Les 8 et 9 Décembre s’est tenu, à la Grande Arche de La Défense, l’Assemblée Extraordinaire des Communistes. Après le score épouvantable de la présidentielle, celui des législatives moins bon encore qu’en 2002, une question venait à tous : le PCF survivra-t-il ? Qu’ils s’appellent Gauche Avenir, qu’ils rêvent encore au grand « rassemblements antilibéral », qu’ils soient tentés par le parti « anticapitaliste » que veut Besancenot, certains veulent déjà signer l’acte de décès du PCF, que nos adversaires tiennent déjà pour acquis depuis longtemps, s’indignant qu’il existe même encore un Parti Communiste en France.
Pour en savoir plus :
http://www.lariposte.com/Contre-l-offensive-des-refondateurs-maintenir-et-909.html
http://www.lariposte.com/Assemblee-extraordinaire-du-PCF-les-liquidateurs-sur-947.html
Je ne partage pas toutes les analyses de La Riposte, notamment l’idée que le communisme serait « naturellement » marxiste et tout ce qui s’ensuit. Mais la présentation de la situation du PCF est à peine exagérée.
Première étape de l’offensive contre le PCF : brouillard de guerre…
J’étais à cette assemblée en tant que délégué des Deux-Sèvres, sans mandat d’intervention de ma fédération ni de la section de Niort. De toute façon, en aurions-nous eu, ma co-déléguée et moi, que nous aurions eu fort peu de chances de la présenter : 44 interventions ont eu lieu sur 350 demandes déposées à la table du Conseil National.
Allons directement à l’essentiel : l’Assemblée a accouché d’une souris, en l’occurrence le mandat que l’on peut trouver ici, et qui avait été proposé dès le début de l’Assemblée:
http://www.pcf.fr/spip.php?article2219
Je suis peut-être un peu excessif en parlant de « souris » ; bien que le texte mis dans le précédent lien paraisse bien insipide par rapport à la gravité de l’état du PCF, quelque chose d’important s’est passé dans cette assemblée.
Pendant toute la matinée du Dimanche 9 Décembre, suite aux amendements qui avaient été portés la veille sur le mandat, les intervenants et les membres du Bureau National se sont affrontés sur une phrase apparemment creuse, mais psychologiquement significative. Située dans le paragraphe 5) de la seconde partie du mandat, consacrée à l’avenir du PCF et aux « rassemblements à construire », cette phrase parlait de la nécessité de « n’exclure aucune hypothèse » quant au devenir du Parti.
Cette phrase, présente dans la version originale du mandat présentée la veille, a été biffée suite aux amendements de plusieurs délégations qui estimaient, avec raison, que la plupart des assemblées de section organisées avant l’Assemblée extraordinaire avait mis en évidence l’attachement des communistes au PCF, et le refus de sa liquidation.
Mais ce Dimanche matin, plusieurs interventions ont tenté de réintégrer ladite phrase. Pourquoi ? Le simple fait d’écrire que «il ressort que la majorité des communistes ont fait part de leur attachement au parti » (ce qui n’est pas dans le mandat, mais avait été proposé dans les discussions en atelier de Samedi 8 au soir) ne cloue pas définitivement le débat, puisque dans un parti démocratique, la majorité peut varier ; cela n’excluait implicitement « aucune hypothèse » dans les débats qui auront lieu jusqu’au Congrès de Décembre 2008. Alors pourquoi cet entêtement à ré-écrire une phrase redondante et inutile ? Mentionnons aussi qu’une phrase du mandat stipulait que nous assurerions la continuité du Parti… « pour 2008 » ! Ces deux mots furent retirés à la demande de la majorité des délégués qui entendent bien que le PCF existe encore après 2008 ! Plusieurs intervenants ont fait valoir que « seuls 35000 » adhérents avaient participé aux assemblée de section préparant l’Assemblée extraordinaire. Mais les autres membres du Parti ont-ils été empêchés d’y participer ? Et, comme le disait fort justement un des intervenants : « Où sont donc les foules qui réclameraient la fin du PCF ? ». Nulle part.
Mon analyse personnelle est que tout cela correspond à des tentatives d’acter, non pas le renoncement au PCF, que la grande majorité des militants refusent, mais le doute dans l’esprit des communistes. Et que la liquidation avance masquée. Personne n’a parlé de liquidation du PCF en des termes explicites, sauf ceux qui la dénonçaient. On a entendu beaucoup d’expressions sibyllines sur la nécessité de « nouveaux rassemblements », sur le fait que le PCF seul ne suffirait pas à mener la lutte contre la droite et le capitalisme… Les liquidateurs existent, mais aucun n’est venu publiquement afficher ses idées, et personne n’a explicité quelles étaient les fameuses hypothèses qu’il ne fallait pas « exclure » du débat !
Je n’irai pas plus loin dans l’analyse de la liquidation du PCF, beaucoup d’autres (comme La Riposte) s’en chargent.. Je continuerai juste cet article en disant ce qui m’a le plus préoccupé dans cette assemblée, et ce pourquoi j’aurais voulu faire une –longue et donc impossible- intervention.
Et si l’on défendait le PCF, tout simplement ?
Toutes les questions présentées aux délégués pour les travaux en ateliers, de même que les sujets de préoccupations affichées dans le mandat, ne font porter les causes de nos échecs que sur le Parti lui-même. Que nous n’aurions pas eu un fonctionnement assez démocratiques, que nous aurions manqué d’analyser « la crise du politique », de répondre aux aspirations populaires, et toute une série de problèmes assez abstraits dans leur formulation, à côté de problèmes réels, comme l’absence de formation (ceci dit, une formation pour enseigner quelle idéologie ?).
A aucun moment, on n’a évoqué le fait que les déboires du PCF peuvent, en plus de la médiocrité des programmes et stratégies adoptées jusque là, venir du fait que nous avons des adversaires. Et que ces adversaires ne sont pas seulement, ni même en premier lieu, l’UMP, le MODEM ou le FN, mais les autres partis de gauche. Et cela, ni le Conseil National ni La Riposte ou les autres adversaires des liquidateurs n’en parlent.
Sont-ce Sarkozy, Bayrou, LePen qui ont fait en 2007 le plein d’électeurs communistes ? Non. Même si un certain nombre d’anciens communistes sont passés au FN jusqu’en 1995, la décrue du PCF ne peut plus s’expliquer par ce canal après cette date, car le FN ne progresse plus en voix après 1995 (même en 2002 les gains de LePen sont faibles mais gonflés par l’abstention). Chacun sait que nous avons souffert du vote utile pour le PS et Royal, ainsi que des « performances » de Besancenot (en fait peu spectaculaires en 2007).
Avons-nous, pendant la campagne présidentielle de 2007, dénoncé réellement Ségolène Royal, non pas seulement sa dérive « conservatrice » (honnêtement, les propos Royalistes sur l’éducation militaire ou les 35 heures m’ont laissé de marbre), mais sur la nullité de son programme ? Beaucoup d’électeurs nous ont dit : « on aimerait bien voter plus à gauche, pour le PCF par exemple, mais on a peur d’un nouveau 21 avril… », et nous nous sommes contentés de dire : «…mais avec un PCF un peu moins faible, on pourrait tirer un peu plus à gauche la politique de Royal si elle est élue, non ? ». Alors qu’il aurait fallu dire que la politique du PS ne règlerait en rien les problèmes de notre système social. Qu’elle n’assurait en rien le financement ni des retraites, ni de la santé. Et que c’était justement là-dessus que la droite attaquerait dès qu’elle serait au pouvoir, que ce soit en 2007 ou 2012. Bref, pourquoi n’avons-nous pas dit que le « vote utile » était une erreur, et que, bien plus que d’une victoire de Royal, nous avions besoin de la reconstitution d’un parti de gauche communiste/socialiste avec un réel programme, fut-ce pour l’appliquer dans plusieurs années ?
Pourquoi n’avons-nous pas non plus fait campagne pour montrer aux électeurs quelles étaient les conceptions réelles de la démocratie dans les partis trotskystes ? Pourquoi n’avons-nous dit que derrière l’angélisme de Besancenot, il y a un parti qui considère que le changement social ne proviendra pas des urnes mais de la pression de la rue, ce qui n’est pas exactement le fonctionnement de la démocratie ? Et que l’échec de la « candidature antilibérale » était avant tout dû au rejet de la démocratie par nos « partenaires », notamment au nom du principe idiot de « consensus », et par l’aspiration de certaines « personnalités » comme José Bové à se présenter coûte que coûte ? Je ne répèterai pas mes articles datant du Printemps 2007 à ce sujet.
Le PCF est aujourd’hui dans la posture d’un homme criblé de flèches, tirées sur sa gauche comme sur sa droite immédiate, et qui ne trouverait pas d’autres réactions que de dire « …il faut que je m’améliore … ». Avant de s’améliorer, il faut d’abord se défendre et combattre. Car non, ce n’est pas ce que nous faisons depuis des années que nous régressons. On me reprochera sans doute de vouloir une irresponsable « rupture » avec nos « alliés » du PS, nos « amis » trotskystes ; mais que sont ces alliés qui nous frappent sans cesse ? Pourquoi s’obstiner à ne parler que de malentendus entre nous et la LCR par exemple, quand le simple fait que Besancenot se présente en concurrence avec la candidate du PCF aux présidentielles devrait déjà être interprété comme une déclaration de guerre ?
Notre direction nationale est soit aveugle à ces faits, et donc incompétente, soit elle en est consciente mais ne s’en préoccupe pas. Alors dans ce cas, oui, nos dirigeants ont choisi la fin du PCF.