Je réactive -enfin, et seuls les amateurs anglophones de jeux de cartes comprendront le rapport entre l'illustration et le Congrès du PCF- le blog pour la discussion des bases communes qui vont être soumises au vote des communistes fin Octobre (soit un temps de débat très court). Le texte de la base commune a été voté par le Conseil National les 5 et 6 Septembre, et est disponible dans le supplément de l'Humanité du 10 Septembre - et sans doute sur le site du PCF, je n'ai pas vérifié encore.
La discussion a commencé à Colombes par la réunion du 18 Septembre. Je me classe comme opposant à cette base, et j'explique, par cette lettre envoyée aux camarades de la section après la réunion, quelles en sont mes raisons.
Bonjour camarades ;
Jeudi 18 Septembre, nous avons eu à la section une réunion de préparation du congrès. Elle fut assez courte (de 18h50 à 20h30), et commença par la présentation de la base commune votée lors de la réunion du Conseil National les 5 et 6 Septembre. Parmi plusieurs camarades, je suis intervenu dans cette réunion de section, afin de donner mon désaccord par rapport à la base commune, et mon intention de soutenir, sauf surprise dans son contenu, le futur texte alternatif unitaire en préparation.
Je voudrais d’abord préciser aux camarades qu’outre la base commune, plusieurs textes alternatifs ont été annoncés :
- un texte proposé depuis le printemps par l’association La Riposte, qui a créé un site spécifique http://www.renforcerlepcf.com/ ;
- un texte proposé par les militants du Rhône, lisible sur http://reveilcommuniste.over-blog.fr/article-22852946.html;
- un texte proposé par la Gauche Communiste, connue au travers de Jean-Jacques Karman, visible sur http://gauche-communiste.org/34e-congr%E8s/34e-congr%E8s-texte-synth%E8se-G-co-07-2008.html ;
- un texte proposé par plusieurs sections et fédérations, dont la plus connue est celle de Paris 15ème, qu’on peut trouver sur : http://vivelepcf.over-blog.fr/article-22853479.html
Les trois derniers textes sont en cours d’unification dans l’intention de produire un texte alternatif unitaire. La Riposte ne s’y associe pas, pour des raisons que je ne commenterai pas pour ne pas y consacrer plusieurs pages.
Les principaux points qui réunissent les trois derniers textes alternatifs sont :
- la dénonciation d’une volonté de liquidation du PCF par l’actuelle direction ;
- le retour à des fondamentaux marxistes ;
- la rupture avec la construction européenne, le Parti de la Gauche Européenne (PGE), le retrait de l’OTAN ;
- l’objectif de la construction du socialisme, plutôt qu’un projet « d’émancipation humaine ». Il s’agit là de reconstituer un secteur public dépassant l’ampleur de celui construit par le Conseil National de la Résistance, alors que la base commune ne parle au mieux que de reconstituer un pôle bancaire public, soit un niveau de socialisme guère supérieur à celui de l’après-guerre ;
- la restructuration du parti pour la lutte des classes, avec le retour dans les entreprises et les quartiers populaires, et une formation idéologique marxiste pour les militants.
Je voudrais dans ce document, ré-expliquer les raisons qui font que je rejette la base commune. D’abord parce que le PCF me semble à une situation tout à fait critique de son histoire. Nous ne pourrons plus nous permettre une nouvelle régression aux présidentielles ; et le refus de nous présenter pour nous masquer derrière des candidatures de rassemblement factices (du type « Gauche Populaire et antilibérale », « Bouge l’Europe »..., ou encore les formules de rassemblement floues comme dans le « rassemblement antilibéral ») est autant un aveu d’échec. Depuis 2002, nous tournons aux alentours d’un million de voix dans la plupart des scrutins, quand deux millions et demi de personnes nous soutenaient en 1997. La présidentielle de 2007 nous a montré que l’on pouvait descendre encore plus bas, avec certes la pression du vote utile et la concurrence de plusieurs candidats « antilibéraux », nous laissant à 707.000 suffrages. Nous pouvons continuer à descendre.
Un texte positif ?
Certains d’entre nous approuverons dans le texte de la base commune : le fait que celle-ci ne remette plus en cause l’existence du PCF en tant que Parti Communiste, la référence au communisme, voire un début d’analyse des causes de nos échecs successifs depuis 2002.
Que le parti ne soit pas dissous n’est pas une source de soulagement. Il y a bien des manières de détruire le PCF, et le changement de nom ou l’autodissolution n’en sont qu’une parmi d’autres. Emmener le parti vers une nouvelle catastrophe (la dernière sans doute) en est une autre. Lorsque j’étais présent à Marseille, le 7 Juin, un intervenant a justement précisé que même si nous ne dissolvions pas notre parti, les électeurs pouvaient toujours le faire.
Quant à la référence au communisme, elle n’a aucune signification précise dans ce texte, à part les redites sur le projet « d’émancipation humaine ». La définition de base du communisme est la propriété collective des biens (de production). Même à titre d’horizon lointain, cela n’apparaît pas dans la base commune, ou sous des formes très diluées, où l’on ne sait pas si l’on veut une socialisation minoritaire de l’économie ou changer radicalement de modèle.
L’analyse de nos déboires électoraux reprend le problème de la crédibilité de nos alliances gouvernementales passées. Dénonçant la conversion au social-libéralisme du PS, des Verts et du PRG, la base commune précise que : « (pour le Parti Communiste la participation à des majorités ou des gouvernements est impossible si cela ne permet pas des améliorations réelles dans la vie de notre peuple) ». Cette phrase ne rassure en rien. Il ne faut pas caricaturer notre passé : à chacune de nos participations à des gouvernements avec les sociaux-démocrates, nous avons cru que ces améliorations de la vie du peuple étaient possibles. Ce qui est à préciser, c’est à partir de quelles limites, de quelles décisions politiques, nous n’avons plus notre place dans un gouvernement du PS. Ces précisions ne sont pas dans la base commune.
Poser en bloc le principe du refus des alliances signifie qu’entre le PCF et LO, la LCR - NPA, il y aura moins deux doublons. Que les trotskystes se fassent concurrence sur les mêmes thèmes et discours depuis des décennies, exceptées de rares alliances (dont la dernière, en 2004, s’est finie par un 4,5% aux régionales et 2,5% aux européennes) n’est pas surprenant. Les trotskystes (et je doute que le NPA y change quelque chose) n’envisagent pas les élections comme un moyen de prendre le pouvoir, mais comme des tribunes pour « conscientiser les masses » (par des partis qui ne sont pas de masse), d’où l’intérêt de la multiplication des candidatures (quasi constante depuis 1974, sauf lorsque la LCR ne pouvait se présenter, en 1981 et 1995). Ce n’est pas la stratégie du PCF, et elle serait contradictoire avec son rôle de parti de masse.
J’ai pour ma part plusieurs idées sur les causes de notre échec de 2007.
D’abord vient le fait qu’on ne pouvait pas différencier les propositions Marie-George Buffet de celle de ses concurrents, à commencer par Besancenot. Les propositions ont un rôle crucial dans une présidentielle, par exemple les réformes proposées par Sarkozy sur les heures supplémentaires ont été couramment discutées par les électeurs. Mais il faut garder en tête que les électeurs, dans leur majorité, ne lisent pas les programmes dans les détails – les programmes politiques sont souvent rédigés de sorte à ne pas être lisibles, en assommant l’électeur sous une avalanche d’alinéas pour lui faire croire que le candidat a réponse à tout (je dis cela en pensant au programme de l’UMP en 2007). Ainsi, les différences Buffet-Besancenot-Laguiller étaient invisibles. Lorsqu’on les cherche, on trouve la question du nucléaire, le fait de savoir si le Smic doit être à 1500 euros nets ou bruts, s’il faut passer à la semaine de 32 heures ou de 30 heures… Pour beaucoup d’électeurs, la campagne de MGB a dû paraître inutile, et même en sympathisant avec le PCF, ils ont été happés par deux votes utiles : celui pour Royal (pour faire « gagner la gauche ») ou pour Besancenot (car il était le seul candidat de la gauche radicale à pouvoir espérer dépasser les 5%) ;
Ensuite, nous ne nous sommes pas battus contre les adversaires prioritaires. Que nous soyons hostiles à la droite est une évidence. Cela peut sembler surprenant à dire pour un communiste, mais nous avons sans doute trop discouru et fait campagne contre la droite. Par là je veux dire que nous avons oublié que la menace prioritaire pour notre existence est le Parti Socialiste. C’est bien vers lui, ainsi que vers le Front National à une certaine époque, que sont partis des millions des nôtres. Il ne s’agit pas de courir indéfiniment après nos anciens électeurs. On peut aussi se reconstituer un nouvel électorat, mais nous n’avons aucune chance de le faire au détriment de celui de l’UMP. Ou du moins, pour la minorité des classes populaires qui vote à droite, en croyant sincèrement que le capitalisme est le régime qui amène le plus de progrès social, nous ne serons jamais capables de les convaincre si nous ne pouvons déjà convaincre les travailleurs habitués à voter PS. L’argument de la crainte d’une élimination de « la gauche » au premier tour aurait dû être méprisé, car c’est au PS d’aller chercher ses voix, et non à nous de les lui rabattre. Si le PS ne passe pas le premier tour, alors c’est qu’il ne mérite pas de gagner les élections et c’est tout. Nous aurions donc clairement dû faire campagne contre la candidate socialiste, en expliquant le vide de son programme, mais surtout que si la droite mène des contre-réformes aussi dures (retraites, assurance-maladie, éducation…) c’est parce que les gouvernements du PS (que nous n’avons pas su quitter à temps) n’ont pas su résoudre les problèmes réels de notre système social. Si la droite attaque les retraites ou la santé, c’est avant tout parce qu’aucun des gouvernements précédents n’a pu assurer l’équilibre à moyen ou long terme de la Sécurité Sociale, ni la justice ou l’efficacité de ses dépenses. Il fallait faire comprendre aux électeurs qu’une victoire de Royal en 2007 aurait été une victoire de Sarkozy en 2012, avec un programme plus à droite encore. Au lieu de cela, nous avons expliqué qu’il fallait absolument battre la droite, en demandant l’aumône de quelques voix pour le PCF pour que nous puissions continuer de tirer la gauche à gauche…L’aumône a été maigre, et il ne fallait pas s’attendre à autre chose.
Le risque de représailles du PS (aux municipales, législatives, cantonales…) est évident. Mais les sacrifices consentis au PS en 2007 n’ont nullement dissuadé des retournements contre nous (Le Havre, Montreuil). Il n’y a sans doute qu’en faisant comprendre au PS notre capacité de nuisance que nous pouvons le tenir en respect. Sinon, nous sommes abattus à petit feu, destinés au rôle d’allié minoritaire dans toutes les villes.
Nous aurions également dû combattre nos adversaires qui se prétendaient sur notre gauche, à savoir appeler les français à ne pas voter Besancenot, Bové, Laguiller. L’un des drames du PCF est que, bien au contraire du portrait du parti cynique, bureaucratique et manipulateur que dressent les anticommunistes, il me donne plutôt l’impression d’un parti masochiste, absolument incapable de réagir ni même de se reconnaître comme agressé quand un coup lui est porté. Lorsque la LCR décide de présenter son candidat en dépit du « rassemblement antilibéral » sous prétexte que le PCF ne s’aligne pas sur ses positions (refus de tout accord avec le PS, refus de considérer les élections comme une manière de changer la société), alors nous aurions dû faire savoir à la LCR qu’elle était un adversaire, et que nous la traiterions comme telle aux élections. La moindre des choses aurait été d’avoir un programme nettement différent du sien (ce qui était loin d’être le cas). Nous aurions pu ensuite informer les électeurs sur la réalité des stratégies trotskystes (multiplier les candidatures et non gagner les élections), et insister sur l’absurdité du programme « antilibéral » commun à Besancenot, Bové…et malheureusement MGB. Cela ne signifie pas qu’un militant PCF ne peut pas avoir de relations cordiales avec un militant NPA, ni que les formations ne puissent se retrouver ensemble dans les luttes.
Vous pourrez penser que je dessine là une stratégie absurde et suicidaire du PCF « seul contre tous ». Nous devons cependant nous rappeler que les seules réussites électorales vraiment surprenantes de la Cinquième République n’ont pas été obtenues par une addition de petits mouvements comme aurait dû l’être le « rassemblement antilibéral » ou les autres projets de rassemblements dont nous parle notre direction actuelle. Nous pouvons prendre deux exemples, qui n’ont rien de commun avec nous sur le plan des idées, mais sont les seules « percées » notables des dernières décennies. Jean-marie Le Pen n’est pas passé d’un 0,74% en 1974 à 14% en 1988 en cumulant les formations et tendances d’extrême-droite existant dans les années 70. François Bayrou n’est pas passé de 6% en 2002 à 18% en 2007 par l’addition de tous les petits mouvements plus ou moins connus qui le soutenaient (outre l’UDF, CAP21, Alternative Libérale, etc…). Tant que le programme « antilibéral » restera notre aiguillon, nous pourrons tenter et retenter encore les « grandes alliances » de tout ce qui se trouve à gauche du PS et ne récolter que des déceptions. Le seul scénario crédible selon moi est au contraire le surgissement, avec un petit parti comme le nôtre, d’une bonne candidature, d’un bon programme, partant à la reconquête des électorats ouvrier et employé du secteur marchand, au détriment du PS et de ce qu’il reste du FN.
Pourquoi le programme antilibéral était-il mauvais ?
Je l’ai déjà dit, les électeurs ne lisent pas pour la majorité d’entre eux les programmes en détail. Cela n’empêche pas que la fausseté de l’analyse, des propositions du mouvement « antilibéral » (appellation suicidaire s’il en est) peuvent durablement nous couper de l’électorat. Je ne connais pas de propositions « antilibérales » (hausse nette des salaires, réduction de la durée du travail à 30 ou 32 heures…) qui aient fait l’objet de discussions enthousiastes des électeurs des classes populaires. Je me trompe peut-être en disant cela, mais aucune de ces propositions ne me semblait défendables face à des citoyens non communistes et non convaincus d’avance.
Le programme antilibéral se base sur une lecture biaisée de l’évolution du partage des revenus en France depuis trente ans. L’affirmation selon laquelle « les profits ont gagné 10% de la richesse nationale depuis 1980 »
- est d’une part biaisée car 1980 correspond à une période où, suite à l’inflation des dépenses de sécurité sociale, la masse salariale avait progressé au point de comprimer les profits et les dépenses d’investissements à un niveau si faible qu’il allait bientôt paralyser l’économie capitaliste. On ne peut analyser la « rigueur » de 1983 comme étant seulement une capitulation du gouvernement face aux pressions des capitalistes (spéculations contre le franc, grève des capitaux, …) car il s’agissait aussi d’une réponse à une situation largement léguée par le mandat Giscard, par un gouvernement qui n’avait pas de plan vers le socialisme ;
- est fausse car les promoteurs de cette affirmation (par exemple Yves Salesse, l’un des principaux auteurs des propositions antilibérales) citent les chiffres totaux des revenus du capital que les entreprises versent. Or, quand les entreprises versent des intérêts ou des dividendes, elles le font tant à des entreprises qu’à des particuliers. Il y a des échanges de revenus du capital entre entreprises, ce qui fait que si l’on veut mesurer le revenu extorqué par les propriétaires privés aux travailleurs, il faut faire la différence entre les revenus du capital que les entreprises versent (en « emplois » dans les comptes de la Nation de l’Insee) et ceux qu’elles reçoivent (en « ressources » dans les mêmes comptes). Le total est alors nettement plus faible, et le chiffre de 160 milliards d’euros avancé par les antilibéraux comme le surplus de profit gagné par les capitalistes depuis trente ans est en fait la somme totale de leurs profits.
C’est là toute la faille du projet « antilibéral » : croire que, devant l’ampleur surestimée des profits capitalistes, il suffirait de taxer ceux-ci pour obtenir la hausse des salaires, la baisse du temps de travail, le maintien de la retraite à 60 ans, etc…
En fait, il y a fort à parier que beaucoup des propositions « antilibérales » n’ont rencontré que scepticisme de la part des travailleurs. Les 35 heures (annoncées pour créer 700.000 emplois, quand aujourd’hui des économistes se battent pour savoir si elles en ont créé ou maintenu 300.000) ont laissé beaucoup de désillusions, tant sur leur efficacité à créer de l’emploi qu’à préserver le bon fonctionnement de l’entreprise. Qu’elles n’aient pas été appliquées sur les entreprises de moins de vingt salariés, ou négociées contre de la flexibilité (sans quoi les capitalistes auraient pu riposter par d’autres suppressions de postes ou des refus d’investir) ne change pas grand-chose à l’affaire.
Des camarades ont été stupéfaits de constater, après les résultats des élections de 2007, que les travailleurs n’avaient pas plébiscité le Smic à 1500 euros. Là encore, pas de mystère : des millions de salariés des PME savent que dans les faits leur employeur n’a pas les moyens de leur assurer un tel salaire, et que cette mesure –le Smic à 1500 euros immédiatement- provoquerait sans doute la faillite de leur entreprise, et le chômage pour eux. Aussi je dois avouer ma perplexité lorsque je vois le PCF proposer, comme riposte à la hausse des prix, la hausse généralisée des salaires et pensions, sans établir aucun lien entre ces mêmes salaires et l’inflation susdite. La hausse des salaires n’est pas inflationniste si elle est conjointe à des gains de productivité importants ou si l’on constate un niveau très élevé de profits. Les gains de productivité sont faibles, les profits très faibles dans de nombreuses petites entreprises. Le programme antilibéral (comme le discours actuel du PCF) manquait de préciser comment il effectuerait le transfert entre les dizaines de milliards d’euros de dividendes versés par les entreprises du CAC40 jusqu’aux salaires des smicards des PME. Le prélèvement fiscal des hauts profits pour ensuite subventionner les salaires dans l’ensemble de l’économie aurait généré deux failles : dissimulation des profits et grève des investissements par les grandes entreprises, utilisation des subventions par les PME pour financer des emplois à faible productivité, qui ne vivraient que par la subvention et ralentiraient l’économie.
Je ne cherche pas à dire qu’il n’y a rien à faire face à la puissance des capitalistes. Ce qui est impossible, c’est de croire qu’un vaste programme de taxations et de règlementations économiques pourrait assurer la pérennité de nos acquis sociaux. Si nous voulons d’un autre mode de vie que celui que nous réservent les capitalistes, nous devons à la fois : proposer des mesures applicables directement dans l’économie de marché actuelle, et une expérimentation de socialisme dont le but serait d’édifier une autre économie, pas de ponctionner massivement les capitalistes en leur laissant la propriété des capitaux. S’il s’agit de prendre 160 milliards d’euros aux ménages capitalistes, pourquoi pas, mais puisque cela revient à prendre l’ensemble de leur profits, alors il faut abolir en peu de temps la propriété privée des entreprises au-delà d’une certaine taille (on ne collectivisera jamais une entreprise de moins de dix salariés). Dans des entreprises collectivisées, on peut récupérer les ressources pour financer les emplois, salaires et pensions voulues. Ce n’est pas possible en se contentant d’accroître la pression fiscale des entreprises privées, sauf à chercher une catastrophe.
Mon texte étant déjà long de plus de cinq pages, je vais faire l’impasse sur les propositions auxquelles je pense, tant celles qui sont réalisables dans la France actuelle que celle qui nécessiteraient une majorité communiste/socialiste. Pour l’instant, au vu de ce que j’ai écrit sur le programme antilibéral, je préfère encore soutenir un texte alternatif qui exposera clairement la nécessité du socialisme, par la reconstruction d’un grand secteur public (plus encore qu’en 1945), qu’une base commune qui évoque la « conception étendue, renouvelée et démocratisée de pôles, de services et d’entreprises publics » dont on ne précise pas s’ils doivent être majoritaires dans l’économie comme devrait le proposer une base communiste.
La question européenne
Le succès stratégiques des fédéralistes européens a été de faire confondre « l’Europe » (un continent de sept cent millions d’habitants, dont la première nation par sa taille, sa population, et son sacrifice historique au XXème contre le fascisme est la Russie) avec un projet politiquement discutable de suppression des souverainetés nationales. Beaucoup de camarades, après des années de « pédagogie européenne», confondent le fédéralisme européen et l’internationalisme ouvrier.
Il faut cependant se rappeler que nous ne devons au fédéralisme européen :
- ni la paix : la paix entre la France et la République Fédérale Allemande vient du contexte de guerre froide, et surtout de l’effondrement de la capacité de chacune de ces nations à dominer l’Europe après 1945 ;
- ni la démocratie : toutes les dictatures d’Europe qui ont disparu après 1945 sont tombées d’elles-mêmes, de l’intérieur. Si des pays qui ont déjà une base de démocratie interne – telle la Turquie- ont fait des avancées pour espérer entrer dans l’UE, aucune dictature n’est tombée pour les beaux yeux de Bruxelles ;
- ni la prospérité économique relative de l’Europe d’après-guerre : si la construction d’une zone de libre échange a facilité le développement des économies européennes, elle s’est largement faites sur des accords unanimes et d’autres zones de libre-échange existent à travers le monde, sans projet d’état supranational ;
- ni des réalisations techniques telles qu’Airbus, commencé avec les britanniques avant leur entrée dans la CEE.
Il n’y a rien que nous devrions au fédéralisme européen que nous n’aurions pu obtenir par une des diverses formes de coopération libre entre états : accords signés à volonté (ceux qui le refusent ne participent pas), délégation temporaire de souveraineté, fonctionnement par « cycles » permettant à une nation de s’exclure pour jusqu’à la prochaine échéance si elle le souhaite.
L’UE serait le seul moyen de retrouver une puissance sur la scène internationale. Au contraire, les élargissements successifs de l’Union en ont fait une génératrice de faiblesse. Sept nations réunissent les trois quarts de la population de l’Europe hors Russie (Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Ukraine, Espagne, Pologne). Pourquoi sommes-nous 27 ? L’appartenance à l’UE n’est nécessaire à aucun pays pour rester une démocratie, ni échanger avec ses voisins. Les subventions agricoles ou de développement ont été utilisées pour aspirer nombre de pays avec lesquels il aurait été possible de rester coopérants. Un petit pays entrant dans l’UE restera un petit membre, alors qu’un pays comme la Norvège peut utiliser sa neutralité pour jouer un rôle important de médiateur (au Sri Lanka par exemple dans le conflit tamoul). La seule utilité fondamentale des élargissements, c’est de rendre impossible car trop complexes les accords libres entre états et forcer le passage vers un état supranational, avec le renforcement des pouvoirs du «Parlement Européen ».
S’il s’agit de soutenir des « eurogrèves » et des syndicats européens, une France souveraine peut le faire. Nous n’avons, dans le rapport de forces politique actuel en Europe, aucune chance d’aboutir à une Europe socialiste, en tout cas beaucoup moins que d’aboutir à une France socialiste. Pour que les peuples d’Europe s’intéressent au socialisme, surtout après le souvenir qu’en ont laissé les régimes de l’Est, il faut d’abord qu’une nation construise un socialisme à la fois viable économiquement et respectueux des libertés démocratiques. Seule la force de l’exemple sera persuasive.
En conclusion :
La base commune est loin de proposer une analyse satisfaisante de nos échecs électoraux de 2007. Le PCF n’est pas dépassé, à condition que son discours soit différent des autres mouvements « antilibéraux », et que nous traitions le PS comme il nous traite dans les confrontations nationales. Un rassemblement avec d’autres forces de gauche ne sert à rien s’il se fait sur de mauvaises bases programmatiques et idéologiques.
Dans cette base commune, l’échec du mouvement antilibéral n’est pas reconnu en profondeur : tout le monde sait que le rassemblement n’a pas abouti, que les candidats de la gauche radicale ont eu des scores désastreux, mais il faut également reconnaître que l’analyse de base « antilibérale » était fausse et les propositions ineptes.
Nous perdrons encore notre temps à proposer un discours sur « l’Europe sociale » aux élections européennes de 2009. Nous nous retrouverons en double (triple ?) emploi avec le NPA et le Parti socialiste. Il est fort probable que les électeurs qui veulent réellement d’une Europe « sociale » iront voter pour le Parti Socialiste Européen, tant la gauche radicale a peu de poids au Parlement européen.