Il est revenu par la fenêtre…
Il y a un peu plus de deux ans de cela, je répondais à un partisan du Traité Constitutionnel Européen (TCE) en lui donnant ce rendez-vous : si le non l’emportait, on finirait bien par se retrouver dans les urnes, lorsque les gouvernements (PS ou UMP) nous feront revoter.
Et bien nous y voilà. Le TCE est de retour, sous la forme d’un « Traité modificatif », qui, de l’aveu même de l’ancien maître d’œuvre du TCE, n’est que cosmétiquement différent du TCE.
(Oui, c’est Giscard d’Estaing qui a parlé de différences d’ordre « cosmétique ». Bien sûr, on va me répondre que la Convention pour l’Avenir de l’Europe qui a pondu le TCE était un groupe très divers, composé de toutes les nationalités de l’Union Européenne, que c’était un magnifique épisode de l’histoire européenne que de voir tant de gens venus d’horizons différents dialoguer pour construire l’Europe de demain…oui mais j’ai voté contre et c’est tout).
Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_simplifi%C3%A9
Et ce « nouveau » texte est appelé à être voté par loi parlementaire. Le PS ne « s’oppose pas », pas même Fabius. Alors ce sont les formations qui étaient il y a deux ans résolument engagées dans la campagne noniste qui demandent aujourd’hui un référendum sur ce traité.
Etant membre de la fédération du Parti communiste des Deux-Sèvres, j’ai même reçu une lettre de ma fédération écrite aux députés deux-sèvriens, du moins du PS (j’allais dire « de gauche »…) pour qu’ils s’opposent au vote de ce traité, en utilisant la minorité de blocage de 2/5 du Congrès (Assemblée Nationale plus Sénat) suffisante pour bloquer une révision de la constitution.
Voir aussi : http://www.lepeupleadejaditnon.com/
Belle initiative, mais en fait…je suis contre.
Au nom de la démocratie, je demande à ce qu’on ne vote pas.
Je suis contre car, nous le savons, ce texte est le même que celui du TCE. Et ce texte a déjà été rejeté le 29 Mai 2005. Bien sûr, un référendum ne vaut pas pour l’éternité. Mais que ce vote soit enterré au bout d’à peine plus de deux ans est inacceptable.
Il est scandaleux que les parlementaires puissent annuler la décision de millions d’électeurs français, n’en déplaise à certains, comme nous le verrons plus loin.
Mais il est également scandaleux de faire revoter les mêmes électeurs, sur un texte aussi proche de celui qui a été rejeté, au bout d’un laps de temps aussi court. C’est un déni de démocratie, une tactique de guerre d’usure bien connue qui consiste à faire voter et revoter un peuple jusqu’à ce qu’il dise oui, de guerre lasse.
C’est pourquoi la seule position admissible consiste à exiger le retrait de ce projet de traité modificatif, qui ne devrait être ni proposé au Parlement, ni au référendum, mais directement proposé à la poubelle.
Il est effarant de constater que l’hypothèse qu’on dénonçait déjà avant Mai 2005 (le fait de faire revoter les français), est aujourd’hui acclamée par une partie des anciens nonistes, qui espèrent ainsi éviter un scénario (le vote du texte par le Parlement en déni du vote populaire) qui aurait tout simplement provoqué un tollé il y a deux ans.
Mais tout cela passe comme lettre à la poste au sein de « notre gauche » (le parti dit « socialiste »). Et pour certains c’est normal.
On peut trouver sur le Net des argumentaires comme quoi il n’y a pas lieu de se scandaliser d’un vote parlementaire, puisque, juridiquement, c’est « légal ». Bon, d’accord, entre ce qui est juste et ce qui est légal, il y a une petite différence, il y a même des actes légaux parfaitement ignobles (et qui tendent à se multiplier sous l’ère Sarkozy…), mais on ne va pas faire une révolution pour si peu, non ? D’autant que c’est pas grand-chose, juste la souveraineté de votre pays, pas grave, non ?
A propos de souveraineté, rappelons aussi le sinistre projet que certains avaient formulé en 2005 : au lieu de faire voter seulement l’Espagne, la France, puis les Pays-Bas, peut-être le Royaume-Uni…on n’avait qu’à faire un référendum simultané paneuropéen, et si une majorité de « oui » se dessine en Europe, le TCE est validé pour 25 pays. Génial, non ?
Non, ignoble. Car cette procédure supposerait que la France serait déjà réduite au rang de province de l’Empire européen, et que son vote devrait déjà s’effacer contre une majorité européenne, faisant acte de la perte de sa souveraineté. Alors que la France est toujours un état souverain. Et doit le rester.
Anesthésie Oui-iste…
Mais il y a pire. Sur le blog « Horizons », pour nous expliquer qu’il n’est pas dégueulasse que notre souveraineté soit exécutée à huis clos au Palais-Bourbon, on trouvait cette merveille de raisonnement :
(http://horizons.typepad.fr/accueil/2007/10/le-trait-modifi.html )
« Il est vrai qu'en droit administratif, il existe un principe dit "de parrallélisme des compétences" qui aurait voulu que toute révision de la décision du peuple français de 2005 lui soit de nouveau soumis. Cependant ce principe ne s'applique pas en droit constitutionnel car il ne fait pas de distinction, et encore moins de hiérarchie, entre la souveraineté exercée directement par le peuple et celle exercée en son nom par ses représentants. Au contraire, le libellé de l'article 5 laisse plutôt à penser que la voie normale de l'exercice de la souveraineté est celle de type parlementaire, le référendum étant l'exception. "La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum.
[en fait il s'agit de l'article 3 de la Constitution de 1958, voir ici: http://fr.wikipedia.org/wiki/Article_3_de_la_Constitution_de_la_cinqui%C3%A8me_R%C3%A9publique_fran%C3%A7aise ]
Aussi, dès lors qu'ils ont été élus postérieurement au vote des français, les représentants du peuple disposent librement de cette souveraineté. »
Le peu de droit que j’ai pu faire (en faculté d’économie) m’a appris que la propriété est un concept complexe. Le fait de posséder quelque chose n’empêche pas de placer la gestion de la chose à quelqu’un d’autre, à un représentant, mais ce représentant, s’il gère votre bien, n’a pas pour autant le droit de le sacrifier. L’interprétation que le bloggeur d’ « Horizons » fait de la phrase constitutionnelle est donc douteuse. La souveraineté nationale appartient au peuple, les représentants élus peuvent en exercer les prérogatives, mais pas supprimer la souveraineté nationale. Or c’est justement ce vers quoi menait le TCE.
Mais le plus beau reste à venir :
« L'élection de Sarko et de sa majorité parlementaire n'a pas ni plus ni moins de valeur que le vote des Français de 2005. C'est l'expression de la même souveraineté et, très classiquement, en cas de conflit, c'est la légitimité la plus récente qui prévaut. Le candidat Sarkozy n'avait d'ailleurs pas omis d'afficher ses intentions en la matière [sur le « mini-traité »]. »
Merveilleux. Sarkozy a été élu, sa majorité aussi (mais moins bien que prévu), et comme il avait parlé de faire un nouveau traité européen pendant sa campagne, donc, s’il applique son programme, cela équivaut à une décision populaire du même ordre que le « NON » du 29 Mai 2005.
En rien. La seule signification populaire du vote du 6 Mai 2007 est que –malheureusement-, une majorité de français ont accepté que Nicolas Sarkozy soit leur président. Cela n’entérinait absolument pas son programme, même une fois sa majorité parlementaire élue. Nicolas Sarkozy a tout à fait le droit de ne pas appliquer ce programme (c’est aux électeurs qu’il appartiendra d’en juger). Ou d’en appliquer plus que prévu.
En bref : Non, l’élection de Sarkozy ne constitue en aucun cas une « légitimité » qui peut servir à contredire le vote du 29 Mai 2005. Dans un cas, on votait sur le TCE, dans l’autre, sur la personne du (ou de la) Président( e).
[En revanche, le blog « Horizons » n’est pas loin de la vérité en disant que la signification aboutie du Non est d’appeler au retrait de la France et des Pays-Bas hors de l’Union Européenne, même si c’était pour en fonder une autre.]
En conclusion, que les britanniques exigent un référendum, qu’une majorité d’allemands rêvent d’en avoir un, c’est une juste chose pour des pays qui n’ont pas été consultés. Mais nous, français, avons été consultés et avons dit non. Et ce non vaut pour pas mal d’années (10 ? 20 ans ? Plus ? En tout cas pas deux ans), sauf à ce qu’on nous présente un texte réellement différent.
PAS DE RATIFICATION PARLEMENTAIRE
PAS DE REFERENDUM
RETRAIT PUR ET SIMPLE DU TRAITE MODIFICATIF !!!