 2009 (« Changer de Système ») pourront voir la proximité d’idées existantes entre P. et moi. Je me rattache également à cette famille fort restreinte des « communistes libéraux ». Certains avaient pu trouver le modèle d’économie alternative que je proposais fort compliqué, notamment du fait de l’existence de plusieurs monnaies.

On peut cependant résumer le modèle que j’avais proposé en disant qu’il s’agit d’une économie marchande et concurrentielle où :

-         Chaque entreprise qui se crée se voit allouée des crédits illimités dans une monnaie propre aux entreprises, dès qu’une agence (une « banque ») lui en donne l’autorisation ;

-         Les mêmes agences éliminent chaque année les entreprises dont le solde (ventes – achats), compte tenu des effectifs de l’entreprise, apparait dans les plus faibles de leur branche de production ;

-         Les particuliers reçoivent un revenu dans une autre monnaie, en quantité limitée et à valeur limitée à un an, émise chaque année par l’Etat, la part de chaque individu variant selon des critères socio-économiques (métier, branche où travaille l’individu, niveau du solde de son entreprise) ;

-         Les individus peuvent acheter des biens et services aux entreprises, avec la monnaie reçue de l’Etat, aussitôt convertie en monnaie spécifique des entreprises (et donc comptée dans leurs soldes), selon des taux de conversion décidés par l’Etat selon le produit échangé (ce qui ne revient nullement à fixer les prix) ;

-         Enfin, il existe une troisième monnaie, « normale » (quantité limitée, durée de valeur illimitée) que les entreprises et particuliers peuvent utiliser pour leurs échanges avec le monde extérieur, les entreprises devant cependant accepter une conversion pour comptabiliser ces échanges dans leurs soldes.

 

Le modèle de P. apparait plus simple. Les deux lois fondamentales qu’il suggère sont :

-         Que l’achat des biens d’équipement lourds par les entreprises soit aboli, et remplacé par le bail ou l’abonnement auprès des fournisseurs ;

-         Que tout client d’une entreprise en devienne le sociétaire (client-électeur ou loc-électeur dans le langage de P.), détenant un droit de vote dans la gestion de l’entreprise proportionnel à la valeur de ses achats ;

-         Les salariés de l’entreprise en sont également sociétaires (ouvriers-électeurs), détenant un droit de vote proportionnel à leur rémunération (la masse salariale étant normalement inférieure aux recettes totales de l’entreprise, les droits de vote des clients sont toujours majoritaires par rapport à ceux des salariés) ;

-         Des caisses de redistribution du pouvoir d’achat, gérées par leurs clients (cotisants), et bénéficaires des prestations (remplaçant les salariés), assumeraient le financement des retraites, des soins de santé, des allocations familiales…puisque selon P., dans ce système, la capitalisation individuelle n’aurait plus de sens.

 

Cela veut donc dire que, dans l’économie présentée par P., une entreprise n’aurait pas besoin d’avoir de capitaux sous forme de machines, locaux, véhicules, autres instrument de production… Il suffirait de tout emprunter, et dès lors que les recettes de l’entreprise permettent de couvrir les loyers, sa survie économique est assurée. L’entreprise qui loue devient de fait électrice de la direction de son fournisseur. Et inversement, on peut penser que l’entreprise est au moins propriétaire de ce qu’elle produit, à défaut de l’être sur ses outils de production. Mais, en vertu des mêmes règles, lorsqu’elle vend – ou loue – sa production, l’entreprise devient de fait « possédée » par ses clients/abonnés/locataires. Il n’y a donc, selon Dominique P., plus d’accumulation de capital possible, sans pour autant rendre la production impossible.

 

Les conséquences concrètes du communisme libéral de Dominique P.

 

Une fois ces quelques règles exposées, le livre expose les conséquences qui en découleraient :

 

-         Les entreprises sont directement au service de leurs clients, mieux que ne le ferait aucune entreprise capitaliste. En même temps, elle a intérêt à ménager ses salariés. Même si ceux-ci sont minoritaires face aux clients, la satisfaction de ces derniers dépend de ce que les premiers aient un haut niveau de productivité, soient formés, et tout simplement à l’aise dans leur entreprise. Les salariés conservent le droit de grève, mais seraient peu tentés de l’utiliser ;

 

-         Les entreprises, si elles sont de petite taille, peuvent être regroupées en une société gérant plusieurs commerces. Les clients, s’ils ne veulent se présenter aux assemblées de clients-électeurs, peuvent toujours être remplacés d’office par un Représentant d’Office des Clients Absents, dont les droits de vote seront égaux au total des votes des clients moins ceux des clients qui se seront déplacés aux assemblées. Ce représentant est élu pour la même durée que le directeur de l’entreprise (élu par les salariés et clients). Mais il a naturellement intérêt à défendre les intérêts des clients absents. Parce que si l’entreprise néglige ses clients, elle risque de voire arriver les clients jadis absents en masse aux assemblées, pour se plaindre, ce qui réduira d’autant le pouvoir du Représentant d’Office ;

 

-         Selon P., l’impossibilité d’accumulation de capitaux privés, et la gestion démocratique des entreprises par leurs salariés et clients, aboutirait à une société globalement égalitaire. Ce qui conjurerait à ses yeux le risque de perversion de l’exercice démocratique par l’existence de classes d’individus aux revenus très différents. Le privilège que confère la fortune privée disparait (puisque la propriété est vidée de son sens au profit du bail) ;

 

-         Parmi les entreprises les plus importantes, en aval de la chaine de production, se trouveraient les gérances immobilières. Que l’on vive en maisons ou en immeubles, les logements peuvent être gérés par une même entreprise, qui a ses salariés (le personnel d’administration, d’entretien, voire des professionnels du bâtiment, des travaux d’intérieur, d’électricité, d’hygiène qui seraient en permanence occupés sur les logements de ladite entreprise, si son parc est vaste), et ses clients (locataires). Dans ce système où les locataires sont de fait collectivement propriétaires, il n’y a plus d’intérêt à chercher à être individuellement propriétaire de son logement. La propriété collective, créant une démocratie directe portant sur les besoins les plus immédiats et concrets, mène à réaliser des économies d’échelle sur l’entretien des biens, qui rendraient peu attirante la propriété individuelle ;

 

-         Ces gérances immobilières deviendraient vite de puissances facteurs d’agglomération des activités, puisque, comme c’est déjà dit plus haut, de nombreuses professions tournent autour du bâtiment, de l’équipement d’intérieur, de la fourniture en eau, électricité, gaz… En tant que clientes de poids – et donc électrices – de nombre d’entreprises, les gérances pourraient exiger que les sites de production se rapprochent des lieux de résidence, et ainsi réduire le clivage résidence / travail…et même l’opposition ville/campagne dénoncée par les marxistes, puisque les gérances pourraient directement contracter avec les agriculteurs pour assurer l’approvisionnement de leurs locataires en produits dont la fabrication serait bien mieux connue et contrôlée de leurs destinataires qu’on ne pourrait l’attendre avec n’importe quel label ou n’importe quelle « traçabilité » revendiquée dans l’économie de marché actuelle.

 

-         Les entreprises formeraient de fait des circuits de planification spontanée de l’économie, et recourraient moins à la mise en concurrence de leurs fournisseurs. D’abord parce qu’en tant qu’électeurs de ceux-ci, les clients auraient intérêt, selon D.P., à consolider leur relation (et leur pouvoir) sur eux, plutôt que jouer la sortie dès que quelque chose les contrarie. Ensuite, parce que les clients-électeurs pourrait directement imposer un plan de production, au niveau d’une entreprise (ce qui n’a en soi rien de très stalinien, toute entreprise planifie sa production), et ainsi s’assurent des ressources sur lesquelles elles-mêmes, entreprises clientes, pourront compter dans les mois ou années à venir. Ainsi s’engendre spontanément une planification verticale (du client vers le fournisseur, du boulanger vers le minotier vers le céréalier etc…). En même temps, les entreprises d’une même branche se partageant les mêmes fournisseurs, et siégeant aux mêmes assemblées, elles ont par la force des choses intérêt à s’accorder sur le partage des ressources produites et mises à disposition des clients qu’elles sont. Et comme ces entreprises clientes ont elles-mêmes des clients qui peuvent être les mêmes d’une entreprise à l’autre, elles sont naturellement poussées à une planification « horizontale », c’est-à-dire une organisation de la production et un partage des ressources entre entreprises produisant la même chose ou produisant des services ou biens substituables (comme l’est le transport aérien par rapport au rail ou à la route) ;

 

-         Pour D.P., le système serait aussi destiné à la réduction du chômage. Les entreprises, ayant intérêt à dégager des prix intéressants pour leurs clients (et donc une productivité supérieure de leurs salariés) et des salaires attrayants pour leurs travailleurs, peuvent dégager des capacités de production nouvelles qui seraient alors disponibles pour employer tout nouvel actif. Les gérances immobilières ne pourraient supporter, de leur côté, d’avoir des logements vacants (sauf ceux mis en réserve en cas de sinistres), et auraient intérêt à les occuper tous, et ensuite à rechercher un emploi pour leurs locataires au chômage, afin d’en faire des clients disposant de droits de vote et enrichissant la gérance ;

 

-         D.P. imagine même d’autres conséquences à plus long terme de cette démocratie économique : les gérants des sociétés immobilières, soucieux de ne pas avoir trop de logements à construire à l’avenir, pousseraient les ménages à recourrir à la planification familiale, pendant que les (futurs) retraités, eux, prôneraient une natalité conséquente, pour leur assurer leurs retraites à venir…

 

Incertitudes et comparaison des deux modèles

 

Partant sur un nombre limité de changements radicaux, la réflexion de Dominique P. n’en est pas moins riche. C’est pourquoi, par concision, je traiterai directement les points qui suscitent en moi quelque scepticisme.

 

L’emprunteur

 

D’abord, prenons la loi initiale sur l’abolition de l’achat des grands biens d’équipement. La distinction entre les biens d’équipement des particuliers (donc destinés à une consommation finale), et biens d’équipements productifs n’est pas faite. Et on ne précise pas à partir de quel niveau on passe de l’achat à la location. Car il n’est pas vrai que l’on puisse tout emprunter. On peut emprunter des hangars, des usines, des véhicules, parfois des routes, ou des ordinateurs…On peut s’abonner à l’électricité ou à l’eau. Mais peut-on emprunter des fournitures de bureau, des outils manuels, des formations ponctuelles ? L’entreprise doit bien de temps à autres passer de « locataire » à « cliente ». Cela ne change rien, dans le système de règles proposées par D.P. : l’entreprise reste une électrice de ses fournisseurs. Mais la limite entre le passage de l’un à l’autre n'est pas un problème anodin : si  l’entreprise peut acheter des biens, il existe quand même une possibilité d’accumulation. Et la même question se pose pour les particuliers, qui peuvent donc quand même constituer un patrimoine.

 

Pour aller à la racine des lois fondamentales : peut-on vraiment emprunter sans capital initial ? Dominique P.semble le penser. Pourtant cette généralisation du recours à l’emprunt signifie la conservation d’un risque : pour le prêteur, qui peut craindre qu’on lui détruise, dégrade ou ne lui rende jamais son bien, et pour l’emprunteur, qui peut craindre qu’on lui résilie son bail alors que son activité en serait totalement dépendante. Bien sûr, dans le système de D.P., l’emprunteur est également sociétaire de son bailleur… Mais il n’est pas le seul. Et même avec une gestion démocratique, une société bailleuse peut décider de répudier un de ses clients minoritaire. En conséquence, un bailleur demandera, comme c’est le cas actuellement, des garanties sous forme de caution ou d'apport personnel. Un emprunteur pourrait prendre une assurance. C’est l’aspect de la propriété que Dominique P. semble oublier : le risque inhérent au statut de locataire, le rapport de force défavorable  que ce statut introduit (même si le bailleur est dirigé par un collectif de locataires). Dans le modèle que j’avais développé, une entreprise étant toujours solvable (même lorsqu’elle a la veille d’être liquidée pour cause de solde trop bas) dès lors qu’elle a reçu l’autorisation d’exercer, ses fournisseurs n’ont pas de craintes sur leurs recettes, et les investissements peuvent toujours être financés, quitte à ce que leur règlement soit différé sur plusieurs années. Les entreprises ont cependant l'obligation vitale d'en faire un usage productif.

 

L’électeur

 

Il est aussi une autre question concernant la représentation démocratique : comment représenter les « microclients » ? Lorsque vous achetez une canette de bière dans le supermarché d’une ville où vous serez passé une fois en cinq ans, allez-vous devenir « client-électeur » de cette grande surface ? Et même si j'y faisais mes courses tous les jours de l’année ? Que pèserait ma voix à l’assemblée des clients-électeurs ? Et dois-je me rendre à toutes les assemblées de tous les magasins que je fréquente ? Le problème est que pour un nombre important d’entreprises, les clients seront soit trop occasionnels, soit trop peu nombreux par rapport à l’ensemble. Comment espérer qu’ils tiennent leur rôle d’électeurs ? P. a déjà commencé à répondre en introduisant le Représentant d’Office des Clients Absents. Mais dans la grande distribution, ou tout autre secteur où les clients individuels sont nombreux (téléphonie, distribution d’électricité, eau, gaz…), ce Représentant risque d’avoir beaucoup de voix à représenter. Et de fait, si l’administration se fait trop souvent par procuration, on en revient de fait à une régulation de la production des entreprises par le simple jeu des prix et de la communication, plus que par la démocratie interne. Une autre méthode, sur laquelle l’auteur aurait pu insister, serait la représentation agrégée des électeurs (via des associations de consommateurs de commerces alimentaires) et le regroupement des petits commerces en sociétés de tailles plus conséquentes (point en revanche évoqué par D.P.). Ainsi, chaque consommateur – citoyen n’a plus qu’une poignée d’assemblées auxquelles participer – ou d’associations à choisir.

 

D’une façon globale, D.P. surestime la démocratie. Les conflits entre majorité et minorité en sont pourtant le fonctionnement normal. De même, la représentation des individus via les associations revient à la même problématique que celle que posent les partis politiques, qui « moyennisent » les demandes des particuliers, et rajoutent un échelon dans les conflits de personnes, de tendances…Et surtout, les partis politiques, c’est leur raison même d’exister, sont en concurrence, et pour cela les associations compteraient sur la concurrence des entreprises où elles sont implantées. Et comme les partis politiques, elles chercheraient à s’allier entre elles pour exclure les minoritaires. Tout comme, dans les situations de pénuries que Dominique P. imagine (au cas où, pas comme un risque général), les assemblées pourraient voter le rationnement des produits d’une entreprise, pour éviter que leurs prix ne montent, et de sacrifier ainsi une minorité de clients.

 

De plus, les prévisions de long terme comme la régulation de la natalité via les demandes des retraités ou des gérants d’immeubles paraissent angéliques : jamais une démocratie n’a réussi à réguler étroitement la natalité de sa population. Et ce même dans une situation de déficit prévisible et durable du système de retraite, qui imposerait une hausse de la natalité.

 

Pour en venir au sujet des caisses de redistribution (dont on ne sait pas quelle autorité - à part l'Etat - pourrait imposer d'y aux particuliers d'y cotiser), D.P. considère que les cotisations seraient toujours supérieures aux prestations, assurant la domination des cotisants sur les bénéficiaires. Mais que se passe-t-il si la caisse se retrouve en déficit ? Logiquement, les bénéficiaires domineraient. Et auraient tout intérêt à pressurer encore plus les cotisants, quitte à ce que la caisse fasse faillite…Raisonnement à court terme ? Ce n’est pas rare en démocratie.

 

L’entrepreneur

 

Plus généralement, la question de l’autorité sur les entreprises est biaisée dans l’approche de D.P., parce qu’elle oublie le rôle de l’initiative individuelle. Même dans le chapitre sur les innovations, on n’aborde pas la situation où une seule personne crée une entreprise. Est-ce qu’un créateur accepterait de céder automatiquement sa souveraineté au profit de l’ensemble de ses clients ? De ses salariés, peut-être, et c’est ce en quoi consiste mon modèle de socialisme alternatif (où les salaires ne sont pas versés par l'entreprise elle-même, ce qui fait que le dirigeant de l'entreprise n'a pas de pouvoir répressif sur ses employés, la coopération entre ceux-ci et l'entrepreneur venant du fait que leur rémunération versée par la collectivité est proportionnelle au solde de l'entreprise).

 

Pour conclure, je note que Dominique P. avait décidé de décrire son modèle comme s’il avait été établi depuis longtemps. A l’inverse, j’avais démarré la description du mien justement par l’étape de l’ouverture d’un commerce. Or, quitte à adopter un point de vue « libéral » (quel problème pour un communiste libéral ?), comment envisager l’économie sans la voir en premier lieu (mais pas seulement) comme une histoire d’entrepreneurs ?

 

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18 septembre 2011 7 18 /09 /septembre /2011 22:34

 

 

  (suite du précédent)

 

     

 

Il suffirait d’abolir la loi de 1973 pour régler le problème de la dette publique !

 

La loi dite de 1973 aurait obligé l’Etat français à recourir aux prêts à intérêts. Que cette loi soit bien coupable ou pas, j’avais montré pendant l’été dernier que la grande majorité de la dette, au moins les trois quarts, était due à ce cumul d’intérêts, tandis qu’un report des excédents primaires (1) aurait comblé le plus souvent les déficits primaires, même réactualisés en fonction de l’inflation. Pour certains partisans de l’annulation de la dette, cela devient une motivation supplémentaire. Et cela ne devrait-il pas l’être pour moi aussi, puisque, en tant que communiste, je suis contre la rémunération nette du capital, donc les intérêts. Et cela pourrait constituer une vraie raison pour annuler la dette à deux conditions.

 

Condition n°1- D’abord, que le déficit soit uniquement dû aux intérêts, et que le solde primaire des administrations soit nul. Or, comme on l’a déjà vu, ce n’est pas le cas. Il faudrait que le déficit global soit réduit de moitié (de 5.6% à moins de 3% du PIB) pour y parvenir. Sans cela, que nous arriverait-il ? Et bien l’annulation de la dette réduirait notre déficit de trois points, mais nous devrions toujours emprunter à hauteur de près de 3% du PIB chaque année (soit notre déficit primaire). Et où trouverions-nous à emprunter alors que nous viendrions d’annuler toute notre dette ? Ou plutôt, à quel prix (personne ne nous prêterait quoi que ce soit sauf à des taux très élevés) ? En devant réemprunter, nous recréerions une dette, et à croissance rapide puisque ses intérêts seraient plus lourds.

Une autre solution – apparente – serait de se servir du retour de la création monétaire entre les mains de l’Etat (par la sortie de l'Euro) pour combler notre déficit primaire (qui serait le seul qui nous resterait si nous annulions notre dette) par la planche à billets. Donc l’inflation. Or, sans même évoquer les conséquences économiques de l’inflation (déjà fait en Juillet 2010), notons que le recours à l’inflation n’est qu’une façon déguisée de pratiquer l’austérité. Jouer sur la quantité de monnaie et les prix, c’est réduire la valeur de ce que possèdent les particuliers et entreprises, et accroître ce que possède le secteur public, créateur de monnaie. Donc il s’agit d’un impôt déguisé, dont on peut mesurer l’ampleur sur l’ensemble de la population mais dont l’effet sur chaque individu ou ménage sera impossible à anticiper, en raison des différences de consommation ou de patrimoine. En clair, l’inflation, c’est un des impôts les moins démocratiques qui soient, car impossible à discuter.

 

Imaginons maintenant que nous n’aurions actuellement aucun déficit primaire, que l’ensemble de notre déficit serait dû aux seuls intérêts. Donc on pourrait se dire : « annulons la dette, on n’aura plus d’intérêts à payer et plus de déficit du tout, on n’aura pas besoin d’emprunter à nouveau (ce qui est un pari assez optimiste mais bon), et en plus, en annulant la dette, on ne spoliera que des créanciers dont le capital avait déjà été remboursé, et qui ne font plus qu’engranger des intérêts ». A priori, un raisonnement tentant, mais ce n’est pas aussi simple.

 

Condition n°2 - On en vient à l’autre condition pour que l’on puisse invoquer les effets du cumul des intérêts pour annuler la dette. Cette condition serait que nos créanciers soient restés les mêmes depuis les années 1970, et même depuis chaque fois que l’Etat aurait eu besoin d’émettre des obligations pour combler des déficits. Ainsi, on pourrait appliquer le raisonnement ci-dessus (en faisant défaut, on ne ferait que spolier des parasites suçant des intérêts et dont le capital aurait déjà été remboursé). Problème : les obligations ne sont pas éternelles, elles ont une durée de vie moyenne de sept ans, et parfois cela a été moins, ce qui signifie que le créancier de l’Etat français a en moyenne repris ses billes au bout de sept ans, et que pour tout lui rembourser, capital et intérêts, l’Etat a réemprunté du capital derrière, comme je l’expliquais dans la première partie de cet article. Et donc, si nous abolissions la dette, est-ce que nos créanciers perdraient seulement leurs intérêts et pas leurs capitaux ? Et bien si, nos créanciers actuels perdraient les deux. Qu’ils perdent leurs intérêts, rien à foutre, mais leur capital, c’est plus délicat, même en étant communiste. Car les créanciers de l'Etat ne sont pas tous des salauds en haut-de-forme qui ont constitué leur patrimoine en exploitant des ouvriers jusqu'à la corde : il y a parmi eux aussi des Monsieur Dupont et des Madame Martin qui ont économisé sur leurs salaires pour se constituer une assurance-vie - souvent placées en obligations publiques... Et pour rappel, les ménages détenteurs d'assurance-vie, ce n'est pas que trois Rothschild, Lagardère et Bettencourt, c'est dix millions de ménages Dupont-Martin en France.

 

Face au problème des intérêts, la meilleure solution est encore de procéder à un rachat progressif de la dette publique par création monétaire (au maximum 2 à 3% du PIB en émission monétaire pour limiter l’inflation), dans le but de supprimer les intérêts sans créer de crise avec le reste du monde (qui détient les deux tiers de notre dette). Tout en mettant en place une politique de réduction des déficits, puis d’excédents (ce qui sera facilité par le rachat de la dette, supprimant progressivement les intérêts), pour rembourser la monnaie créée (et donc la détruire, donc compenser son effet inflationniste).

 Nous devons garder en tête que nous pouvons toujours être contraints à de nouveaux emprunts sur les marchés financiers extérieurs. Par exemple parce que nous serions confrontés à des dépenses exceptionnelles, à des importations en grand nombre, et que notre monnaie aurait perdu trop de valeur.

 

Annulons la dette, ce ne sera pas si grave que cela !

 

Peu avant mon récent désabonnement, dans L’Humanité Dimanche, j’ai pu lire un encadré titré : « Ils ont annulé leur dette, et leur monde ne s’est pas effondré ! »…citant le redressement de l’Argentine après sa faillite de 2001-2002, entre autres exemples. Le cas argentin est pourtant un témoignage lourd : des millions d’habitants de ce pays sont passés sous le seuil de pauvreté, le chômage a explosé, la monnaie perdait sa valeur au point que plusieurs monnaies locales « spontanées » prirent le relais (2).

Annuler sa dette, ça veut dire supprimer les économies d’un grand nombre de gens. Dont beaucoup d’étrangers, certes, surtout dans le cas français, mais aussi de mettre dans la panade nombre de banques et d’assurance, qui détiennent une partie (pas majoritaire pour ce qui est des banques, mais non négligeable quand même) de la dette publique. Banques qui risqueraient de se trouver à court de liquidités (voir par exemple le roman Le jour où la France a fait faillite, de Jaffré et Riès, paru en 2006, où la faillite de l’Etat français a pour première conséquence que les agences ne peuvent plus distribuer de monnaie, et que mêmes les cartes bancaires liées à des comptes dans des établissements français ne sont plus acceptées, partout à travers le monde).  Avec la perte de leur épargne, les ménages peuvent réagir en décidant de reconstituer leur épargne en consommant moins. Aussi, des capitaux fuiront hors de France (de peur de subir le même sort que les créances sur l’Etat !). Et viendra l’effet de la faillite sur la demande publique. De deux choses l’une : soit le solde primaire est nul, ce qui signifie que sans les intérêts, le secteur public n’a plus d’obligation d’emprunter. Soit il y a déficit primaire, et donc l’Etat, qui, comme nous l’avons déjà évoqué, sera en grande difficulté pour emprunter à nouveau s’il a fait défaut, devra réduire ses dépenses – donc passer à une politique d’austérité quand même. D’où un nouveau choc pour l’économie – qui peut être temporaire cependant. Cette situation est en quelque sorte ce que vit déjà la Grèce : le pays s'endette à des taux monstrueux, tout en devant réduire ses dépenses publiques. Et encore, la Grèce n'a pas encore fait défaut...

Il est donc absurde de dire qu’une annulation de la dette publique, même partielle, serait sans conséquence, ni même qu’elle permettrait d’échapper à l’austérité au final. Dans le livre que j’ai cité en première partie de l’article, C. Reinhart et K. Rogoff observent les conséquences économiques des défauts sur la dette publique : ils sont toujours importants – et négatifs- sur le niveau du PIB, et sur l’inflation – surtout si le gouvernement mise sur la planche à billets pour réduire la valeur de sa dette... Les deux chercheurs ont constaté que les défauts sur la dette intérieure produisaient des effets plus néfastes encore que ceux sur la dette extérieure. Mais il serait hâtif d’en déduire que la France serait « avantagée » par le fait que ses créanciers seraient aux deux tiers non-résidents : ces non-résidents (sur lesquels l’Agence France Trésor donne peu de détails) peuvent très bien être européens. Et vu le niveau élevé d’imbrication des économies européennes, un défaut français sur la dette extérieure peut être assimilé à un défaut partiel européen sur la dette intérieure…

 

L’austérité va tuer notre croissance !

 

C’est un argument-phare des opposants à l’austérité : réduire les dépenses publiques, ou augmenter les impôts, cela nuit à la croissance, ce qui est la pire des choses en situation de crise ! Effectivement, réduire la consommation des contribuables par l’imposition et des agents du secteur public et des assurés sociaux par la réduction des dépenses va induire un effet en chaine, ou multiplicateur, négatif sur l’ensemble de l’économie. En Grèce, l’application des plans d’austérité n’aide certes pas dans l’immédiat au redressement de l’économie, toujours en récession.

Cependant, il est bon de se sortir de temps à autres de la vulgate keynésienne, surtout celle qui n’a retenu de l’économiste britannique que les recours aux déficits et surtout le « à long terme, nous sommes tous morts ».

                D’abord, notons que dans les pays où la dette publique est principalement souscrite auprès des résidents (pas le cas en France, mais davantage en Italie ou au Japon), la réduction des déficits va certes peser sur la consommation, mais libérer une partie de l’épargne nationale, jadis captée par les emprunts publics, qui pourra soutenir des investissements nationaux – ou être consommée. Certes, les partisans des déficits rétorqueront qu’il y aura peu d’investissements si l’évolution de la consommation apparait mauvaise. Ce sera sans doute le cas à court terme, mais pas forcément au-delà.

                Déjà, demandons aux partisans des déficits d’être cohérents jusqu’au bout : si l’austérité est mauvaise pour la croissance, vous préconisez donc le maintien – et l’aggravation pour certains – des déficits publics ? Donc, de courir le risque de faillite ? Et surtout, que les ménages, voyant que ce risque se profile, avec celui de faillite des banques et de nombre d’entreprises vivant des commandes d’Etat, décident d’épargner davantage, pour se sécuriser, ou en prévision d’impôts à venir qui leur seront demandés quand l’Etat se décidera enfin à réduire ses déficits et rembourser partiellement sa dette... Tout le bénéfice attendu des déficits sur la consommation se sera alors évanoui.

                Mais, voyez-vous, une bonne politique d’investissements publics, dans l’éducation et la recherche, cela relancera la croissance, diront les adversaires de l’austérité (comme Dominique Plihon, cité dans la première partie de l’article) ! Qui confondront deux échelles : celle du court et du long terme. Oui, des investissements publics de fond peuvent aider la croissance future. Mais leurs effets ne se verront pas dans l’immédiat. Et ces investissements ne peuvent être invoqués pour des déficits qui devraient soutenir la croissance dans l’année ou les années à venir. Et, généralement, ces investissements de long terme peuvent se faire dans le cadre d’un budget équilibré (ce qui est plus prudent, car on est jamais sûr de l’effet qu’un nouveau pôle public de recherche ou de la réfection d’une université, ou même de la construction d’un viaduc, aura sur la croissance future). Pour rappel, l'Etat français construisait des infrastructures dans les années 1960, tout en conservant une rigueur budgétaire admirable, alors qu'on aurait pu céder aux sirènes du "endettons-nous, la croissance future paiera!"... 

                Il y a aussi les partisans de la relance de la consommation immédiate par le déficit. Juste une question à leur poser : peuvent-ils citer, en France, au cours des dernières décennies, un exemple de relance durable de la croissance par un déficit public appuyé, sur un ou deux ans ? Certains citent la revalorisation des salaires et du SMIG en 1968, puis le plan Mauroy en 1982. On pourrait ajouter la relance Chirac de 1975. Dans aucun cas, on n’a abouti à une croissance élevée et durant sur plusieurs années. En 1969, on vit une croissance plus élevée que la moyenne des cinq années précédentes et suivantes (7% contre 5%), mais qui compensait la contre-performance de 1968, et la croissance revint à la normale (pour l’époque) en 1970. Le plan Mauroy aurait peut-être réussi, parait-il, sans la politique du franc fort. On pourrait en parler, mais sortons de l’euro d’abord (n’est-ce pas, Jean-Luc ?) !

               

 

Conclusion

 

                Les politiques de « bon déficit public », déficit qui sera bien sûr « temporaire », « ramènera la croissance », nous en avons déjà fait les frais. Le fait que les partis de gauche « radicale » reprennent une fois de plus cet argumentaire keynésien simplifié (Keynes demandait que les gouvernements fassent des excédents budgétaires en période de croissance, mais tout le monde l’a oublié…) montre qu’ils se sont ralliés à une vision d’un capitalisme régulable et dans lequel on pourrait promettre le progrès social par quelques mouvements de leviers budgétaires.

                Non seulement ça ne marche pas ou peu, mais cela risque de nous emmener vers la faillite. Dont les conséquences humaines (cf. l’Argentine de 2001, dont il ne faudrait pas retenir que les exemples romantiques et exaltés d’entreprises autogérées par leurs salariés) seraient bien plus grave que celles d’une politique d’austérité.

                Le problème n’est pas : devons-nous ou non appliquer une politique d’austérité ? C’est inévitable. L’austérité se fera, même par la faillite de l’Etat (austérité immédiate), même par la création monétaire (l’inflation est un impôt déguisé). La question, c’est « quelle austérité » ?

                La réponse « de gauche » immédiate serait : augmentons les impôts des plus riches, ne baissons pas les dépenses ! Or, comme on l’a vu, ce sont bien les dépenses qui croissent, plus que les recettes des administrations n’ont baissé. Et avec une dépense brute de 56% du PIB, on ne peut plus dire que, pour assumer totalement une telle somme, seuls les riches paieront. De plus, comme l’indique l’article de Contrepoints cités dans le premier volet de l’article, les politiques d’austérité basées sur une baisse des dépenses ou sur une hausse des impôts n’ont pas les mêmes effets. Dans le second cas, l’impact général sur les entreprises, et le secteur non étatique en général (qu’il s’agisse d’entreprises privées, de coopératives, de ménages) est de donner l’impression que les dépenses ne s’arrêteront jamais de monter – et avec elles les impôts. D’où des comportements d’épargne de précaution, ou de fuite, ou de recours à l’économie parallèle.

                Réaugmenter les recettes fiscales, pourquoi pas. Mais il est raisonnable d’accepter une part de baisse des dépenses. Il existe des dépenses inutiles tant dans le domaine de la santé que des administrations générales. Cela ne doit pas nous amener à remettre en cause la protection sociale, mais à l’orienter vers ceux qui en ont le plus besoin. Pour répondre à ATTAC, il n’y a pas que la dette publique qui ait besoin d’un audit : la dépense publique, dans son ensemble, en a besoin aussi.

 

(1)   Excédent / déficit / solde primaire : c'est le solde (excédent si positif, déficit si négatif) des administrations publiques si on enlève le coût des intérêts sur les emprunts précédents. Mesurer le solde primaire permet de dire : "Si notre pays ne s'était jamais endetté, notre solde des administrations publiques serait de ...". 

 

(2)   Et se réduisirent avec la sortie de crise, ce qui montre qu’il ne s’agissait qu’un pis-aller dans la catastrophe économique. Les « monnaies solidaires » ne permettent pas en soi de révolutionner la société…

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31 août 2011 3 31 /08 /août /2011 22:25

Prologue

 

 

Pour finir ce mois d'août, je prépare un article sur les questions épineuses et actuelles de l'austérité budgétaire. Avant cela, je vous invite à lire :

 

 

- mon article sur la dette publique, première et deuxième parties;

 

- un document de Joël Halpern, agrégé d'économie, sur le déficit public;

 

 

- un article de Descartes pour une "règle de diamant"; 

 

 

- un article de Contrepoints, sur l'impact de la rigueur sur l'économie, pour avoir un point de vue (vraiment) libéral.

 

 

 

 

 

 

 

Propos sur l'austérité - première partie

 

 

 

Depuis la reprise des festivités, pardon, du krach financier fin Juillet et début Août, et avec le projet de « règle d’or » et de retour à un quasi-équilibre budgétaire d’ici 2014 par le gouvernement, la question de l’austérité est devenue centrale à gauche, mais aussi fréquente dans les préoccupations d’une partie des « gaullistes ».

La question de la dette publique avait été abordée sur ce blog pendant l’été 2010, et celle des dépenses publiques bien plus tôt, fin 2006. A la fin de l’article sur la dette publique, où j’avais longuement évoqué qu’elle venait principalement des intérêts de la dette, je suggérais un moyen de contenir les déficits, et leurs conséquences sur l’inflation si l’on rétablissait le droit à la création monétaire pour l’Etat. Ce qui signifie que le recours aux déficits par l’Etat doit selon moi être encadré. Position banale, me direz-vous. Qui pourrait être partisan des déficits à tout va et sans limites ? Et bien, pas personne, si je m’en tiens aux discours d’une partie trop importante de la gauche qui refuse de prendre au sérieux le problème de l’endettement public.

Rappels

                La dette des administrations publiques (Etat, collectivités territoriales, Sécurité Sociale) se montait à 1 646 milliards d’euros pour la France à la fin du premier trimestre 2011, soit 110 milliards de plus qu’un an plus tôt. Le ratio dette/PIB était à 84.5% au printemps 2011, contre 81.2% un an plus tôt. Le déficit des administrations publiques était à 7% du PIB (environ 140 milliards d’euros) en 2010, et est prévu pour 5,6% en 2011 (chiffre qui semble devoir s’aggraver avec le retour menaçant de la récession). La dette est faite d’obligations (l’Etat emprunte un capital, et paye des intérêts à échéances régulières à un taux convenu à l’avance pendant plusieurs années, puis rembourse le capital). Le service de la dette, soit le coût total des intérêts à supporter annuellement, représente moins de 50 milliards d’euros, soit entre 2 et 3% du PIB. Mais au total, l’Etat doit emprunter pour rembourser les obligations arrivant à échéance (car les obligations ne sont pas éternelles, elles ont une durée moyenne de 7 ans pour la France en 2011), en plus de devoir emprunter pour financer le déficit dont la charge de la dette. Au total, l’Etat doit emprunter près de 200 milliards pour l’année 2011.

                Commençons les commentaires de quelques aberrations trop souvent entendues.

Le problème, ses causes et des réponses proposées

Le gouvernement et les marchés financiers veulent nous faire payer la dette !

Nous ne paierons pas la dette ! Nous ne paierons pas leur crise ! On ne paie rien !...C’est bien vaillant, mais quelque peu hors-sujet. Car le problème n’est pas que la France règle rubis sur l’ongle, aujourd’hui ou en un certain nombre d’années, ses 1646 milliards d’euros de dette. Le problème, c’est d’éviter qu’elle continue à croître, et même, plus précisément, qu’elle cesse de croître plus vite que le PIB. Car, et je me remémore ici les discussions que j’avais eu avec des droitiers au début de 2009, alors que le déficit n’était « que » à 2-3% du PIB, le déficit n’est pas en soi un problème. Si la PIB augmente de 2% sur un an, et le volume total de la dette de 2% aussi, alors il n’y a aucun problème. Et inversement, si vous avez une dette faible (mettons 10 à 20% du PIB), mais qui dérape très vite du fait d’un fort déficit, vous pouvez rapidement avoir un gros problème. Dans « Cette fois, c’est différent », livre paru en 2010 en France, les économistes Kenneth Rogoff et Carmen Reinhart rappellent que des pays ont connu des défauts sur leur dette (cessation de paiement) avec des taux d’endettement de 30 ou 40% seulement. Plus récemment, le Portugal s’est vu menacé de rejoindre la situation de la Grèce et a dû demander de l’aide à l’Union Européenne alors que son ratio dette/PIB n’excédait pas celui de la France, mais son déficit si.

Ce qui signifie que se débarrasser de la dette sans réduire le déficit n’a qu’un intérêt assez limité…Bien sûr, si on annule la dette, on se débarrasse du coût des intérêts. Mais aujourd’hui, en France comme dans la plupart des pays d’Europe, le déficit est plus profond encore que les intérêts de la dette (le service de la dette ne représente que la moitié du déficit des administrations publiques françaises) ; donc en annulant la dette, on aurait quand même trois points de déficit à régler…

La dette et le déficit publics sont dus aux baisses d’impôts de la droite ! Réaugmentons les impôts !

Une des grandes marottes de l’ensemble des partis de gauche, du PCF au PS, est de dire que le creusement du déficit public, non seulement depuis le déclenchement de la crise de 2007-2008, mais depuis une décennie (donc surtout depuis 2002 et le retour de la droite au pouvoir), vient, non pas d’une hausse des dépenses publiques (trop de fonctionnaires, trop de prestations sociales, comme les libéraux aiment à le déclamer) mais des baisses d’impôts. Et l’on cite le niveau des prélèvements obligatoires, comprenant impôts directs (impôt sur le revenu, impôt sur les revenus distribués par les sociétés, CSG), les cotisations sociales, les impôts indirects (TVA, TIPP…), qui était à 45% du PIB avant 2000, qui est passé à 43% sous Raffarin, puis à 42% environ aujourd’hui. Voilà trois points de déficit, soit 60 milliards d’euros, qui s’expliquent tout d’un coup !... Et il n’y aurait donc pas besoin de réduire ni même de contenir les dépenses publiques, il faudrait avant tout rehausser les impôts à leur niveau de la fin des années 90 !

Sauf qu’en fait, ce n’est pas exactement la réalité. Pour comprendre l’évolution du déficit public, il faut faire un truc tout bête, comparer les dépenses et les recettes publiques.

Les dépenses publiques, c’est le budget de l’Etat, plus ceux des régions, départements, communes, les dépenses de la Sécurité Sociale (retraites, remboursements de soins, allocations familiales), l’assurance-chômage, et un peu de pognon – malheureusement – versé à l’Union Européenne. Elles ont stagné autour de 52-53% du PIB tout au long des années 2000, soit le plus haut niveau européen avec la Suède, le Danemark et la Belgique. Puis, à partir de 2009, elles passent à 56%, pour diverses raisons : fort peu le « renflouement des banques », comme on aime également le claironner à gauche, mais la hausse du chômage (plus d’indemnités, plus de séniors qui se mettent en retraite), des plans de « relance » à l’effet douteux, et aussi l’effet mécanique de la régression du PIB (-3% en 2009), alors que les dépenses ne diminuent pas en volume (pas de baisse des salaires des fonctionnaires ou des retraites). Donc le ratio dépenses publiques / PIB monte automatiquement.

Les recettes publiques, maintenant. Parmi elles, il y a principalement les prélèvements obligatoires, dont on a déjà parlé. Le taux des prélèvements obligatoires a baissé en 2009, de 43 à 42 %, et là encore sans qu’il s’agisse d’une décision du gouvernement : quand il y a récession, les gens s’appauvrissent, et passent dans des tranches d’imposition plus basses. Le chômage augmente, donc moins de cotisations sociales, etc… Mais, quand même, le taux de prélèvements obligatoires avait déjà été baissé avant la crise, non ? Oui, mais ce qu’il faut savoir, c’est que dans les recettes publiques, il n’y a pas que les prélèvements obligatoires. Il y a aussi les recettes « non fiscales » : les amendes, les tarifs à l’entrée des crèches, piscines, cantines, musées…Dérisoire que tout cela ? Non, ces recettes représentaient déjà 80 Mds d’euros en 2005 (plus de 4% du PIB). Ce qui fait que les recettes publiques ne sont pas réductibles aux prélèvements obligatoires, et leur évolution non plus…En 2008, la somme des recettes publiques avoisinait 49% du PIB (trois pour cent de moins que les dépenses). En 2010, les recettes publiques avaient reculé d’un point, les dépenses étaient monté de 3 points voire 4 (de 52 à 56). Donc, peut-on se permettre de dire que le problème vient d’une insuffisance des recettes, et qu’il n’y a pas de problème avec le niveau des dépenses ? Non.

La dette publique est illégitime, on peut la rejeter comme une dette odieuse !

C’est pourtant le discours tenu par l’association Attac, et le président de son conseil « scientifique », Dominique Plihon, qui va cependant plus loin : pour lui, il faut faire un « audit » de la dette publique, pour faire connaître au grand public ses origines (et en cela, on ne peut que l’approuver)…Sauf que Plihon, en fait, il s’en fout de l’audit, puisqu’il connait déjà les causes du dérapage de la dette depuis le début de la crise et même bien avant. Non, pas la "loi de 1973", évoquée sur ce blog l’an dernier. Pour lui, c’est le soutien de l’Etat français aux banques, sans contreparties (certes, mais en fait ce soutien s’est fait par prêts, remboursés ensuite, et non par dons purs), et aux politiques de baisses d’impôts qui ont bénéficié à ceux qui auraient déclenché la crise (les riches et les financiers, s’entend). Bon, alors que le camarade Plihon veuille combler la dette par des relèvements d’impôts, en taxant les plus riches, en rétablissant, comme il le dit, une vraie progressivité de l’impôt, pourquoi pas, tout cela peut se promouvoir, et les modalités se discuter. Sauf qu’il oublie l’aspect « contrôle des dépenses » sur lequel je viens d’indiquer un dérapage net. Et surtout, petit problème de cohérence : vouloir combler les déficits par des hausses d’impôts…c’est justement ce qu’on appelle une politique d’austérité. L’austérité, ça n’est pas synonyme de baisse des dépenses publiques, ça peut très bien être la hausse des recettes. Le contraire de l’austérité, c’est la prolongation du déficit, voire son accroissement. Et c’est un peu ce qui m’énerve dans le discours anti-austérité de la gauche. J’imagine ce qui se passerait si les cortèges de manifestants qui s’apprêtent à arpenter le pavé à l’appel des syndicats au cours de l’Automne décidaient d’assumer la signification du refus de l’austérité. On aurait de beaux défilés avec des banderoles frappées de « Oui au déficit ! », « Endettons-nous gaiement ! », le tout aux cris de « Tous-ensemble-tous-ensemble : Dette ! Dette ! Tous-ensemble… ».

Mais Plihon, comme Mélenchon, ont leur solution : la dette, y a qu’à l’annuler, au moins en partie ! Bon, déjà, comme on l’a vu, dans la mesure où le déficit des administrations est supérieur au service de la dette, annuler la dette ne résoudrait pas entièrement le problème du déficit, mais ce ne serait pas grave. Mais avant cela, petit problème : au nom de quoi, moralement et légalement, pourrait-on justifier l’annulation de la dette ? Et bien en utilisant l'argument de la "dette odieuse", argument qui permettait, dans les pays qui avaient subi une dictature, de ne pas honorer les emprunts souscrits par l'ancien dictateur, puisque le peuple n'y avait pas son mot à dire. Dans un pays comme la France, cet argument devient plus compliqué à utiliser.

Plihon dit que puisqu’une partie de la dette est due aux aides versées aux banques sans contreparties, alors ces aides sont illégales, et la dette qui en résulte aussi. Problème : outre le fait que cette explication de la dette publique est (très) marginale, à partir du moment où l’Assemblée aurait validé ces mesures, ou même que le gouvernement les aurait fait passer par des procédures légales, même si ça ne change pas l’opinion négative que l’on peut avoir sur ces plans de soutien, elles ne constituent pas un motif d’annulation. Plihon vise ensuite les baisses d’impôts, ce qui est un prétexte plus absurde encore, et aux implications politiques douteuses : si une politique de baisse d’impôts est votée par un parlement, qu’elle accroisse le déficit ou pas, qu’elle bénéficie aux riches ou pas, elle n’en reste pas moins une politique légale et valide dans le cadre d’une démocratie, c’est-à-dire un régime où le plus grand nombre des citoyens peut se manifester, par le vote en premier lieu, pour changer de représentants et de gouvernement. Pendant qu’on y est, on se demande si Plihon ne veut pas faire déclarer « anticonstitutionnelles » toutes les politiques, et pourquoi pas les partis, de droite, et tout ce qui serait trop libéral à son goût…

Plus généralement, le discours selon lequel « cette dette, c’est pas la notre » me glisse sur la peau sans s’infiltrer. Si, cette dette est la notre. "Loi de 1973" ou pas, baisses d’impôts (illusoires comme on l’a vu plus haut) ou pas. Depuis 1975, les administrations françaises enchainent les déficits. Le peuple français en est informé. Il suffit à chacun d’entre nous d’ouvrir un journal spécialisé, et plus encore depuis une décennie, de quelques minutes de recherches sur le Net, pour savoir quel est le montant de la dette publique, au sens de Maastricht ou pas, quel est le déficit, combien nous coûte le service de la dette…Et si cela nous révulse, il suffit de faire comme au temps des réformes des retraites ou du CPE : descendre dans la rue par centaines de milliers ou millions, refaire un hiver 1995, etc… Et ça ne s’est jamais fait, jamais contre les déficits publics. Et les gouvernements qui les ont cumulés, ceux du PS et du RPR-UDF-UMP, se partagent toujours les « alternances ». Qu’on le veuille ou non, le peuple français a accepté les déficits et la dette. Il aurait sinon suffit que quelques pourcents de l’électorat (des centaines de milliers ou millions de français) décident de créer un parti anti-dette, qui aurait rapidement pu se retrouver être le plus grand parti de France. Le discours sur le pauvre peuple français usurpé et abusé me laisse donc froid.

 

Deuxième partie à venir.

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30 juin 2011 4 30 /06 /juin /2011 23:31

Louis Mazuy avait publié il y a un peu plus d'un an "Alternative au Capitalisme". Soucieux d'écouter ceux qui, comme moi, parlent d'alternative nouvelle, en voici un compte-rendu de ce livre, déjà présenté sur Socialisme & Souveraineté, et qui a aussi son blog.

 

            Louis Mazuy a été, de 1983 à 2002, secrétaire général de l’Union CGT des cadres, techniciens et ingénieurs de la métallurgie (lui-même ingénieur des Arts et Métiers). Constatant, en introduction du livre, les échecs successifs dans des partis communistes (et le PCF en premier lieu), et des mobilisations de masse (2003 sur les retraites) ou de leur impossibilité à se transformer politiquement (référendum de 2005, rejet du CPE en 2006), il a décidé d’écrire ce livre. Même si certains passages – surtout des citations d’autres auteurs marxistes – sont plus écrits en marxiste qu’en français, l’ensemble forme un tout assez abordable pour un jeune communiste, et dont les propositions sont  intelligibles.

 

Une analyse classique

 

Son analyse des faits est à peu près conforme à celle du PCF : dans une société ayant connu la montée du salariat, des qualifications, on observe la croissance de la précarité, des inégalités, et un chômage de masse. Le tout encadré par des gouvernements « libéraux » depuis trente ans, favorisant la croissance des revenus financiers et des profits (en oubliant leur récession dans les années 70), menant une « révolution conservatrice » pour contrecarrer la baisse tendancielle du taux de profit (pas mesurée dans le livre…).  Cette dégradation sociale frappant en priorité les femmes et les minorités ethniques. L’auteur reprend les termes de « dictature des marchés financiers », décrit un capitalisme où toute richesse n’est valable que si elle est rentable – constat à mon sens abusif, puisque les productions du secteur public sont également comptées comme richesses dans le PIB.

 

Il s’attaque au gâchis généré par le capitalisme : destructions d’entreprises et de compétences produites par la concurrence, compétition internationale (« néolibérale »)…Mais aussi ce qu’il nomme la « guerre à l’intelligence », comme une constante du système. Le capitalisme ayant pour principe de dessaisir les salariés de la conduite de leur production ; et, dans un contexte de qualifications croissantes du salariat, réagit par l’atomisation de celui-ci.  De l’entreprise où le dirigeant faisait passer avant tout sa réputation de capitaine d’industrie, faisait croire, à tort ou à raison, à sa participation à la production, a succédé l’entreprise des managers, qui récupèrent et retournent le besoin d’initiatives et de participation des salariés. Pour Mazuy, il importe aussi de ne pas se fermer aux salariés hautement qualifiés, de ne pas se réfugier dans un ouvriérisme étroit. Sans me risquer à associer les deux personnages, ce point réunit Louis Mazuy et André Gérin, qui appelle à l’alliance avec « l’aristocratie ouvrière » des ingénieurs, techniciens, et aussi petits entrepreneurs.

 

L’auteur s’égare ensuite avec un passage sur le féminisme où, plutôt que de traiter concrètement les inégalités hommes / femmes dans le monde du travail (écarts salariaux, plafond de verre), il consacre ses pages à soutenir les féministes qui réfutent l’idée que les différences hommes-femmes aient quoi que ce soit de naturel. Non pas que la polémique ne soit pas intéressante en soi, mais ses conséquences concrètes sur ce qu’il faut revendiquer pour combattre les discriminations de genre apparaissent fort peu dans le livre.

 

Le passage quasi-obligé sur l’impérialisme, notamment américain, reprend des vérités générales (concentration de l’épargne mondiale aux USA, concentration de la capacité de recherche)…mais aussi quelques propos mal ciblés. Les délocalisations sont censées permettre aux pays riches de produire « pour rien » (pour moins cher certes, mais pas pour rien, et pour des salaires croissants, que ce soit en Chine ou en Europe de l’Est). Et la mondialisation imposerait un ordre militaire dont les USA sont les principaux tenants. Les guerres moyen-orientales de l’OTAN ou des USA illustrent assez bien ce recours à la contrainte sur des gouvernements qui vont contre les intérêts des USA, mais la mondialisation dans son ensemble ne saurait dépendre entièrement de cette contrainte : à ce qu’on sait, les USA ne dominent pas militairement la Chine, pourtant acteur fondamental de la mondialisation…

 

Critique de l’économisme

 

Louis Mazuy critique la vision « économiste » du communisme, celle basée sur la construction d’un modèle assez précis d’entreprises publiques, de plan (ou même de socialisme de marché), et où le pouvoir politique serait avant tout un pouvoir de techniciens. Pour Mazuy, c’est avant tout un changement de rapport social qui doit être mis à l’œuvre, en expérimentant une « démocratie sociale » au sein de l’entreprise, supposant une pratique longue.

 

Pour Mazuy, cet économisme est aussi un déterminisme, qui a mené directement au stalinisme :

« Il s’agit non seulement de dépasser la version déterministe du capitalisme (tout voué à la valorisation du capital) comme l’autre version déterministe, celle du communisme dans sa conception stalinienne. Son incapacité à appréhender la dialectique entre « forces productives et rapports sociaux » a de fait abouti au non-dépassement de la subordination du travail et de la société : une double subordination de l’économique et du politique a rapidement conduit au pouvoir centralisateur.La révolution s’est retournée sur son objectif initial de libération des hommes, en niant le développement de toutes les dimensions humaines et le rôle des hommes en tant qu’individus-acteurs, comme question essentielle de cette dialectique ».

 

Lisant cela, je me retrouve avec le même fossé qui sépare mes réflexions et travaux de ceux de nombre de marxistes, qui expliquent la dictature soviétique (en la réduisant trop souvent au stalinisme, faisant l’impasse sur la période léniniste) par des considérations générales (« holistiques ») sur la société russe et son arriération, ou par des considérations sur les idées comme le fait Mazuy. Pour ma part, étant trop idiot pour voler dans le ciel des idées, je me suis référé à quelques faits dans Pour le Communisme,  bien en amont de la « subordination du travail et de la société » : la prise du pouvoir bolchevik se fait par la force, dans un contexte de guerre mondiale, le nouveau pouvoir n’a pas de légitimité démocratique, ses adversaires, démocrates ou non, se lancent dans une guerre contre lui, guerre que les bolcheviks ne gagneront qu’avec des pertes très lourdes et l’emploi de la Terreur. Dès lors, la démocratie est compromise, dès 1918, et le sera tant que le pouvoir en place (même ses héritiers)  perdurera, car tous ses membres auront été de loin en loin solidaires des crimes du régime.

 

Fermons cette parenthèse historique, mais constatons quand même que Louis Mazuy s’inscrit dans une lecture à mon sens trop conceptualisée de l’histoire du socialisme au XXème siècle, sous sa version soviétique.

 

D’autres remarques de l’auteur sont plus justes sur les questions économiques, notamment sur l’idée que le progrès technique serait à l’origine du chômage, idée fausse mais que « le capitalisme » (entendez les médias dans la société capitaliste) laissent courir, afin de dévier la critique du capitalisme vers celle de l’automatisation, et que les salariés ne pensent plus à l’appropriation de la technique pour un autre modèle de société. Les médias sont de toute façon peu enclin au traitement de fond du sujet du chômage (ou d’autres sujets majeurs), donnant la priorité à une actualité fractionnée, au « zapping », jouant sur les peurs, décourageant le public de réfléchir en termes de projets d’avenir.

 

Autre idée que l’on ne retrouve pas souvent ou clairement dans le discours du PCF, et pourtant fondamentale : celle selon laquelle le marché n’est pas le capitalisme, ce dernier n’est que l’imposition du marché à tous les rapports sociaux. Cette précision est très intéressante car de toute façon, aucune économie n’est jamais totalement planifiée, ou totalement marchande : dans toutes les économies du monde, il y a du marché, du plan, de l’autoproduction, de l’économie solidaire et altruiste…Prétendre fonder un projet économique sur un seul de ces modes de production est totalement utopique. La question est davantage de savoir quelle place on donnera à chacune de ces formes de production et d’échange.

 

  Des divergences avec la ligne globale du PCF

 

            Louis Mazuy note l’effacement du substrat idéologique dans le PCF, et son remplacement par une forme de « christianisme populaire », comme je l’avais déjà remarqué sur ce blog. Il ne s’agira pas d’en revenir à la conception du « Parti-guide » se méfiant de la spontanéité populaire. On ne peut plus faire l’impasse sur la démocratie en tant que but et moyen. L’auteur note à ce titre la demande croissante demande d’individualisation de la parole, notamment via le Net. « Plus personne ne souhaite être confondu dans la masse (ou les masses), que ce soit pour ses aspirations personnelles ou la maitrise des prises de décision ». Il est malheureux que le PCF – mais toutes les formations de gauche radicale, ainsi que les mouvements récents comme ceux des « indignés » - parlent encore aux individus du « Peuple », comme une masse unifiée.

           

            Cette demande – aussi individuelle – de retour concret sur les promesses politiques – souvent déçues – fait que Louis Mazuy comprend les demandes de programmes détaillés et précis. Mais sa critique des rapports sociaux capitalistes l’amène plutôt sur un ensemble de pistes dans la seconde moitié de son livre.

           

            Avant toute chose, il ne demande pas le retour aux vagues de nationalisations sur le modèle de 1981 et avant cela. D’une part parce que nombre d’entreprises publiques se sont retrouvées à produire en fonction du marché, parce qu’elles auraient servi à compenser la baisse du taux de profit des entreprises capitalistes jusqu’à ce que celles-ci aient trouvé les moyens de les rétablir, et parce qu’elles n’ont nullement contredit les rapports sociaux constatés dans l’entreprise capitaliste.

 

C’est aussi le cas du projet de « sécurité emploi formation » proposé par Paul Boccara au sein du PCF : il ne remet pas en cause la tendance des entreprises capitalistes à obtenir le plus possible de valeur ajoutée par unité de capital par des restructurations et fusions incessantes. Cependant, la constitution de droits accrus pour le salarié est une base indispensable pour que celui-ci acquiert une véritable motivation dans son travail, autre que celle de la contrainte du licenciement, et lui permettant de participer réellement à une démocratie sociale.

 

Propositions

 

Cette démocratie dans le monde du travail, Louis Mazuy la recherche par l’instauration d’une gestion triple de l’entreprise : salariés, usagers/consommateurs (ou entreprises clientes), et représentation de « l’intérêt général ». Cette nouvelle administration de l’entreprise obligerait à annuler le pouvoir des actionnaires, et Mazuy propose de transformer leurs actions en fonds rémunérés en fonction du profit de l’entreprise (pas de confiscation du capital, donc) mais sans donner aucun pouvoir dans l’entreprise.

 

           

Suivant les propositions de Tony Negri, le financement des entreprises pourrait être confié à une multitude de banques autogérées, sans monopole, mais où une planification de fait de l’allocation des capitaux se ferait par une fixation étatique des taux d’intérêts. Mais ces propositions ne sauraient, selon l’auteur, suffire à modifier profondément les rapports sociaux capitalistes si l’on n’en atteint pas le cœur nucléaire, à savoir le salaire.

 

De ce point de vue, Mazuy rejoint les propositions de Bernard Friot pour un salaire universel, et non le revenu d’existence universel (mais il me semble faire une mauvaise contestation du revenu d’existence, celui-ci étant assimilé à tort avec les revenus d’assistance à une partie de la population comme le RMI/RSA). Versé à vie, indépendamment de l’exercice d’un travail en entreprise, il ne serait que l’achèvement de la socialisation des revenus actuellement effectuée par les cotisations sociales. Cependant, Mazuy ne précise pas quelle part cette socialisation devrait prendre par rapport à l’ensemble de la masse salariale (où les cotisations, CSG incluse, prennent déjà 50% du total), ni les critères d’affectation et de modulation de ce revenu.

 

Le projet-monde ?

 

Louis Mazuy rejette les politiques faites au niveau d’un seul état, notamment, par le biais du protectionnisme. En vue de contrer l’externalisation des emplois directement productifs vers les pays émergents, vue comme une forme d’impérialisme et de domination sur les nouveaux « ateliers du monde », et d’aboutir à une gestion concertée tant des ressources (matérielles et énergétiques) que de la recherche. Et aboutir à une « responsabilité au niveau de la planète » sur ces sujets. Mais les institutions comme les moyens d’action des citoyens restent, comme dit l’auteur, « à inventer ».

 

Une autre idée serait la « TVA labellisée » : les taux de TVA prélevés sur les différentes marchandises seraient modulées en fonction de critères sociaux et écologiques. Ce qui compliquerait quelque peu la tâche du fisc, mais ça n’en fait pas un argument décisif. Ce qui pose davantage problème, c’est que lorsqu’elle s’applique à des entreprises ayant des activités à l’étranger, cette taxation, qui pourrait rejoindre un esprit « solidaire » (conforter les entreprises qui améliorent la condition salariale à l’étranger, respectent des conventions environnementales…) pourrait tout simplement se retourner en outil protectionniste.

 

Conclusion

 

Il ne s’agit ici que d’une partie, mais à mon sens les plus décisives et concrètes, des réflexions et propositions faites ou rassemblées par Louis Mazuy dans ses lectures. Elles décrivent un socialisme à transition douce, ne croyant pas à la planification directe. Mais ce « projet » (puisqu’il ne faut pas parler de modèle) réutilise trop souvent les outils classiques dont dispose l’Etat actuellement (fiscalité sur telle ou telle marchandise, fixation d’intérêts – ce dont disposait l'Etat avant l’euro). Dans le système de socialisme allocatif que j’ai esquissé dans Pour le Communisme, l’intérêt n’existe plus, l’Etat peut influencer la répartition de la main d’œuvre et des productions via des coefficients sur le salaire, plus facilement visibles et soumis au débat que des taux de TVA. La liberté de création d’entreprise est peu évoquée, et la croissance des entreprises, surtout avec la gestion nouvelle tripartite qu’esquisse Mazuy, semble compliquée.

 

Au final, il est beaucoup question de droits et de rapports sociaux dans ce livre. Sans doute happées par la dénonciation d’un « néolibéralisme » à la réalité mitigée en France, les notions de création individuelle et d’initiative manquent.

 

 

 

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26 juin 2011 7 26 /06 /juin /2011 23:22

Une analyse assez lucide... Il n'est qu'à voir les réactions ulcérées de FrontdeGaucholâtres en commentaires.

PCF: Cette fois-ci, c'est vraiment la lutte finale...

Les résultats détaillés du vote des militants du PCF sont aujourd'hui connus. Ils font de Jean-Luc Mélenchon le candidat du Front de Gauche à l'élection présidentielle. Cela faisait des années que le PCF est devenu chaque fois plus un parti "local", appuyé non pas sur un projet national mais sur des "notables" locaux et leurs clientèles. Par le vote d'aujourd'hui, les militants communistes ont consenti à la conclusion logique de cette transformation: l'effacement du PCF de la scène nationale.

 

Cela n'a pas été sans mal. Il n'est pas inutile de s'arrêter sur les résultats détaillés du scrutin (disponibles ici), car ils révèlent beacoup de choses intéressantes sur le PCF. D'abord, sur ses effectifs: pour ce scrutin, le nombre d'adhérent ayant le droit de vote (c'est à dire, ayant leur carte du PCF et étant à jour de leurs cotisations...) n'est plus que de 69.000.

 

La suite sur le blog de Descartes.

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9 mai 2011 1 09 /05 /mai /2011 14:47

    Bien que je sois loin d'être d'accord avec tous les articles du webzine Le Grand Soir, voici un article qui fait une très bonne compilation de la logique à géométrie variable des anticommunistes, de droite comme "de gauche" (notamment la pique sur les anarchistes, très juste). On peut juste regretter que ce texte ait été rédigé dans une optique marxiste-léniniste, reprenant l'explication du déclin de l'URSS par le "révisionnisme" et citant les "succès" économiques du stalinisme (alinéa 14), ou relativisant les ravages du maoïsme (alinéa 35). Les marxistes-léninistes (stals) n'admettront de toute façon pas que les chiffres apparemment impressionnants de la croissance industrielle soviétique sous Staline résultaient d'une croissance extensive (davantage d'usines et d'ouvriers), et pas intensive (la productivité de chaque travailleur progressait peu), et donc que cette croissance devait logiquement, en continuant ainsi, s'épuiser un jour.

    Mais à part cela, quasiment tous les points évoqués sont (très) pertinents.

 

Les 40 règles de base de l’anticommunisme

 

J SLAVYANSKI
 

Au cas où un membre quelconque du troupeau l’aurait oublié, nous rappelons ici les 40 règles de bases de l’anticommunisme (généralement une manière euphémique de dénommer le fascisme). Comme ils pourront le voir (s’il leur reste encore une once de capacité de réflexion), ils verront qu’ils peuvent appliquer les mêmes règles dans n’importe quelle discussion, commentaire ou article confronté à des arguments et données en suivant la méthode doctrinale, c’est-à-dire en récitant les commandements comme Dieu (ou le Capital) commandait des moinillons ou des perroquets (comme les a définis l’historien français Lucien Lefebvre).

 

Le texte est de Slavyanski est repris de l’institut d’Étude Marxiste Léniniste (l’introduction est de José Luis Forneo)

 

 

La suite ici ... http://www.legrandsoir.info/Les-40-regles-de-base-de-l-anticommunisme.html

 

 
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25 avril 2011 1 25 /04 /avril /2011 18:45

Cet article fait la suite du précédent article consacré à l'impérialisme, et notamment de son annexe centrée sur le colonialisme occidental . C'est donc ici la notion d'Occident qui sera discutée.

 

            Y a-t-il une civilisation occidentale ?

    

On pourrait, comme le font certains, nier l’existence d’une civilisation occidentale. Dire, par exemple, que la France est davantage liée, par son histoire, à une partie de l’Afrique qu’à d’autres pays d’Europe, ou même aux USA ou à l’essentiel de l’Amérique latine. Mais c’est confondre des liens historiques avec une civilisation. Ce qui est sûr, c’est que l’existence d’une civilisation occidentale ne signifie nullement que les pays qui la composent doivent former une union politique ou même être solidaires entre eux, ou ne chercher leurs alliances qu’entre eux (François Ier ne s’allia-t-il pas avec Soliman le Magnifique contre Charles Quint ? La France devenait-elle alors plus ottomane qu’européenne ?).

 

Une civilisation, ce sont des langues, une vision du monde le plus souvent soutenue par une religion (mais sans que ce soit systématique, le bouddhisme n’étant pas une religion dans le même sens qu’on l’entend pour le christianisme, l’importance de la croyance et de la théologie n’était pas le même dans les polythéismes grec et romain que dans les religions monothéistes). S’y ajoute aussi une organisation sociale, certains modes de production, la considération donnée au travail dans la vie en général, l’importance de l’Etat et son organisation (il n’y a, de fait, et ce n’est pas un hasard, aucune civilisation un tant soit peu développée qui n’ait pas du tout de structure étatique, même au niveau d’une ville), l’organisation familiale, le rapport aux biens et aux êtres vivants – et donc la notion de propriété.

 

Malgré sa grande diversité interne, il existe une civilisation occidentale, sur les continents européen (jusqu’à Vladivostok), australien et américain (nord et sud, il n’y a aucune raison d’exclure l’Amérique latine de l’Occident – Chavez et Castro sont donc des occidentaux, que ça leur plaise ou non). Elle se base sur la prégnance de la religion chrétienne (ou de son héritage pour les pays les moins croyants), sur des langues indo-européennes (avec quelques minorités, basque, magyare, finnoise et baltes en Europe, ou ce qu’il reste des langues amérindiennes et aborigènes sur les autres continents). Elle a donné naissance aux formes les plus sophistiquées de l’Etat, qu’il soit centralisé ou fédéral. Elle a accouché d’une civilisation industrielle, par le marché ou la planification centrale (et souvent un mélange des deux). Le travail n’y a pas toujours été une valeur en soi, rejeté par les anciennes aristocraties, mais devenu une activité essentielle avec les révolutions industrielles, et centrale au point de devenir une mesure de la valeur de l’individu (ne pas travailler, ce n’est pas seulement avoir de grandes chances d’être pauvre, mais aussi de se désocialiser). La productivité est valorisée, le refus de la perte de temps est un réflexe généralisé – à défaut d’être systématique. L’idée de la propriété privée des sols, des biens, d’animaux est acceptée par la plupart des gens, même si un périmètre de propriété étatique ou collective l’est aussi (si le capitalisme est occidental, le communisme non primitif l’est aussi). Ce qui s’accompagne d’une vision de la société où l’individu est le sujet, avant le clan, la famille au sens large, multigénérationnelle, la tribu ou le village (même si l’esprit de clan n’a jamais disparu, et perdure plus ou moins selon les pays et régions). Aussi la famille a tendu, dès que les personnes devinrent plus mobiles en entrant dans l’âge industriel, à se resserrer autour du père de famille, l’individu central d’une société patriarcale, son épouse, et les personnes à charge dont ils ne voulaient pas déléguer la gestion à autrui, c’est-à-dire les enfants. L’idée de l’individu comme sujet de base a aussi inspiré l’idée du droit individuel, et son extension à toute la population. Aussi, après avoir reconnu des droits formels au citoyen, d’abord ceux d’une certaine classe puis tous les hommes, vint l’abolition de l’esclavage, puis l’extension de ces droits aux femmes, et la reconnaissance de droits à l’enfant.

 

Voilà les traits culturels, historiques et idéologiques qui peuvent définir l’Occident. Individuellement, beaucoup de ces traits ne sont en rien un monopole occidental. La famille chinoise, coréenne ou japonaise n’est pas si différente du modèle occidental, de nos jours. Mais c’est la conjonction de tous ces traits qui font l’Occident.

 

Toutes les civilisations se valent-elles?

 

Abordons le côté le plus polémique de cet article : les civilisations sont-elles égales entre-elles ? Ma réponse est non. Et je fais remarquer que l’idée d’une « égalité des civilisations » est déjà un parti-pris idéologique et civilisationnel : dans la civilisation occidentale telle que je viens de la décrire, c’est l’individu qui a des droits, et ce sont les individus qui ont les mêmes droits à la base. Ce ne sont pas les tribus, les nations, les cultures ou les civilisations qui en ont. Si les individus sont égaux, les cultures et les civilisations ne le sont pas. Il y a mille ans, la civilisation franque était sans nul doute inférieure aux civilisations islamiques ou chinoise. Au XVIIIème siècle, sur le plan économique et technique, la France était en retard sur le Royaume-Uni. A l’avenir, il se peut que la civilisation des continents européen et américains soit à nouveau dépassée par celle d’autre continents. Mais pourquoi cette inégalité ? Pour des raisons strictement objectives : ce sont les pays occidentaux qui ont fait le plus progresser la durée de la vie (chose la plus importante à mes yeux), qui ont poussé le plus loin la recherche scientifique (alors que l’Europe était dans un flagrant retard jusqu’à la Renaissance) et ses applications concrètes. Les nations occidentales sont celles qui ont le plus tôt mis une fin durable aux famines (avec les exceptions soviétiques ou dues aux guerres mondiales au XXème siècle). Après avoir longtemps pratiqué l’esclavage (comme le monde islamique), les états occidentaux l’ont fait abolir. Ils ont généralement mis en place des systèmes de solidarité adossés à l’Etat (Sécurité Sociale en France) qui couvrent la plus grande partie de la population (et qui sont loin d’être abolis par la « vague néolibérale », n’en déplaise aux gauchistes).

 

Mais l’autre grande force de cette civilisation occidentale, et qui balaie rapidement les objections selon lesquelles les critères que j’emploie seraient « purement matérialistes », et donc ne seraient valables que d’un point de vue occidental, c’est que justement, cette civilisation occidentale peut répandre ses atouts et en faire profiter les autres, même sans les envahir. Des pays qui n’ont jamais été des colonies européennes (le Japon), ou qui, après avoir été sous influence occidentale, lui ont tourné le dos pour un système fermé (la Chine maoïste), ont finalement décidé, non pas de copier tous les traits de la civilisation occidentale et de substituer celle-ci à leur civilisation propre, mais de prendre ce qui les intéressait le plus dans l’Occident. Ainsi le Japon est devenu une puissance industrielle depuis l’ère Meiji entamée en 1868, la Chine a-t-elle entamé son décollage depuis les années 80. Sur plusieurs aspects –urbains, économiques, techniques, familiaux- ces pays réduisent leur distance avec l’Occident, sans pour autant renoncer à leurs langues ou croyances. A l’inverse, jamais les civilisations chinoise, japonaise ou islamiques n’ont réussi à convertir des territoires aussi vastes à des traits essentiels de leur mode de vie, en dehors de la conquête. Il y a bien sûr des nuances pour l’Islam, qui avait réussi à s’étendre vers des contrées autrement que par la force (vers la Malaise et l’archipel indonésien, ou vers l’Afrique noire), mais même aux siècles médiévaux où l’écart culturel était fortement en faveur du monde musulman par rapport à l’Europe chrétienne, jamais l’Europe ne s’est vraiment transformée pour imiter ses voisins du Sud et de l’Est.

 

Doit-on condamner l'Occident?

 

C’est en ce sens que les discours anti-occidentaux me lassent profondément. Non, l’Occident n’est pas responsable de la pauvreté d’autres parties du monde. Oui, j’ose le dire, même en tenant compte des dettes du Tiers-Monde, de la Françafrique, des œuvres du FMI… Je note juste plusieurs choses dont les « alters » ne parlent jamais : aucun pays pauvre ne s’est sorti de la misère en rompant avec l’Occident, en refusant la mondialisation, les échanges, les investissements étrangers. Un grand pays, l’Inde, en a fait l’amère expérience, en se maintenant pendant plus de trente ans dans une économie fermée et bureaucratique, avant de réaliser que cette « protection » face à l’influence étrangère l’avait fait stagner dans sa pauvreté. On peut tout à fait contester le principe des dettes publiques des pays pauvres, des intérêts surtout (je l’avais fait d’ailleurs pour la France), ou dénoncer certains aspects des plans d’ajustements structurels (mais il me semble démagogique de les refuser en bloc, puisque certains états, dont la Côte d’Ivoire qui fait parler d’elle, ont réellement géré n’importe comment leurs ressources fiscales). Mais même dans le cas africain, ces faits n’expliquent pas tout : sinon, comment expliquer que l’Afrique ait connu une réelle et forte croissance depuis dix ans (voir par exemple ces graphiques, à partir de l'an 2000, pour le Nigeria, l'Afrique du Sud, la Tanzanie , le Kenya, le Ghana, le Cameroun ou le Senegal), alors que les dettes publiques n’ont pas été entièrement absoutes, et que n’ont cessé ni la Françafrique ni le « pillage occidental des matières premières » (expression fourre-tout et utilisant abusivement le terme « pillage » : quand un pays occidental achète du pétrole à un état africain, ou qu’une de ses compagnies paie un droit d’exploitation pour une ressource qu’un pays n’a de toute façon pas les moyens d’extraire seul, je ne vois pas où est le pillage). Le fait que cette croissance n’ait pas toujours eu lieu et qu’elle soit devenue durable montre qu’il y avait bien des entraves propres au continent africain et que les remèdes ne se trouvaient pas dans des dénonciations sans fin de l’homme blanc.

 

On peut aussi passer sur les récriminations contre la civilisation occidentale qui « détruit la planète », alors que ce sont justement les gains de productivité de cette société industrielle occidentale qui permettront de concilier à la fois le droit à un minimum de confort pour tous et l’économie de ressources naturelles. Alors que les pays occidentaux ont déjà décéléré (voir fait stagner) leur consommation énergétique, c’est justement grâce à son haut niveau de productivité, d'inspiration occidentale, qu’un pays comme le Japon peut secourir ses habitants victimes des caprices de notre bien-aimée Gaïa.

 

Le yéti du Choc des Civilisations

 

Le fait de parler d’inégalités de civilisation ne doit en aucun cas être vu comme une incitation à des guerres de conquêtes ou d’oppressions : si l’on reconnaît que les individus ont des droits égaux, alors tuer ou violenter pour imposer une civilisation devient inadmissible (même si, comme la première partie de l’article l’expliquait, les affrontements – violents ou non- entre états seront toujours inévitables, mais ça n’est en rien propre à l’Occident). D’autant qu’une civilisation peut s’étendre par simple persuasion (et nous avons vu que la civilisation occidentale sait le faire). Parler d’inégalité de civilisation ne signifie même pas qu’il faille vouloir l’affrontement entre les civilisations. De toute façon, invoquer la théorie du « Choc des civilisations » me semble plus être une tarte à la crème de la critique des USA qu’une véritable analyse de l’action des pays occidentaux : quand l’OTAN soutient des rebelles libyens ou que Sarkozy soutient le musulman Ouattara contre le chrétien Gbagbo, où est le « choc des civilisations » ?

 

Conclusion: l'Occident en héritage

 

En conclusion de cet article, je dirai juste que la civilisation occidentale est un héritage et une œuvre dont l’ensemble de l’humanité doit se réjouir. Ceux qui vivent en Occident n’ont pas de raison d’en être fiers, puisque la plupart du temps ils n’ont que le mérite d’y être né (c’est mon cas). Mais, plutôt que de l’accabler de reproches le plus souvent déplacés et infondés, cette civilisation doit être une source d’inspiration et d’approfondissements, pour les occidentaux comme les non-occidentaux. Et la réciproque peut exister aussi, même si, pour couper à la démagogie, j’estime que la civilisation occidentale actuelle transmet davantage de savoirs aux autres civilisations que l’inverse. Et ce sera peut-être le contraire dans les siècles futurs.

 

Je termine en disant, pour ceux qui s’étonneraient de trouver un tel article sur un blog communiste, qu’il est temps que les « camarades » qui font la confusion absurde entre le combat du capitalisme contre communisme et le « combat » de l’Occident contre le reste du monde reviennent à la raison, s’ils le peuvent encore. Pour développer le socialisme, il faut une société industrielle. Beaucoup de nations du Tiers-Monde en sont incapables. Un pays comme Cuba peut construire des hôpitaux et des écoles, mais plus difficilement échapper à la pauvreté, dont les pressions américaines ne sont qu’une des causes. Le mieux que l’on puisse leur souhaiter est le développement de cette société, fut-ce par la mondialisation capitaliste, pour ensuite affronter le capitalisme au sein de chaque pays, et pas affronter « l’Occident ».

 

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