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Texte Libre

      Ce blog est lié au site www.pourlecommunisme.com, rédigé par un militant du PCF, dans le but de publier plus rapidement des positions et informations liées aux sujets du site. Il est également devenu un blog de suivi (discontinu) de l'actualité du PCF, de réactions à divers sujets n'ayant pas leur place sur le site.

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10 octobre 2010 7 10 /10 /octobre /2010 22:11

 

Avant de commencer la partie dédiée aux propositions, j’invite les lecteurs à relire la première partie, que j’ai enrichie de quelques statistiques qui seront utiles pour ce deuxième volet.

 

Je demande aux lecteurs de cet article de bien vouloir le lire jusqu’au bout, car une lecture partielle de ce sujet complexe ne mènera qu’à des incompréhensions totales.

 

Le principe : pouvoir limiter l’immigration


                Je ne suis pas hostile à l’immigration dans son principe. Mais, même si cela pourra heurter certains, il n’y a pas de « politique d’immigration » qui ne se fonde pas sur un pouvoir du pays d’accueil de limiter l’immigration. Il est cocasse d’entendre des associations ou formations de gauche n’avoir à la bouche que les mots « politique » et « alternatives », entendant par là – à juste titre- que faire de la politique, c’est se donner la liberté de faire des choix, et qu’en même temps ces organisations militeront pour obtenir, peu ou prou, l’abandon des frontières, du contrôle policier, de tout ce qui permet à un état de bloquer les migrations en tout ou partie. Il est de surcroît aberrant d’entendre les dénonciations d’un ordre « (néo)-libéral » qui prônerait « la liberté de circulation pour les marchandises et capitaux, pas pour les êtres humains », alors que les théoriciens du libéralisme comme Friedman demandaient justement la liberté de migration. De fait, en demandant l’abolition des obstacles à la migration, les immigrationnistes de gauche se situent à leur tour dans le refus du politique : on doit accepter l’immigration quelle qu’elle soit, on n’ a pas à avoir de politique dessus.

               

            Les lecteurs chevronnés de ce blog (cas théorique) pourront relever que dans mon article d’Avril 2007, je défendais moi-même peu ou prou l’idée que l’immigration ne se choisissait pas. C’est toujours vrai à la base : on ne choisit pas le fait que des mouvements humains aient lieu, pour des raisons économiques ou politiques, et on ne peut réduire à rien les entrées sur le sol français. Je suis d’ailleurs toujours sur l’idée que le développement économique du continent africain – qui, même s’il fait encore peu de bruit, est bien en cours, avec des croissances de PIB à 5% en moyenne sur la décennie passée- ne réduira pas l’émigration, bien au contraire. Plus de moyens par habitant dans un pays en développement signifie plus de moyen d’émigrer. Mais lorsqu’un pays atteint un niveau élevé de développement (cas de la Corée du Sud par exemple, ou de l’Espagne et du Portugal), l’émigration se réduit. L’émigration africaine finira sans doute par se tasser sur le long-terme, mais, vu le niveau actuel de développement du continent, l’échéance en est lointaine et nous ne sommes sans doute pas à l’apogée des départs vers l’Europe.

 

 


               

           Ce qui fait que les propositions qui seront développées dans cet article n’auront pas pour but de faire drastiquement baisser l’immigration, mais de permettre aux français, s’ils le décident, d’endiguer sa progression.

 

La liberté de migration totale…avec des incitations de non-migration


                Mes positions fondamentales sont plutôt libérales vis-à-vis des migrations. Comme je l’avais expliqué dans l’article de Janvier 2010, je ne voyais pas l’intérêt de fixer des limites à l’entrée sur le territoire français pour des pays tels qu’Haïti, la Russie, l’Afghanistan, le Sri Lanka, l’Irak…dont les ressortissants en France sont fort rares, et les situations dans  le pays d’origine préoccupantes. En Afrique, 60 % des migrants légaux viennent du Maghreb, et parmi les 34 000 arrivants d’Afrique noire, 24 000 viennent de neuf pays (Cameroun, Sénégal, Côte d’Ivoire, Mali, les deux Congo, la Guinée, Madagascar, Comores – ce dernier pays représentant un cas particulier du fait du maintien de Mayotte dans la France).

 

                Pour la plupart des pays du monde, on pourrait donc décréter la liberté de circulation avec la France, sans générer aucun risque d’invasion quelconque. Pour quelques pays d’Afrique, on doit se doter des moyens de limiter les flux. Mais pas nécessairement par la fixation de quotas et la traque de clandestins comme nous le faisons actuellement.

 

                Il s’agirait plutôt  de régulariser rapidement les personnes entrant en France pour une durée de plusieurs années, même sans autorisation des consulats français du pays d’origine, et ne recourir que rarement aux expulsions. Avant de préciser quels seraient les moyens qui permettraient de réduire à la source les départs vers la France, j’ajouterai que la disparition de la clandestinité nous donnerait (« nous » au sens de la République Française) un avantage important : la possibilité de connaître réellement et scientifiquement l’immigration. Une fois régularisés, les immigrés peuvent beaucoup plus facilement faire l’objet de statistiques, sur leur lieu de départ, sur les raisons de leur départ, sur leurs objectifs en France, sur le coût de leurs trajets.

 

                On aura donc une immigration apparemment plus forte en France (du fait de l’émergence de centaines de milliers de clandestins), mais qui pourra être plus facilement régulée du fait même de cette régularisation. Elle nous permettra notamment de mieux connaître l’immigration de travail africaine (en bonne partie clandestine). Nous avons vu que l’immigration africaine –légale- est majoritairement constituée de regroupements familiaux. Mais si cette immigration a lieu, c’est justement parce qu’il y a eu des migrations de travail par le passé, un peu encore aujourd’hui, et que des migrants clandestins sont régularisés. Et aussi parce qu’il y a eu des migrations d’étudiants dont certains sont devenus des travailleurs en France. Et cette migration étudiante n’est pas négligeable comme nous l’avons vu dans l’article précédent : 38 000 étudiants étrangers arrivèrent en France en 2006, dont 14 000 du continent africain. Nous avions aussi vu que  11% seulement de l’immigration africaine est le fait de mineurs. Les conjoints (de français ou d’étrangers) constituent 40% des immigrants africains arrivant en France. L’immigration africaine en France, c’est d’abord une immigration de travailleurs et d’étudiants, plus secondairement de réfugiés (8% des immigrants africains en 2006), qui suscitent ensuite une importante immigration familiale.

 

C’est donc sur cette question des migrations économiques  qu’il faut cibler l’approche pour pouvoir espérer moduler les migrations à venir. Migrations qui, dans le cas africain, sont pour l’instant davantage maghrébines que subsahariennes, mais qui pourraient devenir davantage « noires » à l’avenir, du fait de la réduction plus prononcée de la natalité en Afrique du Nord qu’au sud du Sahara. Et surtout du fait que l’Afrique noire a une bien plus grande marche à parcourir que les pays de la rive sud de la Méditerranée pour atteindre le niveau de développement qui rendra l’émigration inutile.

 

Premier moyen : réorienter l’aide au développement vers deux cibles : le sanitaire et éducatif


                La France s’est engagée à verser annuellement 0,7% de son PIB à l’aide publique au développement. Montant qu’elle honore peu (moins de 0,5% en réalité) et qui recouvre des sommes aux affectations très diverses : par exemple, l’enseignement prodigué à des étudiants étrangers en France est compté comme de l’aide au développement. Et ce 0,5% versé par la France est de fait annulé par les charges financières des états africains payant leurs dettes publiques.

 

         La première initiative - en dehors de l'annulation des dettes publiques des états africains - serait de monter nettement cette aide, à 1% du PIB au moins, voire plus, en tenant compte du fait qu’1% du PIB français représente 400% du PIB malien…

 

L’aide publique au développement a été accusée de nombreuses tares, en ce qu’elle enfonçait les pays receveurs dans une logique d’assistance, qu’elle n’incitait pas à développer des activités locales, qu’elle permettait plutôt de se fournir à l’étranger (l’argent pouvant revenir ainsi au pays donateur, qui s’octroie de fait une subvention à lui-même) créant ainsi une concurrence inégale pour les entrepreneurs locaux. Même si on validait d’emblée ces critiques, il n’en resterait pas moins que la situation humaine du continent africain, principalement subsaharien, sur les plans scolaire (que l’on peut mesurer par les taux de scolarisation primaire et secondaire compris entre 40 et 60% d’une classe d’âge pour la plupart des états d’Afrique noire) et sanitaire (avec une espérance de vie autour de 50 ans en Afrique subsaharienne, parfois moins) fait qu’on ne peut pas attendre pour intervenir. L’action prioritaire de la France devrait donc être de prendre en charge et de créer davantage d’écoles, d’universités, d’hôpitaux, de fournir une partie conséquente des budgets scolaires et sanitaires locaux. Et si possible de grouper les structures créées afin d’en faire des pôles d’emplois locaux.

 

Les effets de cette politique seront :


- d’améliorer la situation économique des personnes qui auront un emploi dans les écoles, universités, hôpitaux, ou dans leur sous-traitance, ainsi que de leur famille – qui sont plus étendues en Afrique qu'en Europe. Si les personnes qui auront ces emplois n’auront plus intérêt à émigrer en Europe, en revanche leurs enfants, cousins, ou autres proches pourraient utiliser les revenus qui leur reviendraient pour se constituer un capital à l’émigration. Donc cet effet d’enrichissement pourrait avoir dans un premier temps un effet amplificateur des migrations ;


- d’améliorer les conditions de vie aux alentours des pôles d’emploi. Si la France devait à nouveau expulser des migrants, elle disposera de sites vers lesquels les raccompagner en étant assurée que les expulsés bénéficieront quand même de la possibilité d’être soignés et de scolariser leurs enfants ;


- d’offrir aux étudiants africains la possibilité de faire des études de qualité dans leur continent d’origine, sans avoir besoin de venir en France.



Créer des concours de migration


                Ces pôles d’emplois permettraient également d’organiser des concours de migrations. Qu’est-ce donc ? Rien de bien nouveau si l’on songe aux loteries permettant d’obtenir la carte verte autorisant à travailler aux USA. Le principe est simple : créer un concours portant sur diverses compétences professionnelles, plus la connaissance de la langue française et des principes de base du droit en France. L’enjeu serait ni plus ni moins qu’un visa pour la France, avec naturalisation programmée à la clé, ainsi qu’un emploi offert, par exemple dans la fonction publique (ce qui correspond à une levée partielle de la préférence nationale à l’emploi public). Avec pour contrepartie l’obligation pour le lauréat de s’engager avec plusieurs autres personnes restées dans le pays d’origine à 1) ce que ces personnes restent hors de France ; 2) qu’une partie de son salaire en France soit transmis à au moins l’une de ces personnes. En cas de non-respect par un des signataires de la clause de non-immigration en France, sauf cas d’urgence humanitaire, le lauréat du concours perd tout, emploi, salaire, naturalisation accélérée.

 

                Comme un concours de grande école, le nombre de places serait limité, et on atteindrait sans doute rapidement un rapport de 5 ou 10 candidats pour un-e élu-e.

 

                Quel serait l’intérêt de cette politique ?


- le fait de recevoir en France des personnes qui seront économiquement intégrées en sachant qu’une quantité plus importante demeurera, par contrat, en Afrique, et qu’ils gagneront financièrement à y rester ;


- mais surtout, la réunion d’un nombre important de candidats aux concours, qui se déclareront donc comme tels dans les ambassades et consulats français, et qu’il sera possible d’interroger pour connaître leurs motivations pour émigrer vers la France, et les moyens qu’ils sont prêts à y mettre.


Créer des contrats de non-migration


                On arrive vers une pièce maîtresse du dispositif que je propose, qui sont les contrats de non-migration. Le principe est quasiment le même que le précédent, sauf qu’il n’y a pas de lauréat d’un concours ayant obtenu un emploi en France. Il ne s’agit que de proposer à plusieurs personnes de s’engager mutuellement avec la France à ne pas y émigrer, en l’échange de quoi la France verse une allocation à chacun des signataires majeurs tant qu’aucun d’entre eux ne viole l’engagement.

 

                On va tout de suite penser aux fameuses « aides au retour », qui, dès le « million (d’anciens francs) » de Stoleru dans les années 70, ont été des échecs massifs. La raison de ces échecs étant simples : en faisant la comparaison entre, d’un côté, ce qu’il avait dépensé pour venir en France, ce que son travail, légal ou pas, lui rapportait, la perte financière que représenterait pour lui et sa famille – au sens large – un retour en Afrique (perte de l’emploi en France), et de l’autre côté la petite aide au retour, il était évident que le migrant n’avait aucun intérêt à accepter cette proposition. Un clandestin qui passe d’Afrique en Europe peut verser des sommes allant jusqu’à dix mille euros aux passeurs. Si l’état français ne lui offre pas une aide au moins égale ou supérieure, le migrant ne rentrera pas, et ce plus encore s’il s’est adapté à sa vie en Europe, et s’il y avait également des motifs de sécurité personnelle dans sa migration.

 

                Ici, le principe est de proposer une indemnisation, en l’échange de la mise entre parenthèse du droit de migrer. C’est donc une politique plutôt libérale dans l’esprit. Mais surtout, cette proposition intervient avant le départ. Elle a pour but d’éviter au migrant potentiel la prise de risque qu’inclut un voyage (surtout s’il est illégal) et d’aller nourrir un passeur.

 

                Une autre objection sera qu’on encouragerait par ces contrats un assistanat permanent, direct et assumé des africains par la France. Ce n’est pas nécessairement ainsi que cela se traduit, tout dépend des modalités de calcul de la subvention. On peut très bien promettre aux signataires, non une subvention fixe, mais proportionnelle aux revenus qu’ils déclarent aux services fiscaux de leur pays. Autrement dit, plus ils s’enrichissent par eux-mêmes – subvention française exclue – plus ils gagnent. Pas très redistributeur, comme principe, me direz-vous ! C’est sans doute le moindre mal. Verser une subvention à des gens simplement parce qu’ils se seront engagés à ne pas bouger de leur pays peut être un très mauvais exemple au niveau microéconomique, et désinciter beaucoup de compatriotes au travail. Mais si, entre deux signataires, l’un s’enrichit deux fois plus que l’autre en subventions parce qu’il a le double en revenus issus de son activité personnelle, alors la désincitation disparait. Bien sûr, il reste le risque de fraudes. Mais si un signataire déclare plus de revenus qu’il n’en a en réalité, il est du coup plus imposable par le fisc de son pays ! Cependant, la subvention sera plafonnée, afin que les élites les plus riches des pays de départ – et les pays en développement sont généralement très inégalitaires en termes de revenus – ne puissent pas multiplier ainsi leurs gains.


                Sur ma droite, la principale critique contre ce projet serait son coût faramineux, et l'idée que ces propositions seraient prises d’assaut par des millions de personnes en Afrique. Je ne le pense pas. D’abord le coût : en Afrique subsaharienne, un salaire de 300 euros mensuels est un bon niveau de revenu pour une personne, ayant à charge un conjoint et au moins deux enfants. Si la France décidait de consacrer 0,5% de son PIB (soit dix milliards d’euros) à ces subventions, à raison de 3600 euros par an et signataire, on peut allouer cette somme à 2,8 millions de signataires, soit plus de dix millions de personnes si l’on inclut conjoints et enfants. Et sans doute plus encore, car je raisonne ici avec deux enfants par couple, quand la moyenne est de 7 naissances par femmes au Mali, 5 au Sénégal. Mais si l’on étend la mesure au Maghreb, c’est bien la norme de deux enfants qu’il faut prendre. Mais par rapport à une population d’Afrique noire francophone – à l’origine de l’essentiel de l’immigration subsaharienne – de plus de deux cent millions d’habitants, et de 80 millions de maghrébins, ces dix millions paraissent fort peu !

 

                C’est oublier que la migration n’est pas, et ne sera sans doute jamais accessible à la majorité des habitants de ces pays, pour une raison déjà expliquée : le coût du voyage et de l'installation en France pour le migrant et sa famille, que la migration soit légale ou pas. Il y a donc un moyen efficace de réduire le nombre de signataires potentiels sans réduire l’efficacité du dispositif, et qui est tout simplement de réduire l’accès du contrat à ceux qui avaient les moyens d’émigrer. Et concrètement, ça veut dire que l’on fait payer une caution pour avoir le droit de signer. Caution qui sera sans doute plus basse que le coût d’un départ et d’une installation en France. Mais ceux qui n’ont pas les moyens de migrer n’auront pas non plus les moyens de contracter.

 

                On peut trouver ces principes peu poétiques, peu conformes à un idéal égalitariste : un dispositif où le plus riche gagne encore plus, et auquel la majorité la plus pauvre n’a pas accès. C’est oublier que le but de ce plan n’est pas d’entretenir des pays entiers. Et pour les camarades, je citerai Lénine, lorsqu’il disait que le capitalisme n’était un mal que par rapport au socialisme, mais un bien par rapport au féodalisme. Les états d’Afrique noire sont certes entrés dans la mondialisation des échanges, mais pas vraiment dans une société capitaliste développée ; un pays comme l’Algérie reste marqué par une économie féodale et bureaucratique forgée par le FLN. Dans tous ces pays, la montée en puissance –déjà entamée bien avant que j’écrive- d’une classe moyenne de plusieurs millions de personnes, formant une puissance économique capable de contester le pouvoir d’une petite élite richissime, est la principale voie d’accès au développement. Je préfère encore que la France – et d’autres pays d’Europe, partageant les mêmes intérêts que la France, et formant une puissance financière bien plus grande – soutienne le développement de cette classe moyenne au pays même, plutôt que de voir la grande majorité de ces populations rester dans une pauvreté profonde, avec une minorité d’entre eux qui auront changé de continent à grands frais, en espérant faire revenir à leur famille une minorité de ce qu’ils gagnent.

 

Résumé des propositions


                La ligne que je propose est celle d’un libéralisme, au bon sens du terme, quant à l’immigration, libéralisme mis en parallèle avec une recherche d’informations facilitée par la disparition de la clandestinité, et avec une action intelligente pour couper court à la source à l’émigration, en la rendant inutile. Ainsi, plus de centres de rétention administratifs, plus de courses-poursuites entre sans-papiers et policiers, finissant en défenestration pour les premiers. Le principal risque qu’encourrerait une personne venue sans autorisation des consulats français sera d’être repérée par les forces de police, qui aussitôt la régulariseront, …et s’enquerront de savoir si la personne en question était cosignataire d’un contrat de non-migration, auquel cas la régularisation signifierait la perte des gains pour tous. La conclusion critique qu’on pourrait en tirer serait que ce système de contrats introduirait un auto-flicage des habitants des pays de départ. L’idée de flicage me parait excessive, et la question me semble plutôt être : préférez –vous que les africains régulent eux-mêmes leurs migrations, ou que ce soit la police française qui le fasse, sans parler de celles de Kadhafi, Ben Ali ou Mohammed VI, en tant que sous-traitants de la politique de l’immigration de l’Union Européenne ?

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30 septembre 2010 4 30 /09 /septembre /2010 01:27

 

 

A nouveau, un sujet trop long pour être traité en un article. Et surtout, je n’ai pas le temps de le finir cette semaine. Je commence donc par quelques redites pour situer

 

Le contexte


Les lecteurs de ce blog, qui sont restés aussi nombreux en ce mois de Septembre qu’au précédent, ont constaté le désert qui s’est installé ces quatre dernières semaines, qui furent pour moi fort occupées. Les annonces d’articles sur le système de santé français que j’avais faite au début du mois de Juillet sont à reporter jusqu’à nouvel ordre. J’avais cependant annoncé un article sur la question de l’immigration suite à l’article sur la francophonie.

 

L’actualité de l’été a également remué profondément cette question migratoire. Principalement avec la question des expulsions de Roms roumains ou bulgares (et certainement pas des Roms en général, n’en déplaise à certains, et uniquement pour des campements illégaux). Le PCF a participé à la manifestation du 4 Septembre contre « l’état raciste ». Le moins que je puisse dire est que je suis resté réservé sur cette initiative.

 

Il faut tout de même préciser que sur le demi-million de Roms que la France est censée compter, l’immense majorité sont de nationalité française, et donc ne seront jamais inquiétés par les services d’Eric Besson et Brice Hortefeux. Et comme la quasi-totalité d’entre eux (qu’ils soient français, ou de toute autre nationalité sauf roumains ou bulgares, soit plus de 95% d’entre eux) ne tirent pas sur des policiers, ils ne seraient pas non plus concernés par la déchéance de la nationalité pour fait criminels, quand bien même cette loi très probablement anticonstitutionnelle passerait au travers du filtre du Conseil Constitutionnel.

 

Donc la question des Roms est pour le moins marginale, ultramarginale dans la question de l’immigration en général. Je rappelle au lecteur plusieurs articles que j’ai écrit sur ce sujet, l’un en Avril 2007, un autre en Janvier 2010. Le premier donne une position générale sur l’immigration, la légitimité du droit de migrer, le gonflement de certains chiffres sur l’immigration. Le second donne plus de chiffres, des témoignages sur l’immigration en France. Le but de cet article sera de formuler des propositions pour un autre traitement de l’immigration en France.

 

Rappels numériques sur l’immigration


Cette immigration, dans les articles précités, on la chiffrait à environ 200.000 personnes par an selon l’INED, dont un peu plus de 40% sont originaires du continent africain, et 20% de l’Union Européenne, 28% si l’on intègre la Russie, la Suisse et l’ancienne Yougoslavie. Pour schématiser, on peut dire que sur quatorze immigrants légaux entrant en France en 2007, six sont africains, quatre européens, trois asiatiques (en moitié chinois ou turcs), et le dernier vient des Amériques.

 

Projetons-nous sur un siècle : au même rythme, ce ne sont pas moins de vingt millions de personnes qui vont entrer en France. Et ce sans tenir compte 1) de l’immigration clandestine, 2) des descendants de ces immigrés, qui, selon les nationalités, ont un taux de natalité différent de la population française native. Sur ces vingt millions de personnes, quatre à cinq millions seraient européennes, plus de huit millions seraient africaines. Nous recevrions également un million de chinois, sept cent mille turcs.

 

Approfondissement : de quelles immigrations s’agit-il ?


                Dans d’autres statistiques fournies par l’INSEE (Statistiques des flux d’immigration, ici pour 2006 : http://www.ined.fr/fichier/t_telechargement/21970/telechargement_fichier_fr_immigration06.pdf), on trouve plus d’éclaircissements, notamment sur l’âge et les motifs d’admission en France des migrants. Ces données confirment que les immigrants, toutes origines confondues, sont avant tout des gens jeunes, puisque 57% ont entre 20 et 35 ans, et 11% ont moins de 20 ans. Ces proportions varient selon les continents : parmi les européens, 12% des arrivants ont moins de 20 ans, 11% chez les africains, et 8% chez les asiatiques. Les 20-35 ans sont 60% chez les européens, les 57% chez les africains (et nord-africains), et 69% chez les asiatiques. Donc, contrairement à une idée reçue, les migrants venus du continent africain sont relativement moins jeunes que les européens.

 

                Dans la répartition par motifs d’admission, on voit une très nette domination de l’immigration de regroupement familial pour l’Afrique et la Turquie (70% des arrivants en 2006). La décision de mettre fin à l’immigration (légale) de travail dans les années 70 a fait que la seule zone d’où provient réellement une immigration de travail, espace Schengen oblige, est l’Europe.

 

http://img706.imageshack.us/img706/1888/compositionimmigrations.png

 

Source : INED 2007

 

                On remarque aussi que l’immigration asiatique et américaine (je désigne ici l’ensemble des Amériques) est fortement une immigration étudiante, et que les étudiants sont même majoritaires chez les chinois. Sur 38 000 personnes qui entrèrent en France en 2006 pour études (et dont une partie repartira dans les années suivantes), la moitié sont asiatiques –hors Turquie- ou américains, alors que ces continents ne fournissent que 22% de l’immigration en France.  Concernant les africains, l’immigration étudiante concerne quand même un sixième des effectifs, ce qui n’est pas négligeable.

 

Où est le problème ? 1) La question de « l’invasion »


En prenant chaque nationalité isolément, on voit qu’à l’horizon de cent ans à venir, aucun peuple n’est en mesure « d’envahir » notre territoire, aujourd’hui peuplé de 65 millions d’âmes, et sans doute 5 de plus dans quarante ans. Même les algériens (qui sont officiellement 24.000 à rejoindre notre sol chaque année, et donc deux millions quatre cent mille sur cent ans) ne le pourraient. Je sais que la référence à l’invasion choquera mes lecteurs de gauche, mais ne pas traiter ce point serait une forme d’angélisme pour ceux qui, à gauche comme à droite, sont plus critiques vis-à-vis de l’immigration. Pour ce qui est des africains dans leur ensemble, les effectifs de migrants à venir correspondent à ceux de trois régions françaises moyennes (à raison de trois millions de personnes par région) que l’on pourrait peupler ou repeupler sur un siècle avec ces arrivants. Je dis « repeupler », car il ne faut pas oublier d’inclure dans le tableau d’ensemble l’émigration de plusieurs dizaines de milliers de personnes par an, parfois des immigrés rentrant au pays, parfois des natifs issus de plusieurs générations de natifs qui s’expatrient. Si l’on parle des musulmans dans leur ensemble, on ne peut plus prendre la totalité (mais sans doute la majorité) des immigrants africains, auxquels il faut additionner les turcs, les pakistanais, une partie des libanais et des indiens. Soit là encore un gain de plusieurs millions de personnes pour cette communauté, sans compter l’accroissement naturel en France.

 

Ce n’est donc pas le problème de « l’invasion » qui nous préoccupera, puisque, démographiquement, elle n’a pas vraiment les moyens de se faire au niveau de la France. Mais au niveau d’une métropole (Marseille, Lille-Roubaix-Tourcoing, la banlieue Est et Nord de Paris), un changement de population s’est déjà largement opéré et peut s’intensifier. La démographe Michèle Tribalat, dans le livre déjà cité sur ce blog « Les yeux grands fermés », note que les trois quarts des jeunes de Seine-Saint-Denis ont de proches origines étrangères. Elle contredit en revanche l’idée d’une fuite en masse des « blancs » vivant dans ce département et plus généralement dans les banlieues à forte immigration. Mais ce qui est bien réel en revanche, c’est que peu de personnes de types européens s’installent dans ces quartiers. Faute de renouvellement, la population européenne (« blanche ») s’éteint localement et progressivement.

 

Où est le problème ? 2) La balkanisation du territoire, ethnique, démographique mais surtout sociale


                C’est une banalité que de dire que la composition ethnique des départements français a été largement contrastée par l’immigration, et que l’on a des régions à fort peuplement immigré et d’autres qui ne le sont pas. En oubliant deux points : immigré ne signifie pas nécessairement « africain » ou « asiatique » comme on l’a vu plus haut. Parmi les départements à fort peuplement immigré, on devrait aussi compter les départements du Sud-Ouest qui accueillent des retraités venus de nos voisins du Nord. Le second point est qu’aucune nationalité ne réunit à elle seule la majorité de l’immigration, même parmi les africains. On peut éventuellement parler de quartiers « arabes » (en évacuant le clivage arabe / berbère), mais parler de quartiers « noirs » ne signifierait rien sur le plan d’une conscience nationale ou identitaire qu’auraient ses habitants.

 

                Mais cette identité propre aux immigrés africains présents en France, certains essaient de la construire. Après tout, n’est-ce pas en tablant sur cette « conscience immigrée postcoloniale » que Houria Bouteldja menaçait les « blancs » français de ne plus pouvoir entrer dans les quartiers immigrés, dans une de ses élucubrations de 2006 ? Le problème est qu’entre temps cette personne n’est pas restée isolée, puisque son mouvement s’est constitué en parti, le PIR qui soit.

 

         De façon bien plus immédiate et préoccupante, cette balkanisation ethnique est aussi sociale et démographique : natalité différente entre européens et immigrés africains ou moyen-orientaux, plus grande jeunesse des seconds, et plus grande pauvreté aussi. D’où une situation financière plus que délicate des villes de la ceinture parisienne Est et Nord, cumulant de forts coûts sociaux liés à l’enfance, la jeunesse, le logement social, la promotion de l’emploi, la sécurité, et de faibles recettes fiscales. La ville de Sevran en a fait les frais récemment.

 

                Je me souviendrai longtemps de cette « une » de l’Humanité, en pleines émeutes de Novembre 2005, qui titrait «Assez de violences ! La banlieue veut les moyens de mieux vivre ! ». Le socialisme scientifique de l’Huma avait encore frappé. Alors que les évènements étaient encore en cours, le journal s’autorisait à conclure que le « soulèvement » était principalement (et même uniquement) dû à la pauvreté  - une attitude vraiment scientifique aurait été de relever les faits et de comparer niveaux de pauvreté et niveau de violence commune par commune, quartiers par quartiers. Mais surtout, la solution était toute trouvée : « Plus de moyens pour la banlieue ! »

 

                Il est normal et tout à fait louable qu’un quotidien communiste dénonce l’inégalité d’investissement de l’Etat pour les services publics entre les différentes communes, les différents départements. Il est juste de dénoncer le prélèvement de la fiscalité locale au niveau communal, que des villes comme Neuilly-sur-Seine, Courbevoie ou Puteaux tirent profit des entreprises présentes sur leur sol alors que ces entreprises exploitent des travailleurs résidant dans des communes bien plus pauvres. Et par exemple, de réclamer une redistribution inter-villes, ou un prélèvement au niveau du bassin d’emplois. Mais ce n’est pas pour autant qu’il faut valider le « modèle » urbain qu’une immigration de masse hâtivement gérée a contribué à créer. Et la question n’est pas tellement de savoir s’il faut plus de moyens pour la banlieue (immigrée) que de la défaire et de redistribuer sa population.

 

Où est le problème ? 3) Les immigrés eux-mêmes, souvent, ne veulent pas venir…


                Dans l’article de Janvier 2010 sur l’immigration, je citais plusieurs témoignages d’immigrants, dont trois africains (ghanéen, malien, comorienne). Dans les trois cas, même si l’un n’est pas dramatique (celui du migrant malien), la migration n’est pas souhaitée en tant que telle. C’est là encore une banalité : l’immigration, lorsqu’elle vient des continents africain, sud-américain ou asiatique, se fait principalement sous la pression de la misère.

 

Mais ce n’est que partiellement vrai. La pression des conflits, de l’insécurité politique est également majeure, et a joué pleinement pour les ressortissants algériens des années 90. Comme je l’expliquais en 2007, puisque l’émigration coûte cher, les migrants venus de pays pauvres sont parmi les moins pauvres de leurs compatriotes, avaient souvent un emploi et des revenus. Certains sont très dignement diplômés – tels les médecins formés en Afrique, qui choisissent souvent l’émigration. Et au final, si la pauvreté et la violence ont déplacé des millions de personnes en Afrique, une minorité seulement (5% ou moins) a traversé la Méditerranée.

 

                Il faut donc distinguer plusieurs courants de migrations de travail (légale ou clandestine):

 

- La migration sous le fait de la pauvreté, dans le cas d’une personne relativement peu formée, et qui est envoyée par sa famille avec l’épargne de celle-ci dans un autre pays d’où il pourra transférer ses revenus ;

 

- La migration de travailleurs qualifiés, qui pourraient dans l’absolu exercer dans leur pays d’origine ou de formation, mais n’ont aucun intérêt à le faire vu les opportunités existant dans des pays plus riches ;

 

- La migration pour cause politique, de guerre, en attendant l’amplification des migrations de « réfugiés climatiques » qu’on nous annonce pour le siècle qui s’ouvre.

 

Pour les migrants eux-mêmes, le déplacement est une charge dont ils se seraient bien passés, une charge financière, mais aussi vitale, puisque le risque de mort est présent dans le cas de la migration clandestine, une charge sur la vie personnelle et familiale. Nul doute que s’il existait pour eux un moyen d’obtenir les gains financiers sans ces inconvénients, très peu viendraient pour honorer la beauté du mélange des peuples…

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30 août 2010 1 30 /08 /août /2010 23:53

                Logo de l'Organisation Internationale de la Francophonie

 

                  Voici encore un article qui ne se situe pas tout à fait dans le courant des luttes sociales de l’heure, mais les lecteurs savent que dans ce blog rien n’est en temps réel. Je fais encore un article dans la catégorie « Nation », pour traiter ce qui me semble crucial dans l’existence même de la nation française, sa langue. La décision m’en est venue en lisant cet article de Frédéric Martel Paru dans Le Point (http://www.lepoint.fr/culture/francais-pour-exister-parlez-english-08-07-2010-1212478_3.php ), et auquel le linguiste Claude Hagège avait déjà répondu dans un article cité sur le site du Comité Valmy (http://www.comite-valmy.org/spip.php?article792 ). Mais l’argumentaire de Hagège n’est pas tout à fait le mien. Et par la même occasion, je réponds à un autre article, paru en Mars 2009 celui-là, le fameux article anti-francophone du militant régionaliste breton Damien Perrotin publié sur Agoravox (http://www.damienperrotin.com/francophonie.html ).

                Le discours de Martel comme de Perrotin ressemble à celui de tous les anglophiles de base : l’anglais est la langue mondiale, on n’y peut rien, seuls la France et le Québec parlent français, et il faut s’y conformer à moins de faire preuve d’un sentimentalisme chauvin déplacé, c’est la langue de l’Europe (confondue avec l’Union Européenne qu’on ne peut nullement remettre en cause). Et en plus de cela, même si c’est davantage marqué dans le texte de Perrotin que dans celui de Martel, il faut en plus contester l’hypocrisie de la défense du français alors que les mêmes défenseurs de la francophonie (ou du moins ceux assimilés comme tels) ignoreraient le sort des langues régionales de France. Dans le texte de Perrotin, cela va jusqu’à se féliciter de la mort de la francophonie.

                Le présent article se veut un barrage radical contre ce discours apparemment réaliste mais pleinement idéologique qu’est l’apologie de l’anglais comme « langue mondiale », et comme « fin de l’Histoire » linguistique. Et ce non pas sur l’argumentaire de la « diversité culturelle », de la beauté de la langue illustrée par la Pléïade, mais bien dans un esprit pragmatique, et factuel. Commençons donc la destruction des mythes qui servent d’artillerie lourde aux partisans du « globish ».

Les mythes anti-francophones

"Le monde francophone est démographiquement marginal"     

Il est vrai qu’actuellement, les bases démographiques du français sont précaires : 71 millions de personnes le parlent en tant que première langue en Europe (65 millions de français –outremer inclus-, 4 millions de belges, 2 millions de suisses), et ils sont environ 10 millions en Amérique du Nord (8 millions au Canada, 1 à 2 millions aux USA). Je ne compte pas Haïti dans le total américain. Cela peut faire faible si l’on reprend le décompte des locuteurs en première langue des autres grandes langues : un milliard et plus pour le mandarin, six cent millions pour l’hindi, plus de quatre cent millions pour l’espagnol et pour l’anglais. Ce score de 80 millions nous place également derrière le portugais, le japonais ou l’allemand.

                Mais le tableau est très nettement modifié si l’on prend en compte les locuteurs en seconde langue, et plus généralement tous ceux qui vivent dans des pays où le français est langue officielle. En intégrant la France et les canadiens francophones (8 millions comme précité) , plus de 300 millions de personnes ; selon les projections de l’ONU, ils seront 400 millions en 2025, et 540 millions en 2050, soit 6% d’une humanité qui comptera 9 milliards d’habitants, ce qui est un chiffre considérable. Et je n’ai pas compté dans ce chiffre les pays ayant un usage partiel du français, par exemple les pays du Maghreb où le français n’est plus officiel, ou Madagascar où l’anglais et le français sont officiels depuis 2007. Ces quatre pays réuniront 130 millions d’habitants en 2025, et 160 millions en 2050. Je n’ai pas non plus compté des pays tels que la Pologne, la Roumanie ou l’Arménie qui sont observateurs dans l’Organisation Internationale de la Francophonie, alors que le français y est au mieux enseigné à une minorité d’élèves du second cycle.

Le total que j’ai donné pour la francophonie est bien sûr très nettement moins élevé que l’ensemble des pays ayant l’anglais comme langue officielle, qui compteront plus de 3 milliards d’habitants en 2025, soit 40 % de l’humanité, mais dont le sixième seulement sera composé de gens ayant l’anglais pour première langue, soit la même proportion que pour la francophonie. Bien sûr, il est tentant, et c’est ce que font tant ceux qui méprisent la francophonie que ceux qui se complaisent à pleurer le déclin de la France, de balayer d’un revers de main la francophonie sur le continent africain. C’est fort tentant en effet : les habitants de l’Afrique francophone utilisent nettement plus les langues autochtones que le français, ils utilisent principalement cette langue pour le contact avec l’administration, dans les études secondaires et supérieures…La langue française est celle d’une « élite » comme dit Perrotin…Mais ce fait ne condamne nullement le français dans ces pays. D’abord parce que ce qui est propre à une élite peut se démocratiser (comme la Sécurité Sociale, elle aussi l’apanage d’une élite en Afrique…). Et ensuite parce que le fait de ne parler français qu’une minorité de son temps ne fait pas moins de vous un francophone. A titre personnel, je me considérerais tout à fait comme anglophone si je devais parler en anglais ne serait-ce que 10% de mon temps. Or, n’en déplaise à ceux qui clament que l’on ne peut survivre sans l’anglais, il n’y a sans doute pas un jour complet par an où j’ai réellement besoin d’utiliser la langue anglaise, et c’est le cas de la plupart de mes connaissances. Je lis l’anglais, mais suis à peine capable de suivre une émission de la BBC. A l’inverse, en Afrique francophone, pour ceux qui ont pu suivre des études jusqu’au secondaire, la connaissance du français est plus utile que ne l’est l’anglais pour moi : alors qu’il n’y a pas, en France, de grands périodiques s’adressant au public français en anglais, il y a nombre de journaux (et sites) africains s’adressant aux africains en français. Et le français reste une langue majeure du débat politique en Afrique, du moins lorsque le débat est autorisé. Et il ne faut surtout pas oublier un « détail », l’Afrique francophone est une zone « en développement », la scolarisation de sa jeunesse, l’accession aux études secondaires et supérieures, est très loin d’être achevée. Le potentiel de progression du français y est donc énorme.

Rappelons pour finir que l’Organisation Internationale de la Francophonie estime à 160 millions le nombre de francophones dans le monde, dont la moitié (79 millions) sur le continent africain. Il s’agit d’une base absolument non négligeable. N’en déplaise aux anglophiles, l’abandon du français par les pays d’Afrique francophone ne serait pas une décision sans coût : il faudrait revenir sur cinquante ans d’enseignement du français depuis 1960, sans compter celui effectué sous le colonialisme. Aujourd’hui, l’Afrique forme des étudiants et des universitaires francophones en nombre, et elle ne peut que progresser. Que ces diplômés ou futurs diplômés soient également anglophones ne change  rien à l’affaire, et ce multilinguisme est plutôt à l’avantage des intéressés.

"Le français régresse"

Le français, future langue morte ? L’antienne est populaire. Les textes législatifs, judiciaires européens ou de la Commission européenne sont de plus en plus souvent anglophones, comme ceux des Nations Unies, comme ceux du Comité International Olympique, pourtant fondé à l’initiative de Pierre de Coubertin, les néologismes anglophones semblent envahir le langage des internautes et de la jeunesse…Que de symboles. Mais qui restent des symboles. Selon l'Organisation Internationale de la Francophonie, le français a vu le nombre de ses locuteurs progresser de quinze millions en vingt ans, essentiellement en Afrique. Pour beaucoup de langues (l’allemand, le portugais ou le japonais par exemple)  on ne peut en dire autant. Quant à l’apprentissage du français en dehors des pays francophones, lorsqu’on dispose des chiffres, il n’y a pas lieu de s’en tenir au catastrophisme. Selon Eurostat, le français était étudié par 15% des élèves de second cycle de l’Union Européenne en 1998, puis 18% en 2003, et 22% en 2007 (cf. http://epp.eurostat.ec.europa.eu/tgm/table.do?tab=table&init=1&language=fr&pcode=tps00058&plugin=1 ). Dans nombre de pays, l’enseignement du français est stable ou croissant à long terme (Italie, Espagne, Pays-Bas, Roumanie). Des régressions sont notées en Allemagne ou au Royaume-Uni, mais des rebonds sont toujours possibles (comme en Allemagne de 2002 à 2005). Notons que le chiffre global donné par Eurostat au français (22%) est quasiment le même que celui attribué à l’allemand. Et la faiblesse de l’apprentissage du français en Allemagne (plus ou moins 30% des élèves de second cycle apprennent le français) est à relier avec le déclin de la germanophonie en France, dont nous reparlerons…

En ce qui concerne les études universitaires, certaines « mauvaises nouvelles » ne sont pas si terrifiantes si on les interprète rationnellement : le fait que de plus en plus d’étudiants africains choisissent –s’ils en obtiennent les moyens- d’effectuer leurs années de césure ou la continuation de leurs études dans des universités américaines plutôt que françaises ne doit pas être vu comme une régression de la francophonie. Mais plutôt comme un signe du développement de l’Afrique francophone, qui donne davantage d’opportunités à ses étudiants pour étudier à l’étranger. Et comme les universités américaines sont nettement plus nombreuses que les françaises, il est statistiquement normal que leur part dans les choix des étudiants africains progresse. En même temps, faire une partie de ses études en anglais n’oblige nullement à oublier le français appris lors des études secondaires. De même, en France, la proposition de cursus en anglais faites par certains directeurs d’établissements (tels Richard Descoings, patron de Sciences Po Paris) n’est que partiellement scandaleuse. On peut tout à fait s’énerver de ce que des établissements décident de se rebaptiser en anglais (avec des « Schools of Economics » ou « Business School » au lieu d’ « Ecole de Commerce ») alors qu’une traduction du nom français sur les sites Internet et dans les publications suffirait. Ou encore de ce que l’on propose des cursus d’études entièrement en anglais. Mais on ne peut décemment prétendre achever des études supérieures sans être multilingue. Le fait que certains cours soient dispensés dans une autre langue que le français (mais pas forcément l’anglais) est en soi tout à fait rationnel.

"Le français ne sert à rien"

                Il est probable que Perrotin ait raison de considérer que le philippin de base n’a aucun intérêt à apprendre le français, tout comme le mongol ou le bolivien. Mais en revanche, pour ce qui est de l’Afrique francophone, le français a au moins un intérêt. Pas forcément celui de communiquer avec la France, qui n’est certes qu’un pays d’Europe, et pas le plus dynamique. Mais tout simplement pour communiquer entre eux. Sur 17 pays d’Afrique ayant le français pour langue officielle, seuls 5 ont une langue nationale africaine qui unifie le pays : le Sénégal (où la majorité de la population parle le wolof), le Mali (avec le bambara), le Burundi (avec le Kirundi), et Madagascar (avec le Malgache). On peut ajouter Djibouti (où l’afar et l’arabe peuvent aussi relier les 800.000 habitants). Pour les autres pays, aucune langue ne regroupe toute la population. Il y a bien des langues qui traversent les frontières, telles que le dioula, parlé au Burkina Faso et en Côte d’Ivoire. Et il n’y a pas de langue qui réunisse l’ensemble des pays de l’Afrique occidentale, centrale (pas même le swahili) ou australe…Seule l’Afrique du Nord a l’arabe comme lien linguistique, et encore, à condition qu’il s’agisse de l’arabe littéraire (l’arabe usité en Algérie n’est pas le même que l’arabe égyptien ou syrien, et ces langues ne sont pas intelligibles entre elles pour qui ne connait pas l’arabe littéraire).

                En revanche, l’utilité de parler français pour communiquer avec la France, la Belgique ou la Suisse est effectivement précaire, et ne peut que le devenir de plus en plus au fur et à mesure que l’Afrique croîtra en population et par son économie. Aussi, la nécessité d’élargir la base européenne du français, tant dans l’intérêt des francophones d’Europe que de ceux d’Afrique, devrait être une préoccupation du gouvernement français.

"La francophonie est un impérialisme"

                Claude Hagège a bien raison de considérer cette accusation comme une rengaine usée. Et surtout très discutable au regard des faits. N’oublions pas que, parmi les anciennes colonies de la France, plusieurs ont momentanément choisi d’abandonner la langue française, du moins en tant que langue officielle. Ce fut le cas de la Guinée après 1958, qui a rétabli le français par la suite. Ce fut aussi le cas du Rwanda, sans doute définitivement, en 2008. Mais il est vrai que le contexte historique et diplomatique opposant le Rwanda et la France est très particulier. Je conseille à mes lecteurs de lire mon article sur l’implication française dans le génocide rwandais pour plus de détails. La victoire du Front Patriotique Rwandais en 1994 fut celle d’un mouvement dirigé par des anglophones, au premier rang desquels Paul Kagame. L’abandon du français fut le prolongement d’une rupture diplomatique survenue en 2006. Mais surtout, il faut compter les pays du Maghreb, de la Tunisie à la Mauritanie, qui ont remplacé le français par l’arabe, même si le français continue d’être couramment employé dans l’enseignement secondaire et supérieur. Un pays comme Madagascar a ajouté l’anglais à ses langues officielles (malgache et français) en 2007. Des fantaisies ont eu lieu, telles que l’instauration du français comme langue co- officielle dans l’immense Nigéria, où il n’y a quasiment pas de francophones, par le dictateur Sani Abacha en 1998, ce qui fut abrogé peu de temps après. Dans les pays de l’ancienne Indochine, le français a quasiment disparu, supplanté par l’anglais au Cambodge (où les khmers rouges avaient massacré les francophones), rejeté au Vietnam (qui a déjà sa langue nationale et pas de voisins francophones), et le Laos n’a gardé que le lao comme langue officielle.

                Même si la France tente d’exercer une influence pour maintenir le français (la DGSE aurait contribué à maintenir le français comme langue officielle en République Démocratique du Congo sous Joseph Kabila, chef d'état pourtant anglophone), force est de constater que « l’impérialisme » francophone est d’une efficacité assez limitée, et qu’il existe une réelle marge de liberté pour des pays qui souhaiteraient abandonner le français ou adopter l’anglais. Ces pays auraient peu de chances de voire débarquer les canonnières françaises pour autant. On a bien pu dire, dans les rangs du FPR, que le génocide rwandais avait été commis « au nom de la francophonie » (les tutsis étant supposés pro-anglophones), cela ne résiste pas à l’examen. Si le génocide de 1994 avait eu pour but premier de défendre la francophonie (dans un pays où elle était de toute façon faible), alors pourquoi les tutsis francophones n’ont-ils pas échappé aux massacres ?

"L’anglais est la langue mondiale"

                 Il n’y a pas de langue mondiale, et de toute façon, on n’en a pas besoin. Actuellement, si l’on s’en tient aux calculs  de David Crystal, un milliard de personnes connaissent actuellement l’anglais, si l’on inclut ceux qui l’ont appris quelque soit le pays (dont un quart des français, y compris de mauvais anglophones tels que votre serviteur). Un être humain sur six est anglophone, et même si cette fraction va sans aucun doute progresser, rien n’oblige à ce que l’anglais s’impose partout dans la communication réelle. S’il est probable que plus de trois milliards de personnes vivront dans des pays où l’anglais est langue officielle en 2025, la plupart, comme dans l’aire francophone, parleront en premier lieu d’autres langues, à commencer par l’hindi ou l’ourdou, ou encore le bengali, en Inde, Pakistan ou Bangladesh. En Inde d’ailleurs, la moitié de la population parle hindi, langue du nord de l’Inde, qui fait davantage figure de langue nationale, et aurait dû le devenir après l’indépendance si les états du Sud de l’Inde ne s’y étaient opposés, maintenant l’anglais. Même sur Internet, l’information est de plus en plus accessible via d’autres langues (français, chinois, arabe, japonais, allemand…). Les discours sur l’inéluctabilité de l’anglais adoptent le point de vue d’une minorité d’êtres humains qui participent aux échanges commerciaux internationaux, aux colloques scientifiques, ou lisent des articles dans des revues qui pourraient être traduites, ou sont amenés à de fréquents déplacements dans de nombreux pays. Bref, une minorité de l’humanité. 3% seulement des êtres humains vivent dans un pays autre que celui de leur naissance, et la plupart d’entre eux n’ont résidé que dans un ou deux autres pays que leur pays d’origine.

                Ce dont ont réellement besoin les êtres humains, c’est de connaître la langue de leur pays, plus une ou deux langues de pays voisins, avec parmi ces langues une grande langue régionale lui donnant accès à la traduction des informations venant du monde entier. L’hindi, le swahili, le malais ou indonésien, le russe ou l’espagnol peuvent très bien remplir ces conditions. Le français n’a aucune raison d’y manquer.

"L’anglais est la langue de l’Europe"

                Il faut déjà se garder de confondre la langue de l’Union Européenne et celles des européens. Si l’apprentissage de l’anglais par les élèves de second cycle dans les 27 pays de l’Union atteint la proportion de 83% en 2007 (soit près de quatre fois plus que le français ou l’allemand), ça n’en fait pas la langue réelle des européens. Nous avons beau avoir 99% de nos élèves qui étudient, en première ou seconde langue vivante, la langue de Shakespeare, il n’en reste qu’un quart des français se déclarent capables de parler anglais selon Crystal. Selon le rapport 2006 de la Commission Européenne sur l’Education et la Culture, si 52% des habitants de l’Union sont capables d’avoir une conversation en anglais, 13% l’ont comme langue maternelle. C’est moins que l’allemand (18%, et 32% avec les germanophones en seconde langue), et pas plus que le français (respectivement à 13 et 26%). Dans la réalité, être la langue réelle de l’Europe continentale serait un rôle bien plus taillé pour l’allemand, que plus de la moitié des élèves de second cycle apprennent en Europe Centrale (80% en Slovénie et Slovaquie, 70% en République Tchèque, 60% en Pologne, 50% en Hongrie), aux Pays-Bas et au Danemark. Le principal obstacle qui se pose à l’allemand est que les français et plus encore les italiens l’apprennent peu. Si une véritable appropriation de l’allemand comme seconde langue se produisait à l’Ouest du Rhin comme au Sud des Alpes, l’allemand deviendrait véritablement la langue de l’Europe continentale, avec un avantage immense sur l’anglais d’être une langue réellement pratiquée au jour le jour, dans plusieurs pays situés au centre du continent, et par de solides économies exportatrices.

                A l’Est, le russe, largement appris comme seconde langue en Ukraine et Biélorussie, et disposant toujours de fortes minorités dans les pays baltes, couvre une aire de 200 millions de personnes, sans compter l’Asie Centrale. Ce qui équivaut à pas moins de 40% de la population de l’Union Européenne.

"Reconnaître l’hégémonie de l’anglais découle d’un simple constat"

                Abordons un point essentiel de notre défense de la francophonie : l’opposition factice entre anglophiles « réalistes » et francophonistes « sentimentalistes », « aigris », raccrochés sur le passé, etc… L’imposition de l’anglais n’est pas une évidence pragmatique, mais une prétention idéologique. Dissipons un malentendu : il ne s’agit pas de dire que l’anglais en soi serait idéologiquement connoté. Il ne s’agit pas de prétendre que l’anglais serait par exemple lié viscéralement au libéralisme économique. Ce serait même un contresens historique, alors que, de Condorcet à Bastiat, de Say à Turgot, les premiers grands penseurs du libéralisme moderne furent français et francophones ! Non, si j’invoque l’idéologie, c’est pour caractériser le raisonnement qui pousse au tout-anglais. Ce serait une nécessité pour « l’international », pense-t-on, cumulant derrière ce mot tant des déplacements touristiques que des relations professionnelles. Même si beaucoup d’européens (un tiers selon les sondages de la Commission Européenne) estiment qu’il est important de connaître des langues étrangères pour être capable de travailler à l’étranger, seule une petite minorité d’entre eux s’expatrieront réellement. Et le terme « international » n’a pas de sens pour justifier le recours systématique à l’anglais, puisque la majorité des nations du monde ne l’utilisent pas comme première langue. "Mais tu ne vas pas apprendre toutes les langues d’Europe", répondent les anglophiles ! Que tout le monde utilise l’anglais est bien plus pratique, en apparence…

Mais tout est dans le « tu ». Le raisonnement est purement individualiste. Le raisonnement qui impose l’anglophonie est le suivant : vous êtes parachuté seul, sans savoir où, quelque part sur Terre. Quelle langue avez-vous intérêt à connaître ? Statistiquement, l’anglais. Sauf que la réalité n’est pas ainsi. Et même pas du tout. La réalité, c’est le travail en collectif. Dans une entreprise qui travaille avec des partenaires étrangers, il y aura rarement un seul collaborateur, mais une équipe. Si l’on communique avec des allemands, quel est l’intérêt de leur parler en anglais, si l’un des membres de l’équipe française est germanophone ? Au contraire, s’adresser à des étrangers dans leur langue est le meilleur moyen de progresser, ne serait-ce que parce que les étrangers parlant dans leur langue seront plus libres d’utiliser des concepts élaborés qu’en utilisant une tierce langue que les deux interlocuteurs n’utilisent pas au jour le jour, comme l’anglais.

Que les français deviennent tous réellement bilingues ou trilingues est bien sûr une nécessité. Mais il n’y a aucune raison que ce bilinguisme se fasse forcément en anglais. Au contraire, nous devons collectivement miser sur des bilinguismes multiples, afin d’avoir le plus souvent possible autour de nous des compatriotes germanophones, italophones, arabophones ou hispanophones. Même pour la lecture de documents scientifiques, techniques et commerciaux en « globish », une minorité d’anglophones suffit. La synergie des compétences entre français fera le reste.

Je me permettrais de supposer qu’en matière de multilinguisme intelligent, l’expansion de l’espagnol parmi les choix d’études en langues vivantes dans les collèges et lycées français n’est pas forcément une bonne chose. L’espagnol bénéficie d’un préjugé positif de par le nombre total de ses locuteurs dans le monde (450 millions). Mais la grande majorité de ces peuples vivent à des milliers de kilomètres de nous, et ne sont pas nos principaux partenaires économiques. Pour un français de métropole, la langue de Cervantès n’est en réalité pas plus utile que l’arabe, et sans doute moins que l’italien. Cette libéralité accordée à l’espagnol a renforcé l’idée que l’on apprenait une langue pour se faire plaisir, pour voyager, parce que le nombre total de gens qui la parlent est élevé, même s’ils sont aux antipodes…alors qu’un pragmatisme réel aurait dû nous conduire à nous intéresser à nos voisins réels, qui habitent à Stuttgart ou à Turin, plus qu’à Mexico ou Washington.

"La francophonie est hypocrite envers les langues régionales"

                Il y a quelque chose de vrai dans la dénonciation de la défense de la francophonie au nom de la «diversité culturelle », quand les partisans de la francophonie ne s’empressent pas de secourir le breton, le corse ou le basque. Ceci dit, l’incohérence des positions peut aussi être reprochée aux critiques tels que Damien Perrotin, qui dénigre la francophonie à la fois parce qu’elle a manqué sa course à la domination du monde (pour Perrotin, la cause du français face à l’anglais est perdue depuis deux siècles, soit depuis la perte de Québec en 1759 ou depuis Waterloo), et parce que le français a « écrasé » les langues régionales (même si, pour ma part, je refuse catégoriquement l’idée selon laquelle la République Française aurait éradiqué les langues régionales : elles ont été abandonnées par leurs locuteurs en réalité). Donc le français est moisi à la fois parce qu’il a été impéraliste, et parce qu’il ne l’a pas assez été.

                D’une manière générale, la position des certains régionalistes vis-à-vis de l’anglais n’étonnent guère, entre fascination pour la « langue mondiale », et alliance pragmatique en vue de détruire le français « oppresseur »…Je m’autorise un Godwin : ce n’est pas sans rappeler les cas de militants bretons cachant des armes en 1939, attendant que les Panzers viennent les libérer de la République jacobine…

                Si les militants de la francophonie veulent adopter une défense cohérente, alors ils doivent renoncer à l’argument de la « diversité culturelle ». En effet, la diversité des langues ne doit pas être défendue au nom de sabeauté soi-disant intrinsèque. Plusieurs milliers de langues sont menacées de disparition dans le monde ? Et bien tant pis, cela fera du travail pour les paléolinguistes. De toute façon, de la diversité linguistique, il s’en recrée en permanence dans les argots, les néologismes techniques ou non, dans les divers créoles ou pidgins que les différentes étapes de la mondialisation (dont le colonialisme) ont engendrés.

La diversité des grandes langues (c’est-à-dire celles qui ont plusieurs millions ou dizaines de millions de locuteurs, pas quelques centaines ou milliers) doit être défendue au nom du pragmatisme. En effet, posons-nous une question naïve : à quoi sert une langue ? Un peu comme une porte qui sert à la fois à faire entrer des gens et à les bloquer, une langue sert à la fois à communiquer…et à ne pas être compris. La langue est un instrument de souveraineté, qui permet d’unifier un territoire et de permettre le débat politique, les échanges économiques et culturels, et aussi de rendre plus efficace la machine militaire. Mais il est justement également important que tout le monde ne parle pas votre langue. Si toutes les nations voisines ont la même langue que vous, alors, en cas de conflit armé, chaque citoyen d’un pays ennemi peut rapidement devenir un espion. Il y aura certes toujours des espions professionnels parfaitement polyglottes, mais l’espionnage sera ici un risque bien plus massif. Sans aller jusqu’à la guerre, l’absence de barrières linguistiques entre nations, c’est aussi le risque qu’en cas de montée soudaine du chômage dans notre pays, notre population subisse une hémorragie due à l’émigration vers des contrées plus prospères. Bien sûr, ces migrations économiques finiront toujours par se produire si les écarts de taux de chômage perdurent, mais le monolinguisme mondial dont rêvent les anglolâtres le faciliterait grandement.

Même le fait d’accepter l’anglais comme langue mondiale, sans pour autant supprimer les autres langues, revient déjà à concéder aux anglophones un avantage sur tous les autres. Un texte produit par un américain ou un anglais est immédiatement transmissible à l’ensemble de la planète, tandis qu’un français qui couche ses idées sur le papier ou l’écran doit choisir entre s’adresser aux francophones ou au reste du monde. Il se crée alors un « filtre à idées » dont seuls les anglophones de naissance sont exonérés. Il est possible d’empêcher cela en permettant à des millions de gens de vivre sans avoir une maîtrise réelle de l’anglais. On peut y arriver par un multilinguisme intelligent et en coordonnant les compétences linguistiques comme nous l’avons vu plus haut. Mais nous n’en avons pas encore pris le chemin.

La défense du français, loin d’être un combat d’arrière-garde, une distraction pour chauvins pendant les dimanches pluvieux, conditionne l’existence future de la France. Une France devenue anglophone dans une Europe anglophone n’a en soi plus aucun intérêt à exister, puisqu’elle n’aurait plus ni unité ni barrières distinctives du reste du continent. Signer l’arrêt de mort de la France ne relève d’aucune nécessité, alors que sa langue a, comme nous l’avons vu, encore beaucoup de cartes à jouer en ce monde.

A l’inverse, la défense du breton, du basque ou de l’occitan revient à défendre des « nations » (terme qui n’a jamais convenu pour l’Occitanie) dont la partie s’est arrêtée depuis des siècles. Le français est l’incarnation de notre puissance nationale, qui, même relativement réduite, peut se retrouver fort utile pour défendre une nation révolutionnaire. Le combat politique pour les langues régionales est une fuite vers la faiblesse, une dispersion inutile de forces militantes.

 

Conclusion : pour défendre le français, parlons allemand, italien, arabe…

Le français ne gagnera pas seul sa lutte pour sa survie. C’est l’oubli de cette évidence qui génère la résignation face à la domination anglophone. La francophonie est pourtant à l’aube d’un siècle qui pourrait être exceptionnel pour elle, avec un possible doublement voire triplement de ses effectifs. A moins qu’une fois de plus, nos élites ne choisissent la défaite. Contre l’empire européen et sa prétendue « diversité », avec 23 langues officielles quand une petite minorité d’européens sont trilingues, nous pourrions défendre une véritable intégration culturelle librement consentie en mariant la langue de Molière avec celles de Dante et de Goethe. Un espace considérable de 200 millions d’européens, sur trois nations, bilingues dans au moins deux des trois langues, qui pourront être entendues de Brest à Palerme et à Hambourg, renforcera nettement la diffusion de l’allemand vers l’Est et du français en Afrique, et la survie de l’italien. Il faudra aussi changer radicalement les relations de la France avec ses anciennes colonies, mettre fin aux basses œuvres de la Francafrique, si l’on ne veut que le cas rwandais ne se reproduise pas. C’est d’une manière générale l’ensemble de notre politique migratoire qui est en cause, et qui fera l’objet d’un prochain article.

 

 

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21 juillet 2010 3 21 /07 /juillet /2010 12:00

Puisque cet article évoque largement le journal Riposte Laïque, je ferai remarquer au lecteur que ce journal figure toujours dans les liens de ce blog, mais avec une tournure différente, puisqu’ils m’apparaissent désormais comme un « coq gaulois monomaniaque qui court sans tête » et dont je ne sais combien de temps durera sa course avant la chute. Mais je suis un mauvais pronostiqueur. Contrairement à d’autres, je ne fais pas de « mea culpa » sur le fait d’avoir mentionné ce site, car je ne les considère toujours pas comme une bête immonde, seulement comme un phénomène (de foire) assez déprimant du Net. Et que je ne reviens pas sur le fait que certaines de leurs positions (la défense du droit à la critique de l’Islam en tant qu’idéologie) me semblent justes. Mais leurs prestations ne méritent plus que l’amusement voire le mépris.

 

Je rappelle à mes lecteurs que je ne fais pas dans "l'actualité", mais que j'essaie  toujours d'écrire avec du recul.

Il y a un mois, « l’apéritif géant saucisson-pinard » organisé par Riposte Laïque et les Identitaires était interdit par la préfecture de Paris.

En soi, cette manifestation était un pur non-évènement. Un apéro-géant parmi d’autres organisés via Facebook. A la différence que celui-ci était « exclusif » et « discriminatoire ». Parce que l’objectif dudit rassemblement était précisément de déguster ce que les musulmans s’interdisent (le porc et l’alcool). Les grands logiciens qui se sont scandalisés ont donc oublié qu’un apéritif porc-alcool ne signifie pas qu’on n’y trouvera QUE du porc et de l’alcool. Il est donc possible qu’un musulman vienne taper la causette dans un apéro de ce style, en amenant simplement son propre menu. Et qu’inversement, nul n’a jamais songé à interdire un concert de raï parce qu’il excluait les non-amateurs de musique maghrébine.

Quant à l’interdiction prononcée par la préfecture, elle est assez consternante. Le fait qu’une mouvance qualifiée d’extrême-droite (les Identitaires) fasse partie des organisateurs ne justifie en rien une interdiction : le Bloc Identitaire est une organisation légale, ils ont le droit de parader comme le FN chaque premier Mai (mais il est vrai que certains élus de gauche ont un problème avec les libertés démocratiques quand elles concernent leurs adversaires (1)). L’interdiction s’appuyait aussi sur le risque que cette manifestation ne fasse l’objet d’assauts et d’émeutes – alors qu’aucun des organisateurs, même les Identitaires, ne menaçaient d’une quelconque violence. Il faut dire que le 18 Juin tombait le jour du match Algérie-Angleterre dans le Mondial sud-africain. Et qu’une éventuelle déconvenue algérienne aurait pu pousser des fellaghas du ballon rond à se défouler sur les nazis mangeurs de halouf. En bref, cette manifestation fut interdite non pas parce qu’elle aurait été en soi violente, mais parce que des gens la menaçaient. Belle prime à la menace.

Passons à l’apéro lui-même. Le prétexte invoqué par les organisateurs était de rappeler une présence « gauloise » dans un arrondissement (le 18ème) où une rue (la rue Myrha) est occupée le Vendredi par des musulmans en prière.

Cette manifestation n’aurait dû déclencher aucun intérêt. Les musulmans de l’arrondissement auraient pu la traiter par le mépris, et toute la classe politique par l’ignorance. Il n’en a rien été, et pendant plusieurs jours jusqu’au 16 Juin – avant que les péripéties de l’équipe de France ne réoccupent l’espace médiatique –, l’affaire a catalysée plusieurs aberrations rhétoriques qu’on retrouve à droite et à gauche, et qui ne me rendent pas toujours fier de mon camp. C’est pourquoi je consacre un article, non à « l’apéro » avorté, mais au traitement politique qui en a été fait.

La monomanie sans issue des identitaires et de Riposte Laïque

Passons brièvement sur les Identitaires, la bête immonde de la pièce. Parmi leurs ancêtres, on trouvait « Unité Radicale », un groupuscule qui évoluait en marge du Front National, et qui eut pour sympathisant un certain Maxime Brunerie. Le même qui décrocha la palme d’or de l’attentat le plus ridicule de l’Histoire en tentant de tirer au 22 Long Rifle sur Jacques Chirac en pleine foule lors du défilé du 14 Juillet 2002. Péripétie qui fut souvent rappelée par les journalistes lorsqu’ils citaient le Bloc Identitaire, lui-même né des  cendres d’Unité Radicale dissoute suite au dit attentat. Sauf que Brunerie n’avait jamais été membre d’Unité Radicale, et son « attentat » était totalement spontané (ce qui n’est pas étonnant vu sa qualité…).

Ce n’est que tout récemment que les Identitaires se sont constitués en tant que force électorale, en présentant des listes aux régionales de 2010, la plus conséquente étant la Ligue du Sud en PACA, qui plafonna à 3% des voix. Ils sont la principale concurrence du Front National à droite de la droite, après la déconfiture du MNR (Bruno Mégret ayant même fini par quitter la vie politique).

Les positions des identitaires divergent de celles du Front National sur plusieurs points, notamment sur la question régionale, les identitaires assumant un couplage entre revendication nationaliste et régionaliste, tandis que le FN a longtemps pratiqué une ligne seulement nationale. Sur la question économique, le FN, dont des membres éminents comme Mégret étaient membres du Club de l’Horloge  national-libéral, a souvent défendu un mélange de dérégulation et défiscalisation de l’économie interne tout en prônant le retour aux barrières protectionnistes. Les identitaires tendent davantage à jouer la carte d’un anticapitalisme qui n’a rien de socialiste, préférant une économie de propriété globalement privée mais restreinte à l’économie locale, et débarrassée de la gangue financière. Refrain que l’on trouve également dans le discours initial du fascisme italien, mais je refuse pour l’instant l’amalgame des Identitaires au fascisme, terme élastique qui, chez les marxistes, a souvent servi à désigner tout ce qui est anticommuniste et qui n’appartient pas au domaine de la social-démocratie ou de la droite parlementaire. Sur les questions de sécurité et d’immigration, les exigences des identitaires et du FN se rejoignent, comme en témoigne le slogan du Bloc Identitaire : « 30.000 expulsions, c’est la honte ! Il en faut 300.000 ! ». (2)

Que les Identitaires fasse une fixation sur l’immigration, et par extension sur l’Islam, ce n’est donc pas surprenant. Le parcours des membres de Riposte Laïque est autre.

Revenons un peu sur le cas de ces militants (puisque le terme « journaliste » ne convient absolument pas) : il s’agit d’une dissidence du journal ResPublica, lui-même engagé en faveur de la loi sur le voile de 2004, et catalogué comme « laïco-intégriste » par les pro-voile. Riposte Laïque est dirigée par des personnalités telles que Pierre Cassen, ancien ouvrier du livre et ancien trotskyste, ou encore Christine Tasin, ex-PS, ex-Debout La République. J’avais déjà mentionné Riposte Laïque dans ma remise à jour des liens (où ils figurent toujours) en tant qu’islamophobes avérés, ce qui n’est pas un crime en soi. Il est vrai, et quelques minutes passées à consulter les archives de leur journal le confirment, que Riposte Laïque consacre très nettement plus d’articles à l’Islam qu’à l’Eglise Catholique. Ce qui n’est pas raciste en soi, car il n’y a pas de raison de considérer que toutes les religions aient la même dangerosité potentielle vis-à-vis de la laïcité. Mais je notais surtout la médiocrité des articles, l’absence d’analyses factuelles au profit des déluges d’impressions personnelles.

L’apéro prévu à la Goutte d’Or s’inscrit parfaitement dans cette lancée : le seul argument, ressassé à l’envie, est l’agression émotionnelle que constituent les prières musulmanes dans les rues du 18ème arrondissement. Cette question fit l’objet d’une série d’articles et de vidéos publiées par un dénommé Maxime Lépante. Et l’argument fut bien entendu repris par les Identitaires. Dans l’entretien qu’il fait avec Robert Ménard, l’Identitaire Bruno Larebière trouve une médiatisation inespérée, mais aussi une occasion de franchir toutes les limites du ridicule.

On se sent désarmé devant ces références grandguignolesques à l’Occupation, la Résistance, et de voir les articles de Justin Bridou remplacer dans l’arsenal de la défense nationale le glorieux canon de 75 mm qui tenait en échec les casques à pointes en 14-18… Le même ton de guerre civile, d’occupation et de bête immonde se retrouve dans la prose de Riposte Laïque, par exemple dans cet article comme parmi tant d’autres.

Le délire « Ripostolaïc » a déjà été largement commenté, mais souvent dans des formes elles-mêmes délirantes comme nous le verrons ensuite. Mais on peut trouver des réactions plus justes, telles que celle du blogueur Malakine, dont je partage l’essentiel de l’analyse.

Comme lui, je considère que le terme « d’extrême-droite » décrit mal Riposte Laïque, car ce terme est lui-même ultra-galvaudé (puisque selon le commentateur que vous prendrez, l’extrême-droite commencera soit à Le Pen, soit dès que l’on repère une mouvance antieuropéenne, anti-euro, souverainiste, auquel cas Malakine lui-même se reconnaîtrait d’extrême-droite, et moi itou). Mais Malakine note justement – et l’information n’en sera une que pour ceux qui connaissent peu Riposte Laïque – que ledit journal a depuis longtemps cessé de commenter les questions de laïcité pour s’égosiller sur les actes de délinquances divers, exposer ses points de vue favorables à une restriction de l’immigration (mais pas forcément à sa suppression totale, et encore moins à l’expulsion des immigrés), dénoncer les « talibans » qui prolifèreraient en France… Et faire mijoter le tout dans une même mixture menaçante, que LA France (vue comme un tout sans classes et sans nuances) doit rejeter sous risque d’empoisonnement mortel.

Mieux encore, on trouve maintenant des articles exposant une certaine programmatique sur l’immigration dont on se demande si elle à quelque chose à voir avec la laïcité ou plutôt tout avec le programme des Identitaires ou du FN.

On pourrait s’arrêter là et conclure à une sorte de décès cérébral de Riposte Laïque. Ou faire des comparaisons anachroniques avec Jacques Doriot, exclu du PCF des années 30 et qui rejoint le fascisme. En oubliant que Doriot, après avoir créé le Parti Populaire Français, s’illustra dans le pacifisme et l’entente avec les dictatures fascistes allemande et italienne. On se demandera de quelle dictature menaçant nos libertés les membres de Riposte Laïque sont-ils les partisans. On peut au mieux noter leur soutien au néerlandais Geert Wilders, dont le Parti de la Liberté (PVV) a obtenu 15% des voix. Wilders est, sur le plan économique, le promoteur d’un libéralisme rigoureux, fermement atlantiste, et hostile tant à l’Islam qu’à l’immigration musulmane (ce qui ne va pas nécessairement ensemble). L’atlantisme et le libéralisme ne décrivent pas vraiment ce que les historiens entendent par « fascisme ». Mais dans l’esprit des gauchistes, les concepts se tordent facilement, Wilders c’est Hitler ou Mussolini, et Riposte Laïque son Doriot. Déjà que les divisions oranges n’arrivent pas à vaincre l’Espagne démocratique comme Franco en 1939, même à coups de crampons dans le thorax, je pense que nous n’avons pas à craindre ce qui peut venir des polders.

Ce que je note, en revanche, chez Riposte Laïque, c’est que cette organisation sans moyens autres que le Net – les mêmes que tout un chacun – a réussi tout de même à mobiliser en très peu de temps des milliers de participants potentiels à son projet de dégustation porcine. Les Identitaires aussi, mais leurs moyens sont tout aussi limités. Leur principale arme médiatique, le site François Desouche, n’est au fond qu’un blog parmi d’autres.

Et parmi ceux que Riposte Laïque rallie à sa cause, se trouvent des gens de gauche, du moins qui se pensent ainsi. On pourra, comme certains du Parti de Gauche, décréter qu’ils ne sont pas ou plus de gauche, ils ne le sont sans doute pas moins que Strauss-Kahn ou Delanoë. Et ce genre d’excommunication est gratuite et ingrate : les politologues savent que sans les voix d’une partie des électeurs ayant choisi Le Pen au premier tour, Mitterrand n’aurait pas été réélu en 1988, ou avec un écart beaucoup plus serré.

Il existe de fait des milliers, probablement des centaines de milliers d’électeurs qui se pensent à gauche et ont voté pour le FN. Et ils ne sont sans doute qu’une émergence de l’Iceberg, car les sondages faits auprès des sympathisants de gauche montrent un souhait réel de réduire l’immigration. Et ça ne date pas d’hier, comme le rappelle cet article de Libération en 2000.

Et que nombre d’électeurs du Non en 2005 (dont une majorité étaient de gauche) ont également partagé cette opinion.

Alors certes, ces électeurs n’ont pas massivement voté pour le FN. Ce qui ne veut pas dire que leurs convictions au sujet de l’immigration ne sont pas réelles, mais qu’ils estiment qu’il y a d’autres sujets prioritaires, socio-économiques notamment, sur lesquels ils ne s’entendent absolument pas avec Le Pen.

On retrouve chez Riposte Laïque des lecteurs qui eux, franchiront le pas.

Et l’on peut alors se poser la vraie question : pourquoi des partis de gauche comme le PS ou le PCF, qui ont ou ont eu un électorat de masse, n’ont pas réussi à gérer cette contestation de l’immigration interne à l’électorat de gauche ? Et pourquoi cette question de l’Islam, de la critique et du refus de voir monter cette religion, devient-elle un levier de mobilisation pour des sympathisants de gauche, qui peut les pousser à rejoindre des formations politiques situées apparemment à l’opposé d’eux ? La réaction des partis de gauche à l’initiative du 18 Juin peut aider à le comprendre.

La gauche godwinienne

Outre SOS-Racisme qui a demandé d’emblée l’interdiction, j’ai pu trouver une réaction « exemplaire » chez un des élus parisiens du Parti de Gauche, Alexis Corbière.

Le même individu avait également rédigé le communiqué du parti mélanchonien .

Pour Alexis Corbière, « les organisateurs, qui sont des groupes de nervis Skinhead connus pour leur violence » parlent d’apéro saucission-pinard pour ne pas dire « Allons provoquer les bougnouls à la Goutte d’Or ». Les deux affirmations sont infondées : l’un des organisateurs, Riposte Laïque, n’est pas une mouvance skinhead, la mouvance identitaire est loin de se réduire à des anciens boneheads (le terme skinhead étant impropre, puisqu’il y avait aussi des skins de gauche) du genre de ceux des années 80 (les identitaires sont en général des militants trop jeunes pour avoir été actifs à cette époque), et les musulmans du 18ème peuvent parfaitement ignorer cette « provocation ». Mais continuons : il s’agit carrément d’une « ratonnade annoncée ». Une fois de plus, une affirmation sans aucune preuve, l’auteur se torche de la présomption d’innocence quand il s’agit d’adversaires politiques. Corbière nous repasse le mensonge que j’ai déjà cité plus haut, à savoir que « l’attentat » du 14 Juillet 2002 aurait été commis par un membre d’Unité Radicale, ancêtre du Bloc Identitaire. Il manifeste son inculture en annonçant successivement que les identitaires sont « néo-nazis » (ils ne sont ni antisémites, ni partisans d’une économie autarcique et semi-planifiée, et tous les identitaires ne croient pas nécessairement aux races et encore moins en l’inégalité de celles-ci), puisqu’ils se réfèrent à Maurras, en oubliant que le courant maurrassien est nettement antérieur au nazisme, et qu'au passage qu’on trouva justement des maurrassiens dans la Résistance française dès 1940, tel Honoré d'Estienne d'Orves….…et d’ailleurs les descendants les plus directs de Maurras sont tout simplement les membres de l’Action Française, alors que les Identitaires sont une nébuleuse idéologique où Maurras n’est qu’une référence parmi d’autres..  Quant à Riposte Laïque, c’est « une association aujourd’hui animée par des racistes, obsessionnellement anti-arabe, qui pensent que l’Islam va anéantir la France. Bric à brac idéologique ramenant tous les problèmes du pays à la présence de musulmans en France. » Donc il faut savoir : Riposte Laïque est anti-arabe ou anti-musulmane ? Ce n’est pas la même chose, Mr. Corbière…

 Si l’on comprend bien la fin de l’article de ce monsieur, organiser un repas avec porc et alcool en plein quartier musulman, c’est en fin de compte préparer une bastonnade anti-musulmane. Alors que non seulement il n’y a pas eu de menaces de violence, répétons-le, mais surtout les Identitaires n’auraient eu aucun intérêt à déclencher des violences, sauf à vouloir être à nouveau dissous par le gouvernement. Si violences il y aurait eu, elles seraient venues de leurs adversaires (islamophiles, gauchistes, islamogauchistes) agissant spontanément et non à l’appel d’un parti (de gauche). Et des menaces contre le rassemblement il y en eut. Mais elles n’intéressent pas Mr. Corbière. Si l’apéro avait eu lieu et que des musulmans étaient venus accrocher les islamophobes, dans la droite ligne de son article, il aurait condamné les islamophobes. Le même principe que « Tu t’es fait violer ? T’avais qu’à pas t’habiller comme une pute… ».

Mieux encore, l’argument qui fera Fuhr…reur au Parti de Gauche sera graphologique : les « S » du mot « Saucisson » inscrit sur l’une des affiches annonçant le rassemblement ressemblaient étrangement à ceux de la Waffen SS. Pour ma part, à la première vue de ladite affiche, cette police ne m’a nullement surpris, j’y ai surtout vu un moyen de gagner de la place sans avoir à réduire la taille de la police. Et je me rappelle aussi que la graphie française a souvent assigné à la lettre S une forme longue et effilée, et ce bien avant le nazisme, ou même l’unification de l’Allemagne. Mais on n’est pas à un amalgame près, non ?

Le droit aux édifices religieux ?

Après cet anathème édifiant, passons sur une dernière ineptie proférée au sujet de l’occupation des rues par les prières musulmanes. Des gens « de gôche » qui ont voulu faire « matérialiste » et « je vois plus loin que le bout de mon nez » se sont amusés à expliquer au grand public que l’occupation des rues le Vendredi était dû à l’insuffisance des espaces de prières musulmanes dans Paris. Et chacun de discuter de la véracité de cette information.

Pour ma part, il ne m’intéresse nullement de savoir s’il y a ou non assez d’espace pour que les musulmans de Paris puissent prier. De grands esprits comme Augustin Legrand  (eurodéputé d’Europe Ecologie) ont évoqué le droit à la pratique religieuse, la liberté de culte, pour condamner le fait que les musulmans n’aient pas assez de lieux de culte. C’est un abus total : dans une démocratie, la notion de liberté de culte signifie seulement que si vous voulez pratiquer votre religion, et si vous avez les moyens de le faire tout en respectant l’ordre public, alors nul ne peut vous en empêcher. Mais cela ne veut absolument pas dire que si vous n’avez pas les moyens (pas de salles, d’églises, de mosquée, d’accessoires du culte) alors la collectivité aurait le devoir de vous dépanner. Tout comme le droit au mariage ne signifie nullement que l’Etat doive trouver une conjointe aux célibataires désespérés !

Des esprits qui se veulent laïcs ne peuvent admettre que l’on considère la prière comme un besoin vital de l’être humain, au même titre que la nourriture, les soins médicaux, le logement ou l’éducation. On comprendra totalement des manifestations de mal-logés ou de mal-nourris. Mais l’insuffisance supposée des espaces de prière est un motif irrecevable pour une entrave à la circulation publique.

Je regrette qu’on en soit arrivé à des éminences « rouges-vertes » (à défaut de matière grise) qui pratiquent le Reductio ad Hitlerum à tout va, dénoncent la supposée violence de leurs adversaires mais pas du tout de celle qui pourrait venir de leur propre camp, ou qui tordent le droit pour miner la laïcité tout en s’en réclamant…

18 Juin moisi

Voilà donc comment la scène apparaît à l’homme de gauche de base : elle est partagée entre deux catégories de monomaniaques. Ceux qui sont entrés en réaction contre une religion en tant que telle, ce qui est leur droit, mais qui, faute de parler de quoi que ce soit d’autre, ont fait de la surenchère anti-islamique leur seule activité. Et qui se sont donc tournés vers ceux qui travaillent sur le même terreau, les identitaires. Qui eux aussi, n’ont pas grand-chose à dire en économie, en écologie ou en politique extérieure. Donc on s’investit totalement dans la promotion de sa propre ethnie. Et en y mettant toute la grandiloquence possible, puisqu’en France on n’existe avant tout par la bouche, que ce soit pour mordre du saucisson ou pour éructer sur la Résistance.

En face, une gauche qui veut bien parler de laïcité, à condition que la conclusion des débats soit convenue à l’avance, à savoir que toutes les religions doivent être respectées. Une gauche qui sait que son électorat se pose des questions sur l’immigration, mais qui ne veut aborder le sujet que sous un seul angle : comment lutter – ou paraître lutter – contre le racisme ?

Une gauche qui ne veut pas voir que l’immigration musulmane est un phénomène nouveau dans l’histoire de France, différent de ce qu’ont été les immigrations belge, italienne, ibérique ou polonaise. C’est la première fois qu’une minorité religieuse de cette importance se constitue (3,5 à 5 millions de personnes, 6 à 8% de la population, chiffre jamais atteint par les protestants, juifs ou cathares) et continue de progresser. Elle ne « submergera » sans doute pas la France, car la natalité des pays d’origine des immigrants musulmans a nettement baissé et baissera encore. Le problème n’est ni la présence des musulmans, ni le fait qu’ils soient musulmans tant que la religion reste une pratique privée, ni même leur nombre car ils ne deviendront probablement pas majoritaires. Le problème est leur cantonnement (largement subi par eux) dans certains quartiers, certaines communes. Une autre affaire, celle du « Quick hallal », l’illustrait aussi, bien qu’elle relève aussi a priori du non-évènement. De façon plutôt libérale, j’admets volontiers qu’il est tout à fait normal qu’une entreprise adapte ses ventes à sa clientèle, et ne commercialise plus des articles dans un site où ils ne sont plus rentables. La question est plutôt: est-il normal que des quartiers aient à ce point changé de majorité ethnique, et qu’un véritable remplacement des habitudes culinaires et religieuses ait eu lieu ? Où sont la mixité, le mélange, le fameux « métissage » ?

 

(1)   On pensera au maire de Nanterre, Patrick Jarry, encore membre du PCF en 2008, quand le FN voulait installer son siège à Nanterre, qui s’y opposait au motif que la ville et les nanterriens ne voulaient pas de cette présence. Ce qui est totalement anti-démocratique. J’imagine pour ma part que je n’aurais jamais pu m’installer à Colombes en Mars 2008 si celle qui était encore maire à ce moment, l’UMP Nicole Goueta, avait eu le droit d’interdire toute installation de communistes sur sa commune au prétexte que « la majorité des colombiens sont contre le communisme » - Dieu sait qu’elle ne se serait pas gênée.

(2)   Rappelons que dans le Petit dictionnaire pour lutter contre l’extrême-droite qu’elle avait écrit dans les années 90 avec Olivier Duhamel, Martine Aubry écrivait qu’expulser les clandestins devait faire partie du programme de tous les partis politiques. Juste histoire de désamorcer les bouchages de nez inutiles.

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7 octobre 2009 3 07 /10 /octobre /2009 23:03


C'est un pays - Soldat Louis
Hymne sympathique à la Bretagne, qui, comme toute chanson bretonne voulant avoir un public, est interprétée en français, et qui n'en comporte pas moins quelques passages surprenants, comme "après la langue [bretonne], on [sous-entendu l'immonde France jacobine] vise la race [bretonne ???]"...

Racisme

Dans le passage concernant la Nation, nous avons posé le fait que la nation n’existe pas et ne survit pas sans un modèle culturel hégémonique. Ce qui signifie que si la culture (linguistique ou religieuse) vient à changer, la nation joue sa survie même. Si c’est la langue qui change, la nation elle-même change : ainsi la Gaule est devenue la France, pas tellement parce que sa population avait changé (les envahisseurs francs, burgondes ou plus encore vandales étaient peu nombreux), ni parce que sa religion avait changé (elle était déjà christianisée, au contraire des francs). Ce qui a changé principalement, ce sont ses structures politiques, l’apparition d’une royauté succédant à l’empire romain et que les gaulois n’avaient jamais durablement construit, et un changement de langue (même si l’on passait du gallo-romain à une autre langue latine). La Maurétanie n’est pas non plus devenue le Maghreb par un changement de population (les envahisseurs arabes du VIIème siècle furent aussi peu nombreux), mais de religion, et de langue (et encore, l’arabe n’a pas complètement éradiqué les langues berbères, et a mis des siècles à s’imposer).

Ainsi, on peut le dire pour la France : si la culture dominante sur le sol national devait changer radicalement sur l’un des points évoqués plus haut, que ce soit la langue, la religion, ou la culture religieuse (beaucoup d’athées ont une culture chrétienne, que ce soit par les fêtes célébrées, ou des principes moraux hérités du catholicisme comme l’idée d’associer rédemption morale et souffrance ; on peut être apostat de l’islam et avoir conservé des tabous musulmans sur l’alimentation, par exemple), alors on ne pourra pas parler d’  « évolution de l’identité française » mais bien d’une fin de la France en tant que nation. Que l’identité de la France puisse s’enrichir par des différences culturelles minoritaires (c’est-à-dire véhiculées par une minorité, par exemple la musique antillaise, la littérature maghrébine…), c’est une chose : mais ce qui compte surtout, c’est leur aspect minoritaire justement, parce que cela montre que ces différences sont intégrées et appréciées pour leur beauté, et non imposées par le nombre.

Les propos qui précèdent permettent de joindre le quatrième sujet de cette série d’articles, la question du racisme. Il existera sans doute des antiracistes professionnels (c’est-à-dire des gens chez qui la lutte contre le racisme n’est plus un idéal, mais un moteur de leur existence : cela veut dire que lorsqu’ils ne trouvent pas de racisme à dénoncer, ils en inventent) qui verraient dans mes propos la justification du refus de la différence culturelle, l’apologie du sectarisme franco-français. Sur un autre blog, j’ai lu cette définition particulièrement stupide du racisme : « Refuser ce qui est différent ». A ce rythme-là, je suis raciste antinazi, il y a en effet certaines différences entre eux et moi que je ne tolère pas.

Je vais donc finir cette série par une définition du racisme. Comme celle sur la nation, elle est un peu complexe, et nécessite donc des justifications.

« Le racisme est une inégalité de droit(s) instaurée entre des groupes humains séparables, basée sur des critères fixés par la naissance. »

Inégalité de droits 

C’est le point le plus important à expliciter. Car trop souvent on invoque le racisme pour des faits qui n’ont absolument rien à voir. Je vais citer un exemple flagrant. Vous pouvez commencer par lire cet article de Pierre Tévanian, sur le site Les mots sont importants (site de gauche au début des années 2000, complètement sombré depuis dans le communautarisme, de préférence islamophile) à http://lmsi.net/spip.php?article657

Vous aurez peut-être le même dégoût que moi en constatant tous les raccourcis, amalgames, bouchages de nez (c’est-à-dire les citations qu’il fait sans plus de commentaires, comme s’il était évident pour tout le monde que lesdites citations étaient racistes, alors que ce n’est pas forcément le cas) qu’accumule l’auteur. Le cas qui m’intéresse le plus est celui de Sylvie Noachovitch. Candidate UMP aux législatives de 2007, cette dame aurait lâché, en milieu « semi-privé » comme le reconnaît Tévanian lui-même (divulguer des propos privés ne le gêne donc pas), cette phrase :

« Moi, mon mari peut dormir tranquille : dans ma circonscription, il n’y a que des Noirs et des Arabes, et l’idée de coucher avec l’un d’entre eux me répugne ! ».

Mon Dieu, la phrase raciste que voilà ! Et Tévanian de se scandaliser que Noachovitch n’ait pas été contrainte à des excuses publiques. Sauf qu’elle n’a en réalité rien dit de raciste. Prévenons au passage les naïfs qu’elle n’a nullement dit, contrairement à ce que croit Tévanian, que « les arabes sont répugnants », mais que « coucher avec eux la répugne », ce qui n’a rien à voir et reconnaît la subjectivité de cette assertion. Mais même après cela, il y aura des « antiracistes » pour lui reprocher d’exclure des hommes en fonction de leur peau.

 Le racisme est une inégalité de droit, c’est-à-dire qu’on vous prive d’un droit qui devrait revenir à toute personne, en raison de critères de naissance. Par exemple, vouloir priver les noirs ou les arabes du droit de vote, c’est du racisme. Comme je l’écrivais dans un article précédent, le programme de préférence nationale du FN est raciste, parce qu’il réduit les droits des étrangers (or, on est souvent étranger de par sa naissance même, et on peut être étranger et né en France !), tout en restreignant l’accès à la nationalité française (donc l’inégalité n’est pas soluble par l’intégration civique). Le racisme, c’est donc la privation de droits. Or, que je sache, coucher avec Sylvie Noachovitch n’est pas un droit inscrit dans la constitution. Que celle-ci refuse ses faveurs à telle catégorie d’hommes, fut-ce sur les critères les plus arbitraires et généralisants qui soient, c’est son problème, et sa liberté de femme. Qu’elle l’ait exprimé (et pas en public, ceci dit) de façon assez inélégante est une autre chose, très triviale au demeurant.

Ce n’est pas la première fois cependant que j’entends ou lis ce genre d’amalgames, du genre : « Tu refuses de sortir avec une femme d’une autre couleur de peau que la tienne ? Tu n’a pas d’amis noirs ? Tu es raciste ! », mélangeant complètement les domaines de la préférence personnelle, n’engageant que sa vie privée, et la question de l’égalité des droits. On peut parfaitement être actif dans la lutte contre les discriminations légales contre les étrangers ou les minorités ethniques, « typées », ou, osons le terme, « raciales » (1), et faire le choix, à titre personnel, de n’avoir que des blancs blonds (et aux yeux bleus, pendant qu’on y est) dans son entourage personnel. Et à l’inverse, on peut avoir un entourage bigarré et être raciste ; je me souviens de cette réplique mémorable de Le Pen, répondant à des interrogateurs de France2, qui lui demandaient s’il était raciste, en 2004, que cela ne pouvait être vrai, puisqu’il avait eu des domestiques noirs pendant vingt ans !

Pour en rester à Le Pen, justement, ce travers de l’amalgame entre choix personnels et questions de droits ne peut que servir son raisonnement raciste. Rappelons que pour Le Pen, la préférence nationale se justifie car « je préfère ma fille à ma nièce, ma femme aux autres femmes… donc préférons les français aux étrangers ». Sauf que le raisonnement n’a aucune valeur. Que je préfère ma femme aux autres femmes est une question de goût personnel, mais que je ne traduis nullement en accordant des baisses d’impôts à ma femme ou en décrétant que son bulletin de vote comptera plus que celui des autres femmes. Confondre une préférence personnelle et une discrimination de droit n’a donc aucun sens, et les prétendus antiracistes qui font cette confusion et condamnent la femme blanche qui refuse de coucher avec des noirs jouent en fait sur le terrain de Le Pen, sauf qu’eux partent sur la pente opposée du faux dilemme posé par le leader du FN, et, puisqu’ils sont antiracistes, concluent que le métissage est une obligation.

Finissons sur ce point en constatant que, dans cette logique « antiraciste » foireuse, Tévanian, grand libertaire « de gauche », se retrouve au final à fliquer les préférences sexuelles d’une femme (bourgeoise de droite certes, mais une femme avant tout)… L’émancipation des opprimé-e-s n’est pas gagnée.

Groupes humains séparables

Il s’agit ici de préciser que le sexisme n’est pas assimilable au racisme. Et ce pour la simple raison que les noirs peuvent être séparés des blancs et se perpétuer séparément, mais qu’à l’inverse les hommes et les femmes ne peuvent être séparés durablement.

Différences fixées par la naissance

             Allons droit au but : il s’agit de préciser que l’islamophobie, entre autres, n’est pas un racisme. Personne sur Terre ne naît musulman. L’Islam n’est pas génétique. On peut parler de racisme lorsque l’on se fait priver de droits en raison de son lieu de naissance, de l’identité de ses parents, de sa couleur de peau ou des formes du visage. On peut éventuellement parler de racisme culturel lorsque le critère de discrimination porte sur la culture dans laquelle vous avez été éduqué dans votre enfance, culture que vous n’avez forcément pas choisie. Mais, gros point de détail : l’Islam n’est pas une culture. C’est une idéologie, à la fois religieuse et politique. Comme toute idéologie religieuse, elle a pour but principal de régenter la vie complète des fidèles, et donc de façonner leur culture parfois dans les moindres détails (2). Mais l’idéologie transformatrice n’est pas la culture, de la même manière que la sculpture n’est pas le sculpteur. On peut continuer à faire une fête le jour de l’Aid-el-Kébir, ne pas boire d’alcool, ne pas manger de porc, et être athée : on peut avoir été sculpté et avoir rejeté finalement le sculpteur. L’Islam n’est pas seulement une idéologie religieuse, mais aussi politique. Et, transmis à ceux qui rabâchent que le voile/la burqa/l’intégrisme ne sont que des « manipulations politiques  de la religion», dans la religion musulmane, il n’y a pas, fondamentalement, de distinction entre le religieux et le politique : la réalisation de la communauté des croyants (oumma), régie par une loi d’origine divine, est un but religieux et politique (et militaire, historiquement) et pendant les premières décennies et même siècles de l’histoire islamique, il n’y avait pas de différence entre les dirigeants politiques et religieux (s’incarnant tous deux dans le calife).

             Ce que je dis s’applique bien sûr aussi pour le christianisme (même si, dans l’histoire de ce dernier, la distinction entre les responsables religieux et les pouvoirs politiques a toujours existé, même si elle est devenu confuse avec l’apparition des états papaux), le judaïsme, le bouddhisme, ou encore le communisme et le capitalisme. Dans aucun cas ces idéologies, si prégnantes soient-elles sur la vie de la société, ne peuvent être confondues avec une culture. Et le fait de revendiquer cette idéologie par certains signes (par exemple, le voile) expose tout à fait au droit fondamental de tout citoyen d’une démocratie, à savoir le droit à la critique de l’idéologie des autres. Et donc je ne vois absolument pas en quoi je devrais m’émouvoir de « l’hostilité environnante » affectant les femmes qui se voilent consciemment, pas plus que je ne m’étonnerais des réactions anticommunistes (qui, à défaut d’être justes, seraient prévisibles), si je prenais le RER affublé d’un uniforme de l’Armée Rouge. Je ne m’émouvrais même pas d’une discrimination à l’embauche pour une femme qui a décidé de se présenter voilée, puisque je ne me suis jamais pointé à un entretien en arborant un t-shirt flanqué du marteau-faucille.

             La critique de l’idéologie n’est bien entendu pas l’exclusion des personnes, encore moins leur agression : mais le simple fait de devoir, par prudence, rappeler une telle banalité est consternant.

Conclusion : peut-on contrôler l’immigration sans être raciste ?

             Le fait d’avoir défini le racisme comme une exclusion basée sur la naissance crée une contradiction avec la définition de la nation et de ses impératifs de survie que j’ai énoncés plus haut. Je m’explique : j’ai défini la nation comme un groupe ayant un modèle culturel hégémonique. En France, ce modèle peut se définir comme celui d’une culture latine, fortement influencée par le christianisme (sans inclure l’obligation de la foi chrétienne elle-même, bien sûr), et surtout par la langue française. Une remise en cause de cette majorité culturelle, par exemple par l’immigration (et ce serait même la principale source de cette remise en cause) remet en cause la nation. Non pas que la nation ne puisse pas intégrer des minorités diverses, mais à condition de pouvoir convertir l’essentiel d’entre elles et garder sa majorité culturelle. Une nation qui serait totalement incapable de communiquer sa culture est une nation condamnée, et ce n’est heureusement pas le cas de la France. Mais une immigration massive, plus rapide que la capacité d’intégration culturelle, peut remettre en cause cette majorité nationale. Et ce changement de majorité remet en question l’existence même de la nation (l’éventuelle « fin de la France » que j’ai évoqué au début de l’article), soit parce que la nation serait remplacée par une autre, soit parce qu'elle serait rattachée à une autre. Et l’ancienne majorité nationale se retrouverait minoritaire, sans l’avoir voulue ; elle n’accepterait donc pas forcément la nouvelle nation, et pourrait être opprimée avec elle, alors qu’actuellement, les minorités nationales de France (par exemple les Antilles ou la Bretagne) ont accepté leur intégration à la nation française.

Cela crée une contradiction avec le droit fondamental de tout être humain de quitter son pays pour aller vivre dans un autre. Oui, c’est un droit, il est dans la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, et il est juste : au nom de quoi ai-je le droit de refuser à celui, qui serait aussi intelligent et travailleur que moi, et même plus, mais né dans un pays pauvre, de venir dans un pays plus accueillant pour y développer ses capacités ? Lui refuser ce droit, c’est lui intimer l’ordre de continuer à subir la pauvreté ou l’oppression du fait qu’il soit né au mauvais endroit. Alors qu’on acceptera la solidarité avec ceux qui sont nés dans l’aire nationale, on la refuse à ceux qui sont nés en dehors (retour à la notion de racisme vue plus haut). On peut bien sûr répondre que c’est à chaque nation d’assurer les droits fondamentaux de ses ressortissants. Mais quand le niveau de développement matériel ou la nature du régime politique y contrevient, que faire sinon migrer ? Ce droit à la migration a été déjà évoqué dans un autre de mes articles, intitulé « A propos de l’immigration ».

On se retrouve donc avec deux principes à gérer : le devoir (oui, devoir) de laisser celui qui est né au mauvais endroit migrer s’il le souhaite ; 2) la nécessité de conserver la puissance nationale, garante de la protection du citoyen, en conservant une majorité culturelle.

Ce dilemme interdit de concevoir les questions d’immigration et d’intégration sous le seul angle de l’immigré opprimé face à l’Etat et la société racistes et xénophobes.

(1)   Contrairement à l’opinion très couramment admise, je n’ai aucune certitude pour penser que les races n’existent pas au sein de l’humanité, races au sens de groupes d’individus d’une même espèce partageant des caractères génétiques, mais qui peuvent parfaitement se reproduire avec des individus de la même espèce mais d’une autre race. Si on peut parler de races parmi les chats, on peut peut-être le faire avec les humains, sachant que reconnaître des races ne signifie pas plus être raciste que reconnaître les différences entre les deux sexes ne signifie être sexiste.

L’idée selon laquelle la science génétique aurait banni l’idée de race chez les humains s’appuie souvent sur des arguments d’une partie des généticiens, au premier rang desquels Albert Jacquard, et notamment l’argument suivant : « vous trouverez plus de différences génétiques entre deux maliens ou entre deux français pris au hasard qu’entre un français et un malien pris au hasard ». Le Club de l’Horloge (club d’extrême-droite, mais pas forcément idiot pour autant) a répondu que sur le même principe, on déniait les différences entre l’homme et la femme, ou entre l’homme et le chimpanzé (plus de différences entre deux hommes ou deux singes qu’entre un homme et un singe, puisque ce sont une minorité de nos gènes qui font de nous des hommes ou des femmes, des humains ou des chimpanzés).

(2)   Je me rappelle d’une discussion avec un ami musulman qui m’expliquait que l’Islam est une religion qui autorise une grande liberté, et disait notamment que chacun était libre de gérer son ramadan comme cela lui convenait, et qu’il existait (heureusement) de nombreuses exceptions, pour les femmes enceintes, les enfants, les travailleurs de force…mais une règle quand même : il faut faire le ramadan.

 

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4 octobre 2009 7 04 /10 /octobre /2009 23:48

Laibach, Germania, Volk, 2006

S'il est un pays où la question de l'identité nationale est difficile, c'est bien celui-là...

Identité

         Les marxistes et le nationalisme

 

L’état étant l’instrument de la classe dominante (et malheureusement réduit à cela chez les marxistes), son aspect culturel, la nation, qui tend à correspondre à un ou plusieurs états, encourt aussi le risque de servir également la classe dominante. Ainsi, certains marxistes considèrent que toute revendication de souveraineté nationale est bourgeoise (cas de Rosa Luxembourg). Pour Lénine, puisque le capitalisme moderne tend à se regrouper en grands impérialismes, les luttes nationales de minorités opprimées ou colonisées (comme la Finlande ou la Pologne dans l’empire tsariste) peuvent être progressistes, en minant l’impérialisme. Les militants marxistes doivent alors soutenir les revendications nationales des minorités, et, s’ils sont eux-mêmes issus d’une nation impérialiste (la Russie, l’Allemagne, la Grande-Bretagne, la France…), ils ne doivent surtout pas soutenir leur impérialisme national.

 
               C’est ainsi que prend naissance la théorie selon laquelle il y a des nations opprimées dont le nationalisme est positif, progressiste, révolutionnaire et des nations impérialistes où le nationalisme et réactionnaire. Ainsi, il est positif d’être un nationaliste kurde, algérien, basque, mais un nationaliste français est un fasciste. Théorie passablement idiote et insupportable au passage.

 

              Marx lui-même, à la suite de sa fameuse phrase sur les prolétaires qui « n’ont pas de patrie », rappelait qu’en prenant le pouvoir, le prolétariat restait encore national, que la nation où triomphait la Révolution n’en restait pas moins une nation, avec un devoir de puissance à faire respecter.

           
            En vertu de ce que j’ai écrit sur la nation, je considère qu’une nation socialiste ne doit en aucun cas chercher à s’affaiblir en encourageant le séparatisme. Si une minorité souhaite absolument prendre son indépendance, il serait antidémocratique de s’y opposer durablement, même si l’on peut tenter de convaincre ladite minorité que son projet n’est pas nécessairement pertinent. Mais les militants communistes français, par exemple, n’ont aucune obligation de prendre parti pour les causes bretonne, basque, corse, ou de soutenir l’indépendantisme des départements d’outre-mer. A la fois parce que cela émietterait la puissance de la révolution en France, et parce qu’il n’est pas dans l’intérêt des habitants de ces régions de se retrouver citoyens d’états-nains (au mieux, la Bretagne intégrant la Loire-Atlantique aurait 4 millions d’âmes). Les militants communistes qui soutiennent ces séparatismes s’imaginent qu’une France socialiste et une Bretagne, Corse ou Guadeloupe socialistes continueraient de marcher main dans la main pour la révolution mondiale. Comme si des désaccords entre états socialistes ou prétendus tels n’étaient pas possible. L’URSS (qui avait formé Tito), a rapidement compris, avec le « schisme » yougoslave de 1948, que même en nommant ses protégés à la tête de « pays frères », elle n’en risquait pas moins la perte de son bloc, et ne desserra jamais la vis de l’occupation militaire de l’Europe de l’Est. Ce risque de division entre pays socialistes démocratiques serait encore beaucoup plus fort.

Différents types de nationalismes           

 

Nationalisme « astérixien »   

 

C’est ainsi que je nomme un nationalisme qui se soucie peu de la puissance nationale, et vit sur un héritage supposé éternel, en rejetant tout ce qui le contrarie dans le fourre-tout de « l’étranger ». Le dernier cas où je l’ai constaté fut la départementalisation de l’île de Mayotte. Que les gauchistes communautaristes aient pesté contre la possession « illégale » de Mayotte par la France, arguant que l’île est de droit comorienne (en oubliant que la « nation » comorienne n’existait pas en tant que telle avant la colonisation, et est donc une création de la France), ça me surprenait peu. Qu’ils aient utilisé l’argument des clandestins comoriens qui périssent en tentant de rejoindre Mayotte, à cause des décrets Balladur restreignant la liberté de circulation, c’était prévisible, même si ce sujet est différent de la souveraineté française sur Mayotte. Ce qui m’a plus surpris, c’est que certains nationalistes français rejettent cette intégration, au motif que Mayotte n’est pas culturellement française (comme vu plus haut, une minorité culturellement différente peut très bien intégrer la Nation, tant qu’elle est minoritaire – et les 100.000 mahorais, de culture comorienne-malgache et musulmane, menacent peu de nous submerger), mais aussi parce que ce vote pour la départementalisation ne serait motivé que par l’argent des allocations. Et qu’il amènerait la France à supporter de nouvelles prestations aux familles polygames, et à plus de chômeurs. Je suis un peu navré de voir le peu d’estime que certains ont pour la capacité de la France à faire d’un territoire pauvre un territoire moins pauvre voire riche, ou à répandre les idées d’égalité entre les genres, ou la laïcité. La France n’est plus considérée comme une puissance, économique, culturelle ou idéologique, elle n’est qu’un (très riche) « héritage » qu’il s’agit de conserver. Les mahorais, largement étrangers à cet héritage, et pesant financièrement sur la France, n’auraient pas vocation à y entrer. Pardonnez ma référence, mais cette vision de la France me fait penser au village d’Astérix : petit, autosatisfait, sans désir de puissance (à aucun moment de la série, les héros du village ne songent à organiser la libération de la Gaule), et de toute façon protégé par sa potion magique, qui dans notre cas se traduit par la grandiose, l’immense, l’inaltérable culture française, au point de faire oublier à certains que la France est tout sauf immortelle.


Nationalisme de la « patrie-des-droits-de-l’homme »  

             

La dérive inverse est justement celle qui consiste à surestimer la puissance culturelle et idéologique (puisqu’on ne peut plus sérieusement compter sur la puissance économique, démographique et militaire) de la France. Et de lui confier un rôle de « patrie des droits de l’Homme », patrie de la Culture et des Arts… Comme toute prétention délirante, ces prétentions dispensent la France (c’est-à-dire son gouvernement, mais aussi ses patriotes) de rendre des comptes devant la réalité : peu importe que nous ayons rarement contribué matériellement à la libération d’autres nations (les derniers exemples où la France a joué un rôle décisif furent les campagnes dans les Balkans pendant la Première Guerre Mondiale), peu importe que notre action pour l’émancipation des masses soit pour le moins contestable (surtout en Afrique noire…), nous avons de toute façon un brevet éternel de liberté, de démocratie, d’égalité, de savoir, de tolérance, et tout ce qui peut continuer à dorer l’image  - artificielle et souvent méprisée – que nous renvoyons au monde.


Nationalisme « pratique »

 

La France n’est qu’une nation parmi d’autres, sans plus ni moins de qualités morales, mais avec les mêmes obligations vis-à-vis de sa population, en premier lieu celle de tenir une puissance. Mais pas en l’abdiquant au profit d’un conglomérat constitué à la hâte (l’Union Européenne, passée de 9 à 27 membres au cours des 28 dernières années, ce qui est très court) et lui-même bâti au service d’une autre puissance (les USA). Mais plutôt, vu sa taille, en constituant un réseau cohérent avec un nombre limité de puissances partageant les mêmes difficultés que la France : par exemple nos voisins italiens et allemands en particulier, qui ont en commun avec nous leur taille moyenne, le fait d’avoir une langue solidement ancrée dans un morceau d’Europe mais peu ailleurs (le français, en dehors de ses petits bastions américains du Québec ou des Caraïbes, a une base précaire en Afrique, voire très précaire dans certains pays comme Madagascar), ou encore une faible autonomie dans la scène économique mondiale (alors qu’une alliance franco-germano-italienne serait une puissance majeure, maîtrisant le continent européen).

 

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2 octobre 2009 5 02 /10 /octobre /2009 22:59


Magnifique reprise de l'hymne soviétique (et un peu de l'Internationale) par Laibach (album Volk, achetez-le!)



Nation

Qu’est-ce qu’une nation ? (critique de la notion usuelle)

De façon assez classique, nous commençons sur le débat mille fois parcouru opposant la « nation objective » à l’allemande, et la « nation subjective » à la française. La première part de l’idée que les nations existent avant les états, selon des critères culturels identifiables : ainsi, les allemands, malgré leur diversité religieuse (catholiques, réformés, protestants…) se désignaient comme nation parce qu’ils parlent un groupe de langue assez proche, de l’alsacien au bas ou haut-allemand. A cette définition, on rattache souvent le nom de Johann Gottlieb Fichte, et son « Discours à la nation allemande » qui fut prononcé en 1807, alors que la zone germanophone est non seulement divisée entre la Prusse, l’Autriche, et des dizaines d’états de langue allemande, mais en plus l’essentiel de l’actuel territoire allemand est sous la coupe napoléonienne.

            Sur le Net, on trouve des définitions de la nation qui excluent la référence à l’état :

« Une nation c'est un grand groupe de personnes qui sont unies entre elles et qui se reconnaissent des ressemblances découlant d’une culture commune; la langue, en particulier, semble constituer un facteur important de l’existence d’une nation. Une nation n’est pas nécessairement comprise à l’intérieur des frontières politiques d’un État. La divergence entre les limites des nations et les frontières des États constitue un important facteur de tensions politiques. »

(définition de tayo.fr)

La notion « française » part du fait que l’état, la communauté politique existe, et que la nation est l’ensemble du corps populaire (ou « civique ») qui, quelque soit sa diversité culturelle, linguistique ou religieuse, adhère au maintien de cette communauté politique. L’un des principaux promoteurs de cette notion est Ernest Renan, répondant à la précédente conception de la nation dans sa conférence de 1882 « Qu’est-ce qu’une nation ? ».

Extrait de Qu-'est-ce qu'une nation par Ernest Renan :

" Une nation est une âme, un principe spirituel. Deux choses qui, à vrai dire, n'en font qu'une, constituent cette âme, ce principe spirituel. L'une est dans le passé, l'autre dans le présent. L'une est la possession en commun d'un riche legs de souvenirs ; l'autre est le consentement actuel, le désir de vivre ensemble, la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis. L'homme, Messieurs, ne s'improvise pas. La nation, comme l'individu, est l'aboutissant d'un long passé d'efforts, de sacrifices et de dévouements. Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime ; les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes. "

 

On trouve aussi sur la Toile des définitions de la nation qui ne reposent que sur la communauté politique :

« une communauté humaine identifiée dans des limites géographiques parfois fluctuantes au cours de l'histoire, mais dont le trait commun supposé est la conscience d'une appartenance à un même groupe »

(définition de Wikipedia)

Le fait que la nation repose sur une communauté culturelle et en même temps sur un adhésion consciente ressort dans d’autres définitions que j’ai pu relever :

« Définitions de la nation : Une nation est une communauté humaine ayant conscience d'être unie par une identité historique, culturelle, linguistique ou religieuse. En tant qu'entité politique, la nation, qui est un concept né de la construction des grands Etats européens, est une communauté caractérisée par un territoire propre, organisée en Etat

(définition de toupie.org )

« Ensemble de personnes vivant sur un territoire commun, conscient de son unité (historique, culturelle, etc.) et constituant une entité politique »

(définition de lemondepolitique.fr )

                Il y a donc au moins un critère qui ressort dans toutes les définitions : celui de la reconnaissance de la nation par ses membres. Même l’on pense que la nation, allemande par exemple, est posée par l’histoire, qu’elle est délimitée par une aire culturelle allemande objective, il faut encore que les allemands se reconnaissent comme tels. Maintenant, examinons les caractères des deux notions : traits culturels communs, volonté de vivre ensemble, libre consentement des membres de la nation…

Que sont des caractères communs ?

Généralement, on entend par « similitudes culturelles » le fait que toute une population suivrait une même religion (même avec des branches différentes, comme le catholicisme et les protestantismes pour la chrétienté, le sunnisme et le chiisme dans l’Islam), partagerait la même langue, ou aurait la même « organisation sociologique » (différenciant historiquement par exemple les bédouins arabes des syriens, tous arabophones et musulmans sunnites pourtant). On peut aussi évoquer la proximité des conceptions politiques (même si le seul exemple d’une nation se scindant pour cause de divergences politiques qui me vient à l’esprit est la sécession –avortée – du Sud des USA en 1860 ; et encore, on ne sait pas). Pourtant, de ce point de vue, on considérerait que la Suisse n’est pas une nation. Celle-ci fait pourtant preuve (malgré des conflits religieux du 16ème siècle jusqu’ay conflit du Sonderbund en 1847) au XXème siècle et aujourd’hui, d’une cohésion nationale très forte, incomparable à celle de la « nation » belge, pour prendre un exemple. L’exemple suisse illustrerait donc davantage la conception « française » de la nation que la notion « allemande ». Mais au fond, ces nations « multiculturelles» comme la Suisse n’en sont pas vraiment. De fait, plus que d’être trilingue, la Suisse est germanophone aux trois quarts de sa population (si l’on tient compte uniquement de la langue principale), et plus encore si l’on tient compte de l’allemand en tant que seconde langue. Le cas des afro-américains aux USA est aussi un exemple d’une minorité qui, culturellement, diffère fortement de la majorité du pays, surtout si l’on remonte aux premières générations d’esclaves. Mais cette minorité, malgré la continuation d’une culture (musicale, littéraire, langagière…) propre, n’en a pas moins intégré la nation américaine (états-unienne si vous préférez). Les afro-américains, en tant qu’artistes, sont même devenus largement exportateurs de la langue de l’état qui fut l’oppresseur de leurs ancêtres.

A l’inverse, une minorité qui refuse son intégration, fut-ce partielle, à la culture majoritaire de son état devient une source de fractionnement de la nation, comme l’est le Québec au sein du Canada. On peut aussi citer les nombreux états ex-coloniaux où la culture qui maintient l’unité politique n’est pas celle d’une majorité, mais l’ex-culture coloniale, sa langue du moins. En Inde, la langue hindi, celle d’au moins 40% des indiens et davantage en seconde langue, a même plutôt été un facteur de division, les états méridionaux du Sud de l’Inde ayant préféré conserver, après l’indépendance, l’anglais comme langue de communication fédérale. Sans cette langue coloniale, les différentes composantes du peuple n’ont plus guère de cohésion (comme l’a montré la guerre du Biafra, et la persécution de la minorité Ibo ; sans ses frontières coloniales et la langue anglaise, le Nigéria ne survivrait pas). De même, la diversité tant vantée des états de l’Amérique latine repose sur le fond commun hispano /lusophone et le catholicisme en partage de plus de quatre cent millions de personnes, qu’ils soient d’ascendance européenne, africaine ou amérindienne.

On peut donc objecter à la notion « subjective » de la nation qu’il n’y a pas de nation qui survive sans un modèle culturel qui en assure la base, et qui n’est pas choisi par les membres de la nation. Et à la notion « objective » de la nation qu’une minorité qui conserve ses particularités peut très bien soutenir ce modèle qui n’est pas a priori le sien. Ainsi, l’existence d’une langue basque qu’on ne peut rattacher à aucun groupe de langues du continent européen ne signifie pas pour autant l’existence d’une nation basque, plutôt que d’espagnols et de français de langue basque.

Peut-on croire à la nation choisie?

La nation vue comme « plébiscite de tous les jours » (expression d’Ernest Renan) m’a toujours amusé : le choix de continuer ou non d’être membre d’une nation est souvent un plébiscite où un seul bulletin de vote est disponible (et il s’agit du bulletin « oui » ; je parle ici de ceux qui restent sur leur terre d’origine, pas des migrants qui eux, « votent avec leurs pieds » pour une autre nation). Une région, une ville ne peuvent changer de nation que si la possibilité historique s’en présente, c’est-à-dire dans un cadre démocratique, largement absent d’Europe à l’époque où écrivait Renan. Même actuellement, les votes en faveur d’une sécession se produisent peu dans les états à longue tradition démocratique (on peut évoquer l’indépendance norvégienne en 1905, celle plus violente de l’Irlande en 1916). Les principales scissions d’états ont surtout eu lieu dans les  ex-colonies (surtout l’Amérique latine, relativement peu d’états sont apparus depuis 1945 en Afrique ou en Asie dont les frontières n’aient pas été dessinées par le colonisateur), et dans le bloc de l’Est. Dans ce dernier cas, l’éclatement des nationalités, en Tchécoslovaquie et URSS a aussi été une conséquence de l’idée qu’en se séparant dès que possible, les états jadis fédérés échapperaient au centralisme mortifère de l’ancien système de Plan. On en a vu les conséquences lors des premières épurations ethniques en Géorgie en 1992, puis en 2008.

Le cas yougoslave est plus particulier : la fin de l’état titiste a été la première occasion, depuis 1918, de remettre en cause les frontières laissées par l’empire Habsbourg (qui délimitaient toujours la Bosnie-Herzégovine occupée par l’Autriche-Hongrie depuis 1878, et donc largement la Croatie et la Serbie). La dénégation du pouvoir fédéral ne pouvait pas se baser sur des territoires ayant une majorité ethnique claire (comme la Slovaquie distincte de la Bohème –Moravie), la Bosnie-Herzégovine n’ayant pas de majorité ethnique du tout, et la Croatie ayant plusieurs régions a majorité serbe (Krajina et Slavonie). Le tout combiné avec le retour des souvenirs de l’état oustachi et des massacres de croates par les titistes en 1945, et l’appui allemand et a fortiori européen pour reconnaître ces futures « nations », donna la détonation que l’on sait.

Les scissions d’états, les proclamations de nouvelles nations, ces moments où il y a au moins deux choix dans le « plébiscite de tous les jours » de Renan, sont donc relativement rares, et interviennent dans des périodes de chaos où il apparaît intéressant, pour des élites politiques locales et une vaste partie de leur électorat, de proclamer l’indépendance. Le fait que les causes indépendantistes régionales, dans les pays démocratiques, se soient souvent arrêtées à des autonomies (comme en Espagne, mais là encore le sentiment autonomiste basque ou catalan est aussi renforcé par réaction au franquisme), ou à la reconnaissance formelle de la « nation » (comme la « nation québécoise », reconnue par le Canada qui avait de toute façon déjà une structure fédérale) montre qu’une nation ne se crée que s’il y a un véritable intérêt politique derrière, et pas uniquement parce qu’un « riche legs de souvenirs » (citation de Renan plus haut). On pourrait dire : c’est le futur qui fait une nation, plus que le passé. On a vu ainsi, à la fin du XXème siècle, vu surgir des nations qui n’avaient soit pas d’antécédents historiques récents (la Biélorussie), ou avaient été très peu longtemps indépendantes (les pays baltes). On était là moins dans la restauration d’un passé glorieux que dans un plan sur l’avenir : s’intégrer à l’Europe capitaliste pour les pays baltes, maintenir un pouvoir de type soviétique en Biélorussie. C’est moins une nation que l’on choisit qu’un projet politique (qui a aussi son contenu de classe : qui imaginerait les peuples baltes refaire une révolution prolétarienne ? Quand bien même ils le voudraient, que pourraient-ils, à huit millions sur trois états ?).

 Quel est le rapport entre nation et état ?

En créant leurs états, bien plus que de ressusciter un héritage, les baltes ou encore les slovènes ont surtout exprimé leur adhésion à une entité politique qui dépasse de loin leur état, qui est l’Europe capitaliste, et a fortiori l’hégémonie américaine. Certains de ces pays, comme la Lettonie, ne disposaient pas même d’armée pour assurer leur défense (alors que le rôle premier d’un état est justement de disposer de la force brute). C’est là que l’on voit apparaître une autre brèche dans l’idée de la nation comme communauté consciente d’elle-même et dont les membres choisissent de rester ensemble.

                Je désignerai par « nation anglo-saxonne », dans la suite du texte, l’ensemble formé par les USA et le Royaume-Uni, de fait également par l’Australie et la Nouvelle-Zélande, ainsi que le Canada (et on peut y rajouter l’Irlande), soit l’espace appelé par certains géographes « anglosphère », qui, outre la langue anglaise en partage (bémol pour le Canada donc), a fait preuve, sur le long terme, d’une solidarité militaire (qui n’était pas évidente au XXème siècle de par l’isolationnisme américain), et d’une proximité idéologique (qui, sur l’ensemble du siècle, malgré le New Deal aux USA et l’expérience travailliste jusqu’en 1979 au Royaume-Uni, s’est manifestée par le retour à un bipartisme centre droit / droite).

                Il faut distinguer la nation ressentie de la nation de fait. Par exemple, l’Irlande a incontestablement une identité forgée dans le souvenir celte et la lutte contre l’occupant britannique. De fait, pourtant, l’Irlande restera toujours, de par sa taille, dépendante de la puissance militaire anglo-saxonne. C’est au paravent naval britannique que l’Irlande doit sa neutralité tranquille pendant la seconde guerre mondiale. Sur le plan culturel, l’anglais restera la langue de fait de l’Eire. Généalogiquement, il y a un nombre de descendants d’irlandais vivant aux USA dix fois supérieur à la population de la République d’Irlande. Le même constat peut se faire sur les pays d’Europe du Nord, qu’il s’agisse par exemple de la Norvège (qui ne pouvait compter que sur l’aide –infructueuse- de la marine anglo-française pour se protéger de la menace allemande en 1940) ou des autres pays nordiques, qui ont incontestablement des identités culturelles propres, mais, en raison de leur petite taille, ont également conscience d’être des marges arrière de la nation anglo-saxonne (surtout au cours de la guerre froide). Entre 80 et 100% des populations scandinaves sont anglophones, au moins de niveau scolaire, quand ces proportions restent inférieures à la moitié du peuple allemand, ou plus faibles encore des italiens et des français. Rien ne prédestinait cependant par exemple la Suède à être l’un des plus grands exportateurs de musique anglophone dans le monde : elle n’est pas le seul petit pays pour qui l’anglais est une langue étrangère inévitable. Rien n’empêchait l’Irlande de se re-gaëliser, et de redevenir bilingue.

                Le fait que l’Irlande ou l’Europe du Nord ne puissent pas exister militairement, économiquement et politiquement sans l’alliance (et l’hégémonie) anglo-saxonne illustre le fait que la nation ressentie (on se sent irlandais ou suédois) finit toujours par être affectée par la nation de fait (on est habitant d’une marge arrière de la nation anglo-saxonne, et la présence de la culture anglo-saxonne est acceptée bien au-delà du seul « mal nécessaire »).

                Le Royaume-Uni lui-même, qui n’a jamais eu la prétention de fonder sa domination passée autrement que sur les canonnières (et secondairement sur le commerce et la finance), en devenant de plus en plus dépendant militairement des Etats-Unis, est-il vraiment lui-même une nation distincte des USA (dont la langue est en réalité très peu différente de l’anglais britannique) ?

                L’état est un instrument de puissance dont le but premier est de dissuader un pire état de survenir. Des états trop faibles pour exister par eux-mêmes (les petits états d’Europe) ou ne désirant plus agir indépendamment (le Royaume-Uni), s’associent entre eux ou autour d’un état plus grand (les USA), formant une entité politique de fait (les USA et leurs plus proches alliés de l’OTAN, la nation anglo-saxonne, etc…). La nation, au fond, est le versant culturel de l’état, de l’entité politique, ou de la communauté politique potentielle. N’étant pas encore totalement inféodée à la politique des Etats-Unis, disposant encore d’un poids culturel et démographique relativement élevé, la France peut encore prétendre au statut de nation : ce n’est pas tant son identité culturelle qui est affaiblie, loin de là, mais sa puissance politique, médiocre, qui fait qu’une partie de sa population (et la grande majorité de sa classe politique) s’est laissée amadouée par l’idée d’une (super-)nation de remplacement (« l’Europe », ou de fait l’Euro-Amérique via l’OTAN). Les européistes manifestent leur volonté de créer cette sur-nation de façon symbolique (en se dénommant non plus « français », mais en se disant « européen de nationalité française » - la nationalité n’étant plus qu’une formalité administrative pour eux) et par des propositions concrètes (le référendum paneuropéen pour les traités, pour acter d’entrée de jeu la fin de la France en tant que nation souveraine).

                D’autres groupes humains, les kurdes par exemple, n’ont pas d’états, et très peu d’alliés pour en constituer un (même l’alliance avec l’occupant américain en Iraq n’a pas permis d’aboutir à un état kurde – pour l’instant), alors que le poids démographique des kurdes (30 millions de personnes) et la détermination politique (justement renforcée par le fait qu’il n’y a pas d’allié à qui se confier) sont bien présentes pour créer cet état (un Kurdistan regroupant tous les kurdes serait un état de taille tout à fait respectable au sein du Moyen-Orient, dépassé seulement en population par l’Iran, la Turquie et l’Egypte). Les peuples colonisés d’Afrique ou d’Asie ont également reconstitué leurs consciences nationales lorsqu’il devint évident que les conquérants européens n’étaient pas assez nombreux pour submerger leur culture et les empêcher de reconstruire leur puissance au travers d’états indépendants.

                Un pays comme le Japon, qui n’est ni négligeable par sa population ou son originalité culturelle, se trouve dans un cas particulier, qui est celui de la démission de la puissance, depuis 1945. Le Japon (dont la constitution interdit théoriquement d’avoir une armée) n’a envoyé que des contingents très faibles en Irak au côté des USA. Sa force démographique (en grand péril faute de natalité), culturelle et économique font qu’il n’intègre bien sûr pas la nation anglo-saxonne, mais cela n’est permis que par l’absence de menace vitale immédiate (personne n’essaie de conquérir ou coloniser le Japon actuellement). Si tel état le cas, la sécurité japonaise étant remise entre les mains des USA depuis 1945 (ce que la France a en grande partie défait en se dotant de l’arme nucléaire), l’avenir de la nation japonaise s’en trouverait compromis.

                On peut donc conclure sur la relation entre nation et état : de la même manière que l’état a pour but premier la puissance, la nation se doit aussi d’être une puissance culturelle. Lorsque cette puissance est trop faible (cas de la culture gaëlique), elle s’intègre de fait dans une nation plus puissante (anglo-saxonne ou « euroaméricaine »), ou menace de le faire (ce qui n’est pas encore le cas de la nation française). La nation a donc besoin de l’état (ou du système d’états, comme l’est l’OTAN, du moins les états les plus fidèles aux USA) pour exister, sur le long terme. Une nation qui perd l’espoir de recréer un jour une puissance politique autonome cesse d’être une nation. Bien qu’il ait été reconnu formellement comme une nation, on peut se demander si le Québec, qui a renoncé par deux fois à son indépendance (et n’aurait guère eu d’autonomie réelle s’il l’avait votée) est réellement une nation, mais plutôt une minorité de la nation anglo-saxonne. Je passe certes rapidement sur le fait que le vote de la minorité anglophone fut déterminant dans le refus de l’indépendance en 1995. Mais 1) le Québec, pour s’affirmer comme nation, doit aussi rallier ses minorités à ce projet, à moins de vouloir un état « linguistiquement purifié » ; 2) le fait que l’indépendantisme n’ait pas été plus fort chez les francophones montre que la détermination des québécois était insuffisante pour constituer une nation.

                On peut donc répondre à ceux qui veulent enseigner dans les écoles une histoire faite « de plusieurs points de vue », un pour chaque minorité (des bretons aux antillais en passant par les vendéens) que l’histoire d’une nation est avant tout l’histoire d’une puissance. Il est pertinent de vouloir une histoire plus riche en faits sur la violence dans une région, colonie, ou contre une minorité, mais ces faits doivent rester des points de l’histoire de cette puissance. Si l’on enlève ce critère de la puissance, on peut multiplier indéfiniment les points de vue, et il n’y a plus de manuel d’histoire plus pertinent qu’un autre.

Une autre définition de la nation

Résumons : nous avons dit que la nation n’est pas définie par une similitude culturelle sur tous ses membres, mais sur un modèle culturel qui, même s’il n’est que majoritaire, voire simplement hégémonique (comme une langue coloniale), reste approuvé par tous, pour communiquer d’un bout à l’autre de la communauté politique, ainsi qu’entre le particulier et l’état. Ensuite, la nation vue comme communauté de vie est rarement « choisie », puisque cette communauté nait ou disparaît le plus souvent par la force, et dans des périodes de chaos. Enfin, que la nation « de fait », tant sur les plans du pouvoir politique, du « vivre-ensemble » ou même le plan culturel, peut dépasser les états et les frontières linguistiques ou mêmes religieuses, et qu’on peut identifier une nation à l’entité qui est de fait, capable de défendre le modèle culturel hégémonique.

Je propose alors cette définition personnelle de la nation :

« Communauté humaine :

-           regroupant un état, plusieurs états, ou aucun état mais ayant l’espoir d’en (re)constituer au moins un ;

-          qui reconnaît un modèle culturel (linguistique, religieux) comme hégémonique (mais pas forcément généralisé à toute la communauté);

-          et qui dispose ou pourra disposer des moyens matériels pour le défendre ;

-           et dont la grande majorité des membres a conscience de faire partie de cette communauté, et approuve de fait les caractéristiques précédentes».

 

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1 octobre 2009 4 01 /10 /octobre /2009 23:38

 

Laibach, Life is Life, Album Opus Dei, 1986

Ce clip caricatural (d'un groupe qui n'est pas fasciste en fait, et qui parodie une chanson pop en la transformant en air "totalitaire") servira juste à faire jaser tout ceux qui crient au fascisme dès qu'on prononce le mot "nation"...

Il s'agit d'un article que je souhaitais faire depuis longtemps, pour poser quelques remarques et définitions sur ces quatre notions et les liens qu'elles entretiennent. Un commentaire de nationalistejacobin d'il y a quelques semaines sur le rapport entre marxistes et nations m'en a rappelé le projet. Dans ma démarche, je commence par la notion d'Etat. La partie sur la nation, deux fois plus longue, vient demain.

Pourquoi cet article ?

Il va être plus généralement question de tout ce que les gauchistes, anarchistes, « libertaires » haïssent : l’Etat, la Nation, l’identité, et aussi le racisme. Cet article sera un article de définitions, afin de poser clairement ce qui pourrait (ou même devrait) être su par tous. Qui n’a jamais entendu un gauchiste lui expliquer que le monde réellement libre et moderne aurait aboli états et nations ? Combien de gens ont été eux-mêmes ces gauchistes ? Et le marxisme ne prophétise-t-il pas, finalement, l’abolition des états dans la phase révolutionnaire ultime que serait le communisme ?

 

Cette série va surtout service de référence pour ne pas avoir à répéter les mêmes arguments lorsqu’on devra répondre aux questions suivantes :

-       A-t-on besoin d’Etat ? Quel est son rôle admissible ?

-       Qu’est-ce qu’une nation ? En a-t-on besoin ? Quelles causes nationales doit-on défendre ?

-       Qu’est-ce que le racisme, et qu’est-ce qui n’en est pas ?

 

J’écris aussi cet article alors que je lis « Le mythe national » de Suzanne Citron. Cette historienne recense, dans la première partie de son livre, une véritable anthologie de la construction, au travers des manuels d’histoire, de le République, en remontant jusqu’à Jules Michelet, d’un récit qui  fait de la France une entité éternelle, sans commencement, sans fin possible, et présentée comme une personne. L’histoire nationale a été enseignée pendant des décennies comme le roman des rois, des généraux et autres héros bâtissant un pays magnifié, la France « soldat de Dieu », « soldat de la Liberté », « soldat du Monde », porteuse de « la parole de Dieu auprès des autres nations », en faisant l’impasse sur la violence des conquêtes et répressions internes, voire en les justifiant, en minorant voire ignorant certaines minorités, ou des passages entiers de l’Histoire (notamment la colonisation, présentée sous son seul « aspect positif »). L’auteure exprime clairement ses intentions, dans le quatrième de couverture, en écrivant : « Cette nouvelle édition du Mythe National s’attache, en s’appuyant sur la rigueur du travail historique, à revisiter le passé pour donner sens à une France aux multiples racines, membre de l’Union Européenne, morceau de la planète et segment de l’histoire humaine. »

Il est normal, et même banal, de déplorer une histoire « écrite par les vainqueurs ». Mais, sur le fond, si l’on peut s’accorder sur le fait que les manuels d’Histoire pourraient et devraient s’appesantir davantage sur la violence des guerres européennes et coloniales menées par la France, sur la traite négrière, ou plus généralement sur la vie quotidienne des peuples, plutôt de que considérer l’Histoire comme un jeu de souverains maniant des pions sur une carte, il n’en reste pas moins que les indignations de Suzanne Citron laissent parfois songeur.

Pourquoi faudrait-il absolument consacrer des paragraphes  de nos manuels scolaires à chaque minorité ayant participé à l’Histoire de France ? Une page pour les noirs esclaves, une page pour les peuples coloniaux, arabes, noirs, indochinois, une page pour les cathares, les juifs, les protestants, puis pour les basques, corses, bretons, occitans…On imagine l’effroyable foire d’empoigne et la surenchère mémorielle qu’occasionnerait la rédaction d’un manuel d’histoire « juste ». Car, rappelons-le, un manuel destiné aux lycéens et collégiens ne peut avoir la taille d’un bottin. Et surtout cette vision de l’Histoire induirait une vision de la France comme une simple collection ou « métissage » de communautés diverses.

Ensuite, est-il forcément pertinent de vouloir remplacer l’Histoire « franco-centrée » par une histoire « de l’Europe » ou « du Monde » ? Rappelons qu’un cours d’Histoire n’a pas seulement pour vocation d’informer l’élève sur le monde dans le monde où il vit (auquel cas on pourrait même privilégier l’histoire de l’Univers !), mais aussi de l’intégrer à la communauté civique (que ce soit dans un état prolétarien ou bourgeois). A titre personnel, il m’insupporte d’entendre des gens ricaner à propos d’une histoire nationale qui enseigne « nos ancêtres les gaulois » aux enfants antillais et réunionnais. Les élèves doivent avant tout comprendre dans quel état ils vivent, pourquoi le chef-lieu de la Martinique se nomme Fort-de-France, pourquoi ils font cours en français, et d’où vient la déportation des africains dont ils descendent (partiellement). Donc oui, en premier lieu, ils doivent apprendre l’histoire des gaulois, des romains et des francs. Ensuite, est-ce un crime que de préciser que certaines nations ont plus façonné le monde que d’autres ? Que la Grande-Bretagne a joué un rôle plus décisif que l’Afghanistan ou même le Japon ? Que la colonisation n’était pas « européenne » mais britannique, française, ibérique, et plus marginalement allemande, néerlandaise ou italienne ? Que ce sont la France et le Royaume-Uni qui ont un siège au Conseil de Sécurité de l’ONU, pas « l’Europe » ? Pour avoir un aperçu de l’Histoire du Monde, il faut avant tout comprendre l’histoire de certains états, à commencer par le sien. On peut se contenter d’une très générale « histoire du monde », sans un focus sur certaines puissances nationales. Même si, dans l’idéal, il faudrait pouvoir étudier chaque pays.

                Mais cet idéal est justement inaccessible. Faut-il rappeler à  quel point il est difficile d’inculquer une connaissance basique de l’Histoire à toute la population ? Qu’un quart d’une génération née dans les années 1980 ne se présentera pas au bac, et qu’un tiers ne l’aura pas eu jusqu’à aujourd’hui ? Oui, nous parlons bien de ce fameux baccalauréat « qui ne vaut rien », « qu’on donne à tout le monde », etc…

                Le livre de Suzanne Citron marque une répugnance pour une historiographie  qui justifie les conquêtes de l’état français, royal puis républicain. Pour ma part, cela ne me choque pas. Bien qu’attaché à la paix, je ne peux que constater qu’aucun état ne s’est construit sans violence. Et que le rôle d’un état, c’est avant tout de chercher la puissance (oui oui, c’est au moins aussi important que de fournir la santé et l’éducation). Il y aura toujours des imbéciles pour crier au fascisme dès lors qu’on évoque la « volonté de puissance », mais c’est là qu’est l’enjeu essentiel de l’état. Et pas forcément pour une seule classe, et cet enjeu de la puissance n’est pas nécessairement réductible à la lutte des classes…

               Commençons maintenant nos définitions. Abordons, en premier lieu, non pas la Nation, mais l’Etat

Etat

L’état désigne la structure humaine détentrice d’autorité, appuyée par la force brute, qu’elle est généralement la seule à détenir, et dont la souveraineté vaut sur un territoire plus ou moins précisément délimité.

Les marxistes et l’Etat

C’est en lisant l’Etat et la Révolution de Lénine que j’ai pu confirmer ce que je pensais des convictions des marxistes sur la possibilité d’une société sans Etat : elles sont d’une confondante naïveté. Les marxistes considèrent que l’Etat, dans les sociétés industrielles –ou même féodales- qu’ils étudient, est l’instrument d’oppression utilisé par la classe dominante contre les classes opprimées. En ce point, ils ont raison. Le sophisme est de partir de ce fait actuel pour en déduire que l’Etat n’est que cela, et que dans une société sans classes, l’Etat n’existerait donc plus. Croyance apparemment vérifiée par l’existence de sociétés vivant sans état. Sauf que ces sociétés là sont peu exemplifiées dans le livre de Lénine : quelles sociétés auraient développé des civilisations complexes, une production scientifique poussée, sans état ? Les aztèques, incas, mayas, avaient des formes plus ou moins lâches d’état. Et elles ont fini par s’effondrer sous le coup d’une société (espagnole) hiérarchisée qui avait atteint une puissance militaire supérieure. Les expériences anarchistes modernes (Catalogne, Ukraine – deux cas que Lénine et Marx n’avaient pas pu connaître en écrivant leurs ouvrages) ont fini en déroute militaire. On peut croire que, si l’état n’existait pas, la majorité des êtres humains, débarrassés de l’oppression de classe, respecteraient « naturellement » certaines prescriptions morales, sans y être contraints par une quelconque police autre que la milice ouvrière autogérée. Lénine prend exemple sur le fait qu’on n’a pas besoin de policiers pour que les hommes, dans leur majorité, s’interdisent que « l’on rudoie une femme » (l’Etat et la Révolution). Pour les cas de criminels pathologiques, de déviants que même la société la plus juste et la plus confortable du monde n’aura su dissuader de commettre des crimes, la milice ouvrière assurera l’ordre sans aucun édifice étatique. On peut y croire.

Peut-on vivre sans Etat ?

Le problème, c’est : même dans une société, voire un monde, d’où les états auraient disparu, comment empêcher que les états ne réapparaissent, si une minorité d’individus armés et aguerris décident de les réinstaurer pour devenir la nouvelle classe dominante ? En effet, qui saurait dissuader un groupe d’hommes experts en arts de la guerre de monter des mafias, de s’approprier les biens, les terres, les revenus, les personnes ? S’ils sont bien organisés et offensifs, ils peuvent défaire les milices ouvrières, acheter des complicités, remettre en marche un appareil industrialo-militaire, et étendre leur pouvoir.

Le problème de l’état est le même que celui des armes à feu : la question n’est pas de savoir comment cela se passerait si l’état ou les armes n’existaient pas (nous vivrions dans un monde de paix), mais comment faire sachant que l’état et les armes existent, et qu’il y a au moins une minorité d’individus qui en disposent. Si personne n’avait d’armes, tout serait parfait, mais il y a des gens qui en ont et savent en produire, donc il nous faut en avoir nous même. Il en va de même pour l’état.

Et pourquoi pas un état mondial pour réconcilier l’humanité, comme le proposait Albert Einstein au lendemain de la seconde guerre mondiale ? Ne serait-ce pas là le but final de la révolution socialiste (Einstein était socialiste à cette époque), et le seul moyen de parer au risque de guerre nucléaire ? Je pense exactement le contraire : un gouvernement mondial, même initialement démocratique, signifie la possibilité d’une dictature mondiale. Si un pays, une région, ou même un continent entier décide de se soulever contre un pouvoir autoritaire mondial, elle se retrouve seule contre le reste de la planète. Et pire encore : si les rebelles ne possèdent pas l’arme atomique, au contraire du régime mondial, ce dernier peut sans problème anéantir les rébellions à coup de champignons nucléaires, alors que la coexistence de plusieurs grandes puissances atomiques a jusqu’à présent dissuadé un tel conflit.

               Certains libertariens ont l’absurde idée de compiler les crimes commis par des états, qu’ils fussent staliniens, nazi, fascistes, colonialistes, ou autres, et d’en déduire que l’état est une menace majeure pour l’humanité. Sauf que, sans état, comment bloquer la progression du fascisme ? Sans les états soviétique et américain, comment vaincre l’état nazi ? Sans l’état vietnamien, comment vaincre l’état khmer rouge ?

L’anarchisme porte dans ses propres idées sa défaite. Ce qui me différencie des marxistes est, entre autres choses, que je ne crois pas en la possibilité de la société moderne sans état. Il peut, et un communiste ne peut que le vouloir, y avoir une société sans propriété privée opprimant le prolétariat, et de fait, plus de classe capitaliste pour exploiter la classe prolétaire. Mais la société sans aucune distinction de classes me semble irréalisable, car les fonctionnaires, en tant qu’agents de la puissance publique et donc de son monopole de la violence, seront toujours légèrement distincts des prolétaires par leur mode de rémunération (non-marchand, pas forcément lié au résultat – comment évaluer la productivité d’un militaire en temps de paix ?), même si cette différence deviendra ténue dans le socialisme.

Le pacte premier qui existe entre un état et le peuple, c’est donc la sécurité en l’échange de la discipline des citoyens, sécurité contre les autres états ou tentatives de créer des états adverses par scissions internes. Par « peuple », j’entends en fait en premier lieu la classe dominante (la classe capitaliste), mais aussi les autres classes, car même le prolétariat, en régime capitaliste, a intérêt à se prémunir contre le risque d’invasion. On pourrait même dire : les classes opprimées ont en fait plus besoin encore de cette protection d’état que les dominants : les possédants, eux, ont quelque chose à négocier avec un éventuel envahisseur. Le problème est justement que les classes opprimées ne contrôlent pas cet état. Et, comme nous l’avons vu plus haut, un état mondial unique n’est pas souhaitable. Les prolétaires eux-mêmes, même lorsque les classes capitalistes auraient été dissoutes, auront toujours besoin de plusieurs états luttant chacun pour éviter d’être soumis aux autres. L’existence de l’état n’est donc pas un produit de l’affrontement des classes, mais une nécessité extérieures aux classes (encore une différence avec le marxisme).

Dans un état socialiste, la santé, l’éducation et l’aide sociale en général pourraient être gérées par des travailleurs assemblés distinctement de l’état. Le premier des devoirs de l’état est donc, bien avant la solidarité et l’intervention sociale, le devoir de puissance. Ce qui se heurte d’emblée avec l’existence d’états nains reposant seulement sur une plus ou moins vague « spécificité culturelle » ou « sentiment d’appartenance nationale» des habitants de son territoire. Ainsi, peut-on considérer que la création d’un état peuplé comme un département français (par exemple, l’Estonie) est cohérent avec l’objectif de puissance ?

 

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20 juin 2009 6 20 /06 /juin /2009 23:37

 

 



Il y a un mois et demi seulement, avec le 8 Mai, survenait le 64ème anniversaire de la capitulation de l’Allemagne nazie, mais aussi de la répression de Sétif. Suite à divers affrontements qui ont abouti à la mort d’une centaine d’européens en Algérie, des dizaines de milliers d’algériens « musulmans » (nom donné génériquement aux non-européens) étaient abattus par l’armée française. 45 000 selon le régime algérien qui devait prendre le pouvoir 17 ans plus tard, 18 000 plus probablement selon les historiens.

Aujourd’hui, des voix s’élèvent pour qu’en plus de la reconnaissance historique, la République Française demande le pardon pour ces actes. Ce qui va, de fait, dans le même sens que les demandes d’excuses lancées par le FLN (par le président algérien Abdelaziz Bouteflika notamment) que la France devrait donner pour l’ensemble de la colonisation de 1830 à 1962.

Bien que classé en rubrique « Histoire » de ce blog, cet article ne va pas discuter les faits historiques, ce qui exclut bien sûr les mensonges tels que le chiffre d’un million et demi de morts qu’aurait fait la guerre d’Algérie parmi une population de neuf millions d’algériens non-européens, les chiffres réels tournant plus entre 300.000 – selon l’historien Charles-Robert Ageron – et 600.000 – selon André Prenant, géographe, qui se base sur des différences démographiques avant et après-guerre pour avancer ce chiffre.

Cela peut paraître surprenant de la part d’un militant de gauche, mais je le dis tel que je le pense : la France, en tant que nation, ni même en tant que République et donc en tant qu’état, n'a pas d'excuses à donner.

Déjà, attardons-nous sur la mentalité de ceux qui peuvent exiger des excuses « à la France » (à présenter à qui ? A l’ « Algérie » ? Aux victimes de cette répression, morts et proches ?). La France est une nation de 64 millions de personnes, et de 40 millions en 1945. L’immense majorité des métropolitains ignoraient les conditions de cette répression et ses effets réels. Et aujourd’hui, la majorité des français sont nés après 1945, et la moitié au moins après 1962. Quant à la République Française, son état donc, elle est présidée par un homme né dix ans après les faits, et conseillé par une majorité de gens qui pouvaient être au mieux enfants à cette époque. L’Algérie, quant à elle, a une grande majorité de ses 35 millions d’habitants qui sont nés après son indépendance.

Vous vous doutez de l’argument, donc ? Oui, j’estime que demander des excuses à « la France » n’a en soi aucun sens, car les générations ne sont plus les mêmes. Facile, me direz-vous ? Oui, aussi facile que de se déclarer non-coupable quand on est effectivement non-coupable, comme la grande majorité des français le sont. Irrespectueux à l’égard des victimes ? Le seul traitement respectueux que l’on peut donner à ces victimes – pour ceux qui sont toujours vivants – est la reconnaissance historique des faits. Le pardon n’a pas de sens, d’autant plus qu’il ne serait pas demandé par les véritables bourreaux.

Ceux qui formulent ces demandes d’excuses raisonnent selon l’idée qu’il y aurait des nations coupables et d’autres victimes, ce qui peut être vrai à une ou plusieurs générations, mais qu’en plus la culpabilité comme la victimisation se transmettraient de génération en génération ! L’idée d’une responsabilité collective est l’une des bases de la pensée dictatoriale, totalitaire même. Les demandeurs d’excuses pourront dire ce qu’ils voudront, par leur démarche, si la France devait donner des excuses, que ce soit en tant que Nation ou en tant que République – dont je suis citoyen, électeur et contribuable-, c’est bien moi, et des millions d’autres gens qui n’avaient pas vu le jour à cette époque, qui devraient s’abaisser à demander le pardon pour ce dont ils ne sont pas coupables. Et demander l’amnistie pour ce dont on n’est pas coupable est l’une dernières ignominies qui soit. La première étape, lorsque l’on veut être démocrate, est de comprendre que la culpabilité est individuelle (même si elle est partagée par un grand nombre de gens), ou encore celle d’un gouvernement, mais elle ne se transmet pas, ni à un contemporain, encore moins à un descendant.

La responsabilité du peuple français d’avant 1962

Vous me direz : ce que tu dis est peut-être valable pour ce qui est d’un massacre ponctuel comme Sétif, mais pas pour l’ensemble de la colonisation de l’Algérie, qui a duré 130 ans, et contre laquelle les français, en métropole, ne se sont jamais soulevé. Et c’est vrai : oui, le peuple français aurait pu, en 1945 mais aussi avant (enfin à l’exception de l’époque précédent le rétablissement de la République en 1870, ainsi que l’Occupation bien sûr), manifester son souhait que l’Algérie puisse bénéficier de l’autodétermination.

A cela près qu’il fallait encore qu’il soit évident que l’Algérie soit pour les français une nation distincte de la leur. Le Parti Communiste Français a lui-même pris du temps avant de s’engager pour l’indépendance algérienne. L’organisation de l’Algérie côtière en départements français, la présence d’une population européenne, la diversité de la population (entre arabophones et berbères) faisaient que l’issue d’une intégration de l’Algérie à la France n’était pas impensable. Si les français avaient dû manifester, ce n’aurait pas été pour l’indépendance de l’Algérie, ni même pour l’autodétermination, mais pour l’intégration des algériens « musulmans » au corps électoral français (où ils auraient été,  à l’époque,  très minoritaires par rapport aux métropolitains). La demande d’autodétermination serait venue ensuite. La réalité coloniale restait celle où presque tous les algériens non-européens restaient exclus des urnes, à l’exception des juifs algériens (implantés depuis plusieurs siècles au moins, d’origine hispanique pour certains d’entre eux) naturalisés français par le décret Crémieux, et de quelques milliers de « musulmans ».

Ajoutons aussi que vouloir l’autodétermination d’un pays n’a de sens que lorsqu’une démocratie peut raisonnablement sortir de ce processus d’autodétermination par une voie démocratique. Donner l’indépendance à une dictature a peu d’intérêt.

Et je soutiens cette position parce qu’au fond, je ne suis pas un « anti-impérialiste ». Je me définis comme communiste, pas comme anti-impérialiste : bien que souverainiste, j’estime qu’il y a des principes dont la défense surpasse le respect des indépendances nationales.

La faute de la République Française est de ne pas avoir proposé l’autodétermination plus tôt qu’à la fin de la guerre d’Algérie. Cela a eu pour conséquence que les mouvements indépendantistes se sont engagés, prétextant de ne pas avoir d’autre voie, dans la violence armée, face à un pouvoir colonial dont la violence était systématique (héritée des débuts de la colonisation, via également les sanglantes campagnes de répression de Bugeaud à la fin du XIXème siècle). Mais les pratiques par lesquelles les indépendantistes algériens – et en premier lieu le FLN- se sont illustrés ne pouvaient que préfigurer ce que serait l’Algérie indépendante : assassinat de civils, de militants algériens déviants, tortures et même massacres répétés à la fin de la guerre (dont Oran en 1962). Ayant commencé sur cette voie, le FLN ne pouvait en aucun cas se soumettre au jugement des civils, et donc la dictature prolongée était inévitable.

Ce qu’aurait pu faire la France dans une histoire parallèle aurait été un suffrage d’autodétermination sous contrôle des armées soit française, soit des Nations-Unies (or le précédent de la guerre de Corée signifiait que les forces de l’ONU ne seraient généralement que celles d’un état occidental), probablement des français sous casque bleu. Et probablement, à la clé, le désarmement voire si nécessaire l’écrasement militaire des factions indépendantistes pour lesquelles le résultat des urnes n’aurait pas désigné le gouvernement voulu.

Donc en conclusion : oui, la majorité des français, « l’opinion publique » des années cinquante et antérieures, porte la responsabilité de son accord passif à la colonisation de l’Algérie. Mais on ne peut leur reprocher de ne pas avoir soutenu l’indépendance de l’Algérie quand son intégration civique à la France aurait pu aussi s’envisager.

Des réparations, mais de qui ?

Mais surtout, cela ne change rien au fait qu’une demande de pardon de la France de 2009 n’aurait aucun sens au nom de la France de 1945 ou même de 1962, principalement pour la raison du changement de génération évoqué plus haut.

Notez qu’à l’inverse, je ne demande pas d’excuses aux allemands – puisque je suis né 40 ans après leur expulsion de France – pour ce qui s’est passé pendant la Seconde Guerre Mondiale. Et pourtant, ces excuses, l’Allemagne fédérale a sans doute dû les fournir, puisqu’elle en a fait à tout le monde. Mais ça ne m’intéresse pas de savoir cela. La seule chose qui compte est de savoir que la menace allemande a disparu, au moins sur le plan militaire, et que la France s’est dotée de moyens de défense beaucoup plus sûrs, à commencer par l’arme nucléaire.

Aussi, la seule question qui devrait, en 2009, être posée concernant les victimes (blessés, parents, proches…) des évènements de Sétif devrait être celle de réparations matérielles. Or, pour rester cohérent avec les idées précédentes, pourquoi le contribuable français de 2009 aurait-t-il quelque chose à verser à des algériens qu’il n’a jamais connu, ni offensé ? On ne peut même pas dire que l’oppression de l’Algérie ait rapporté quelque chose au plus grand nombre des français. Les dépenses militaires, les dépenses d’infrastructure, et à l’inverse le faible peuplement européen outre-Méditerranée faisaient que la France s’enrichissait peu de l’Algérie, en réalité (et perdait de l'argent probablement: ce qui est certain, c'est que l'indépendance algérienne n'a en aucun cas pénalisée l'économie française).

Ceux des français qui, à titre personnel, et de façon plus moins directe, se sentent coupables d’évènements ayant eu lieu en Algérie avant 1962 devraient être autorisés à déposer des excuses individuelles, et pourquoi pas des dons. Mais cette démarche n’aurait aucun sens de la part du chef de l’Etat, et de la République dans son ensemble.

Pour tous les crimes dont les coupables ne sont plus en vie, vu que la culpabilité ne s’hérite pas, on pourrait aussi songer à une indemnisation internationale abondée par tous les états à hauteur de leur revenu intérieur par habitant. Cette idée est bien sûr utopique, aucun état n’acceptera sans doute d’indemniser les survivants de drames causés par d’autres en d’autres lieux. Pourtant, si la France proposait cette solution, il ne s’agirait en aucun cas d’un moyen de se soulager, puisque cette idée pourrait nous mener à envoyer des réparations à des survivants du massacre de Bleiburg (commis par les titistes en Slovénie en 1945) ou de crimes commis sous Staline dans les années 30.

En finir avec les excuses…

Elle nous soulagerait d’une culpabilité morale, et ce à juste titre. Car, une fois encore, je ne suis pas coupable,  comme ceux nés vingt ans avant moins, et aussi, largement, ceux nés vingt ans encore auparavant (c’est-à-dire les français nés en 1945).

Je terminerai cet article justement en posant la question des excuses et du pardon en général. Depuis notre plus tendre enfance, nous apprenons à présenter nos excuses quand nous avons commis une faute. Est-ce juste, en fait ? La reconnaissance de la faute, l’engagement à ne plus la commettre et l’acceptation d’une punition et de l'envoi de réparations ne sont-ils pas suffisants ?

Demander un pardon, c’est se soumettre au mythe de la supériorité morale de la victime sur le coupable. Alors que rien ne prouve que la victime n’est pas également un bourreau interrompu avant exécution… Et cette contrition sert à réintégrer le coupable dans la communauté, alors qu’il y est de toute façon : s’il reconnaît sa faute et accepte sa punition mais refuse de demander le pardon, alors pourquoi le coupable devrait-il être exclu de la société des humains ? Et en quoi une demande de pardon protège-t-elle d'une récidive?

A titre personnel, je ne demande jamais d’excuses à personne, même quand je le pourrais. J’ai trop souvent présenté des excuses à des gens qui ne les méritaient pas, pour des prétextes infondés, mais qui en exigeaient pour satisfaire leur soif de domination morale sur autrui. De la même manière, un algérien qui exigerait de moi des excuses au simple motif que je suis français ne ferait que prouver sa haine de la France.

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13 janvier 2009 2 13 /01 /janvier /2009 21:23


Aujourd'hui, bonne nouvelle: les bons chiffres de la natalité en France se maintiennent, nous avons eu plus de 800.000 naissances en 2008, notre indice de fécondité conjoncturel* serait à 2,02, ce qui nous placerait en tête du continent européen (ce qui m'importe peu, nous sommes de toute façon au coude à coude avec l'Irlande et la Suède, deux pays forts sympathiques, l'un pour son rejet du traité de Lisbonne, et l'autre pour son refus de l'Euro et son excellente scène métal).

Alors certes, ces informations ne doivent pas faire plaisir aux partisans de l'extinction de l'espèce humaine (cherchez "mouvement pour l'extinction volontaire" sur le Net), c'est-à-dire des écologistes fanatiques qui croient que la dépopulation est le seul moyen de préserver l'environnement, mais c'est justement cela qui est bon: je ne crois pas du tout en ces thèses malthusiennes. Non, la planète n'est pas surpeuplée. Oui, on peut vivre 75 ans sans polluer comme un californien (ou comme un français). L'agriculture mondiale permettrait déjà de nourrir le double de l'humanité.

Mais, consultant ces nouvelles, sur un site autorisant les commentaires, que voilà que ma bonne humeur est gâchée par quelques considérations qui ne laissent pas de doutes sur les opinions politiques de leurs auteurs:

"Les vrais chiffres (pourquoi les censurer ?)
viennent d' etre diffusés sur RTL:
d'abord ce taux de fécondité [2,02] n'est pas celui des françaises mais celui des femmes qui accouchent en France. Nuance.
En nombre d'enfant par femme:
Femme française européenne: 1,7 enfant
Femme française comprenant les naturalisées de toutes origines: 1,8
Femmes maghrébines: 3,85
Femmes africaines: 4,05

Pas de quoi déclencher une émeute: il suffit de regarder autour de soi.
Ce qui est moins clair, c'est la raison qu'à la gauche de faire peser une omerta totale sur ces données...

Pour moi les vrais problèmes sont là : la police de la pensée et la censure."

Et un autre enchaîne :
 
"Et oui. Et pourtant c'est clair, pour les élus de gauche c'est leur réservoir à voix, d'ailleurs tous les ténors se font parachuter et élire dans les zones à forte population "étrangére", c'est pas pas hasard. Pour avoir le boulot ils sont prêts à tout. Aujourd'hui cette population est de 5 millions, demain (2020) 10 millions, une poudrière qui nous pétera à la gueule et dont nous aurons aidé financiérement le développement grace à cette gauche qui aura sacrifié notre avenir. Pour la petite histoire à Gaza, ou il n'y a rien que l'aide humanitaire, la moyenne est de 6,4 record mondial, ils se marchent dessus."

Et voilà! Que nous nous sommes réjouis trop tôt ! En réalité il n'y a pas de bons chiffres, les "vraies" françaises-de-souche-bien-de-chez-nous ne font que 1,7 malheureux marmots, 1,8 en comptant les françaises-pas-de-souche-que-j'te-virerai-tout-ça-quand-on-rétablira-le-droit-du-sang, et que si on atteint une moyenne de 2, c'est bien parce que les bougn... pardon les arabes et les noires même pas françaises font quatre gamins en moyenne, tout le monde le sait voyons! Et tous ces chiffres sont des manipulations de la gauche, car tous les statisticiens sont de gauche, c'est connu, et le dernier brave qui a osé dénoncé cela a fini en Sibérie, tout le monde s'en souvient.

Arithmétique contre xénophobie

(Note: dans les paragraphes qui suivent, les femmes dont il sera question, qu'elles soient françaises ou étrangères, sont uniquement celles entre 18 et 49 ans, en âge de procréer.)

Donc, résumons: les françaises font 1,8 enfants, les étrangères (que nos braves commentateurs assimilent toutes aux africaines, supposons comme eux) en font 3,9, et la moyenne est à 2, car il y a plus de françaises que d'étrangères bien sûr. Mais au fait, combien y a-t-il de françaises pour une étrangère ? Petite équation:

Il y a x françaises pour 1 étrangère. Le nombre moyen d'enfants par femme est :

(1,8 x + 3,9) / (x + 1) = 2
1,8 x + 3,9 = 2x + 2
1,9 = 0,2 x
x = 9,5

Les françaises seraient 9,5 fois plus nombreuses que les étrangères, et les étrangères seraient environ 9,5% de la population féminine d'âge fécond.

Ce qui n'est pas le cas: il y a environ 6% d'étrangers en France (www.ined.fr), et moins de la moitié d'entre eux sont d'origine africaine (Afrique du Nord incluse), et la proportion de femmes fécondes parmi cette population n'est pas très supérieure à celle des français. Il y a donc 3-4% d'africaines non-naturalisées parmi la population féminine en âge de procréer.

Conclusion: il n'est pas possible, si on a 2 enfants par femme en France, qu'il n'y ait que 1,8 enfants par française et que les 0,2 restants soient dus aux étrangères "blacks" ou "rabzas".

En réalité **, le chiffre de "1,8 enfant par femme française" et de plus de 3 enfants par étrangère (et pas 3,9, si l'on compte toutes les nationalités) n'est pas faux, mais il date de la période 2004-2005. A cette époque, l'indice de fécondité conjoncturel n'était pas de 2, mais de 1,9. Avec un taux passé à 2,02 en 2008 (et une proportion d'étrangères qui n'a guère changé), la seule possibilité est que le taux de fécondité des françaises est devenu supérieur à 1,8, sans doute proche de 1,9 (sans quoi il est mathématiquement difficile d'approcher une moyenne totale de 2,02). Il y a donc, n'en déplaise à l'extrême-droite, bel et bien une remontée de la natalité chez les françaises et pas seulement (ni même majoritairement) due aux étrangères.

Passons sur celui qui nous terrorisait avec "5 millions d'étrangers en France", en les comparant avec les gazaouis, sachez que sur ces cinq millions d'étrangers, deux millions sont d'origine européenne, et un demi-million asiatiques (re - www.ined.fr).

Notons aussi que le taux de fécondité des immigrantes finit généralement par s'aligner sur celui des natives. On a enregistré, depuis 1999, une montée de l'indice de fécondité des étrangères, surtout causé par le fait que la part des africains parmi les immigrants progressait, mais pas du fait que les africains feraient plus d'enfants. On a un taux de fécondité des immigrées (incluant les naturalisées) nettement plus bas que celui des étrangères**. 

PCF et natalité : encore un tabou gauchiste à briser

Je profite de cet article pour remarquer que le PCF a, malheureusement, sur le thème de la famille et de la natalité, une position bien trop faible. Le soutien à la natalité est vu comme un thème de droite.Une recherche sur les termes "famille" et "natalité" sur www.pcf.fr ne donne quasiment aucun résultat, à part des articles sur le mariage homosexuel et des analyses de la crise financière où l'auteur se perd dans des évocations sur la "maîtrise de la natalité" dans le monde (en France, la natalité est maîtrisée depuis fort longtemps, c'est de son soutien qu'il serait plutôt question...). Parler de relance de la natalité fait immédiatement craindre des amalgames idiots, du genre "les femmes ne sont pas là que pour faire des enfants", des accusations de machisme, de nationalisme (terme fourre-tout dont la définition change selon les intentions de celui qui l'emploie).

Vouloir relancer la natalité, c'est d'abord permettre à ceux qui veulent une vie de famille, qui est pour des millions de gens la réalisation principale de leur vie, de le faire en ayant les moyens matériels d'assumer cette famille. C'est aussi réduire la facture de l'allongement de la durée de la vie sur le financement des retraites. Alors certes, les "dépopulationnistes", qui sont l'équivalent des décroissants en démographie (ahlala, le monde est surpeuplé, les ressources s'épuisent, il faut réduire la population, surtout dans les pays riches !), objecteront qu'on ne peut faire monter la population à l'infini. Evidemment. Mais l'augmentation de l'espérance de vie fera, même si l'on réquisitionnait une fraction des revenus du capital, que la durée de la vie active augmentera un jour ou l'autre (là encore, j'ai une position hétérodoxe sur les retraites par rapport à celle du parti; je devrai consacrer un article aux retraites pour l'exposer davantage). Plus nous attendrons, plus le choc sera rude, seule une croissance du nombre des actifs peut relativement (et ce d'ici 25-30 ans) soulager la facture.

A l'inverse, avoir un taux de fécondité inférieur au seuil de renouvellement des générations (2,1 enfants par femme), c'est mettre en danger tout l'équilibre de notre système social, et rajouter une deuxième cause à la casse des retraites (la dénatalité en plus de la hausse de l'espérance de vie). Et, puisque nous parlions d'immigration, il faut aussi se mettre en tête que l'immigration massive ne durera probablement pas éternellement, et qu'il faut donc encourager la natalité des françaises pour qu'elle soit capable de regénerer le pays même en l'absence d'immigration.

La France a déjà l'expérience de solutions qui marchent en matière de famille:
-un système d'allocations familiales relativement généreux par rapport aux autres états européens;
-une scolarité dès la maternelle qui libère les mères d'une partie de leurs occupations et permet la continuation, même partielle, de la vie professionnelle (et ce à l'opposé total des projets de "salaire parental" du FN, car l'on sait que lorsque l'on oblige les femmes à choisir entre vie professionnelle et maternités, on réduit la natalité; il faut au contraire soutenir l'harmonisation des deux vies).

D'autres mesures attendent:
-renforcer encore l'aide matérielle aux familles, pour libérer davantage les femmes de leur double-journée de travail: mutualisation des transports scolaires, des courses, des tâches ménagères, par du soutien fiscal à des associations d'entraide;
-là encore une position hétérodoxe: réduire le nombre d'avortements en France. Non pas en remettant en cause ce droit, bien au contraire. Mais en offrant le soutien matériel, scolaire et professionnel aux femmes enceintes qui souhaitent conduire leur grossesse à terme, et éviter les "avortements par nécessité". Par exemple en créant un soutien spécialisé aux jeunes-filles mères, où une puéricultrice partagerait le temps d'éducation avec la mère qui pourrait continuer ses études et son insertion professionnelle. Loin d'être une remise en cause du droit à l'IVG, cette politique diminuerait l'engorgement des services d'avortement, réduirait les files d'attente, et permettrait l'application réel de la loi Veil de 1975, c'est-à-dire le droit à l'avortement en cas de détresse;
-et encore une mesure qui ne fera pas plaisir à tout le monde: la répression de la non-fécondité. Par un rabais sur les pensions de retraites des individus qui n'auront pas fait d'enfants sans motif exprès (stérilité, travail intense, pauvreté, etc...). Je le développerai dans mes propos sur les retraites.


*Indice de fécondité conjoncturelle: la fécondité désigne normalement le rapport entre le nombre de naissances et la population moyenne des femmes en âge de procréer au cours de l'année. Calculé ainsi, il ne peut évidemment pas être égal à deux (les femmes ne peuvent pas faire deux grossesses en douze mois !), mais si l'on prolonge les rapports nombre de naissances/population féminine d'âge fécond sur toute la durée de vie avant 49 ans restant à ces femmes, on estime qu'elle auront en moyenne deux enfants dans leur vie. Il y a quelques années, ce chiffre était inférieur à deux en France, il est très supérieur à deux (jusqu'à 6 ou 7 dans certains pays d'Afrique noire) dans des pays en développement.


**http://www.ined.fr/fichier/t_telechargement/12957/telechargement_fichier_fr_publi_pdf1_pop.et.soc.francais.432.pdf

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